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Christophe Lécuyer (AF Virois) : "Les joueurs savent très bien que ce ne seront jamais eux qui poseront le cadre"

Le départ de Cédric Hoarau acté à la fin de cette saison, le président Christophe Lécuyer va devoir se mettre en quête d'un nouvel entraîneur dans les prochaines semaines. ©Damien Deslandes

Le départ de Cédric Hoarau acté à la fin de cette saison, le président Christophe Lécuyer va devoir se mettre en quête d'un nouvel entraîneur dans les prochaines semaines. ©Damien Deslandes

Quelles sont les raisons qui vous ont incité à acter la séparation avec votre entraîneur, Cédric Hoarau à la fin de cette saison ?

"Ces derniers temps, le coach a interprété certaines situations comme des signaux d'une éventuelle fin de cycle. Je peux comprendre son point de vue même si pour ma part, je n'ai nullement la certitude que ce soit le cas. Pour lui, des joueurs avaient plus de mal qu'avant à entendre son message. Il s'en est entretenu avec son vestiaire et il a constaté qu'il existait quelques divergences. Ça l'a un peu touché, surtout qu'il estime que nous, dirigeants, ne l'avons pas soutenu à la hauteur de ce que nous avions pu faire précédemment. C'est son avis, il n'y a aucun souci à ce niveau.

Quand on a évoqué l'avenir il y a quelques jours, on lui a aussi expliqué qu'en cas de descente (en N3), il fallait qu'on étudie si on pouvait (économiquement) le garder à plein temps. C'est la montée en N2 qui l'avait permis. Aujourd'hui, il y a des données que je ne maîtrise pas, notamment financièrement. On est encore focalisé sur le maintien. Et entre jouer en N2 ou en N3 la saison prochaine, ça change pas mal de choses. Sauf que lui avait besoin d'une décision assez rapide car il se trouve en disponibilité auprès de la ville de Caen*. Cette absence de visibilité rapide et claire l'a fait douter sur notre réelle volonté de continuer ensemble".

"Cette absence de visibilité rapide et claire l'a fait douter sur notre réelle volonté de continuer ensemble"

*En parallèle de ses fonctions d'entraîneur de l'AF Virois, Cédric Hoarau occupait un poste de référent scolaire dans une école primaire à Caen.

Cédric Hoarau est marqué par ce choix de l'arrêt à venir de votre collaboration...

"Je comprends que pour lui, humainement, ça soit un peu violent. Maintenant, à aucun moment, on s'est dit : « On va droit dans le mur avec Cédric et il faut qu'on s'en sépare ». Ça ne s'est pas passé de cette manière. D'ailleurs, l'équipe a gagné ce week-end, avec lui, contre Boulogne (J23. 1-0 face au leader de la poule). Il n'est absolument pas question d'une crise. Chez nous, on a tellement peu l'habitude que ça secoue qu'on en ferait vite une montagne. Maintenant, j'entends que le timing de l'annonce n'est pas celui qu'il attendait mais je ne crois pas qu'il y ait de bonne manière de dire : ça s'arrête".

Au fil du temps, des divergences sont apparues entre Cédric Hoarau et son vestiaire ; des tensions qui ont pris une nouvelle dimension la semaine dernière après la défaite face à Dinan. ©Damien Deslandes

Les relations entre certains joueurs et Cédric Hoarau, qui se sont dégradées avec le temps et encore un peu plus récemment, paraissent, tout de même, au cœur de cette séparation...

"C'est l'une des caractéristiques des clubs qui réalisent une saison plus compliquée en termes de résultats même si je trouve que la nôtre, pour un promu, n'est pas si dégueulasse. Elle tient la route (8V-2N-13D). Mais par rapport à ce qu'on a eu l'habitude de connaître les années précédentes, on gagne moins. Inévitablement, cette situation crée des incompréhensions, des doutes chez les joueurs. Certains garçons nous accompagnent aussi sur la durée. C'est la richesse de notre projet mais le revers de la médaille, c'est quand on travaille depuis plusieurs années avec les mêmes personnes, le discours d'un coach peut être moins capté".

La défaite à Dinan (J22. défaite 3-2, le 13 avril) a semble-t-il accentué "ces quelques divergences" que vous évoquez entre les joueurs et Cédric Hoarau...

"Le vestiaire lui a apporté certaines réponses, peut-être de manière trop directe"

"Après le match à Dinan, le coach a éprouvé un sentiment d'incompréhension par rapport à la prestation des garçons. Nous, les dirigeants, on ne partageait pas forcément la même impression. Certes, ils ont réalisé une moins bonne performance mais je ne les ai pas vu lâcher. Toujours est-il que le coach a voulu des explications. Le vestiaire lui a apporté certaines réponses, peut-être de manière trop directe. Dans ces moments, chacun s'exprime avec ses mots. Il y a eu un échange fort. Je comprends que ça ne lui ait pas fait plaisir d'entendre certaines choses et je pense qu'il attendait plus de soutien de la direction".

Pour autant, Cédric Hoarau n'aurait pas été opposé à poursuivre sa mission à la tête de l'AF Virois sous certaines conditions...

"Dans l'optique de la saison prochaine, le coach était dans une logique de renouvellement d'une bonne partie de l'effectif. C'est un point de vue que je partage complètement. D'ailleurs, quand j'ai parlé aux joueurs, j'ai précisé que si pour certains l'aventure continuerait, pour d'autres, nos destins se sépareraient. Par contre, on ne peut non plus pas aller trop loin dans ce renouvellement. On n'en a pas les moyens financièrement. Et le statut de l'arbitrage nous impose un nombre limité de mutés (six). Si demain, le coach me demande d'en virer 15, clairement, ce n'est pas possible".

Christophe Lécuyer a rappelé ses joueurs à leurs responsabilités pour cette fin de saison. Le président de l'AF Virois a eu un premier élément de réponse positive avec cette victoire aux dépens du leader boulonnais. @Damien Deslandes

Ne craigniez-vous pas, avec cette décision, que les joueurs ne s'octroient trop de pouvoir au sein de votre club ?

"J'écoute mon vestiaire, c'est normal mais les joueurs savent très bien que ce ne seront jamais eux qui poseront le cadre. De toute façon, je ne pense pas être le président qui écoute le plus son vestiaire sinon jamais je n'aurais gardé un coach sept ans. Il y a deux ans, quand tu perds 6-0 au Havre, si tu écoutes ton vestiaire, tu dégages ton coach dans la semaine qui suit. A Vire, on laisse le temps aux coachs de travailler. On ne remet pas tout en cause au premier résultat contraire. A aucun moment, durant ces sept années, y compris cette saison, je n'ai laissé planer l'ombre d'un doute sur le fait qu'on pourrait changer de coach. Et Cédric en est conscient. Comme les joueurs savent très bien que ce ne sont pas eux qui décident, aucun d'entre eux n'est venu me voir pour émettre cette idée. Les joueurs ne gagneront jamais avec moi sur ce sujet. On ira au bout de l'aventure tous ensemble".

Dans quelles circonstances avez-vous prévenu vos joueurs que Cédric Hoarau ne serait plus leur entraîneur la saison prochaine ?

"On leur a annoncé vendredi. Je suis allé les voir à la fin de la séance. Avec le coach, on s'était mis d'accord pour qu'il ne soit pas présent. Je leur ai dit que j'avais entendu un certain nombre de messages qu'un certain nombre d'entre eux avaient exprimé. Mais je leur ai aussi rappelé qu'aucun d'entre eux n'avait rejoint le club sans que le coach ne valide leur présence et que c'est aussi grâce à lui qu'ils avaient vécu toutes ces émotions ces dernières années. Derrière, je leur ai fait clairement comprendre qu'il restait quatre matches (en comptant la victoire contre Boulogne) pour finir sur une bonne note, pour garder le meilleur souvenir de son passage à Vire et de cette saison historique en National 2. Je les attendais le lendemain (samedi) sur le terrain. Force est de constater qu'ils ont assumé en répondant présent".

"J'ai rappelé aux joueurs qu'aucun d'entre eux n'avait rejoint le club sans que le coach ne valide leur présence"

Désormais, vous allez devoir vous mettre en quête d'un nouveau technicien dans l'optique de la saison prochaine ?

"En fait, c'est moi le prochain coach, je vais passer mes diplômes (rires). Plus sérieusement, il y a un temps pour tout. Dans l'immédiat et par respect pour le coach en place, je n'ai entamé aucune démarche. Pourtant, quelques heures après que la nouvelle ait fuité dans les médias, j'avais des CV qui me parvenaient ! Le profil recherché ? Toutes les options sont sur la table, maintenant, un technicien qui connaît la région aura ma préférence. En tout cas, je n'ai pas envie d'engager quelqu'un qui soit diamétralement l'opposé de Cédric. Je veux un coach qui lui ressemble dans la passion qu'il dégage, dans l'amour qu'il porte à son club, dans la volonté de faire confiance aux régionaux, y compris dans le recrutement, dans sa capacité à faire progresser les jeunes, dans les valeurs de travail et d'humilité qu'il défend..."

> N2. J24 - Guingamp (14e - 19 points) / AF Virois (12e - 26 points), samedi 27 avril à 18 heures au complexe sportif de l'Akademi.

L'hommage du président Christophe Lécuyer à Cédric Hoarau

Il reste encore trois matches à Cédric Hoarau sur le banc de l'AF Virois avec comme objectif un maintien en N2 à décrocher. ©Damien Deslandes

"Au même titre que Vincent Laigneau (entraîneur de l'AFV de 1995 à 2001 puis de 2007 à 2014), Cédric Hoarau a marqué l'histoire du club de son empreinte". A l'heure de commenter son départ, Christophe Lécuyer ne tarit pas d'éloges sur son futur ex-entraîneur. Il faut dire que ce dernier a obtenu des résultats avec deux montées, de R1 en N3 tout d'abord puis en N2 ; une première pour le club du Bocage, sans oublier un 1/32e de finale de la Coupe de France contre le FC Nantes à d'Ornano, en janvier 2023 (meilleur parcours pour l'équipe viroise). "Cédric a fait vivre de vraies émotions aux supporters, aux partenaires. Je lui en serai éternellement reconnaissant", témoigne le président normand. "Ce que je veux retenir avant tout, c'est cette longévité. Sept ans dans le même club, ce n'est pas si courant dans le milieu du foot. Cédric et l'AF Virois, c'est une relation assez spéciale. On peut presque parler d'amour. C'est sa ville natale, ses parents y habitent toujours, son club, il y a commencé le foot".

Alors que le jeune technicien va se mettre désormais en quête d'un nouveau challenge, Christophe Lécuyer ne s'inquiète nullement pour son avenir. "Je n'ai aucun doute sur le fait que Cédric aura des propositions. Il mérite d'avoir sa chance à ce niveau, voire plus haut. Il ira un jour au BEPF (le diplôme permettant d'exercer en Ligue 1 et Ligue 2 auquel il avait candidaté cette saison)". Avant de se séparer, il reste trois matches à Cédric Hoarau à la tête de l'AFV avec un possible maintien en National 2 à décrocher. De quoi entrer encore un peu plus dans l'histoire du club du Bocage.

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