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Laëtitia Philippe : "Ce n'est pas moi qui ai choisi ce poste mais plutôt lui qui m'a choisi"

Laëtitia Philippe prend la pose « Au bout du monde », son endroit préféré de la ville du Havre, là où la gardienne aime se ressourcer. @Emmanuel Lelaidier

Laëtitia Philippe prend la pose « Au bout du monde », son endroit préféré de la ville du Havre, là où la gardienne aime se ressourcer. @Emmanuel Lelaidier

Maintenue pour la première fois de son histoire en D1 la saison dernière, la section féminine du HAC ambitionne de s'installer durablement dans l'élite du football féminin français. A l'aube de cet exercice 2023-2024, les « Ciel et Marine », sous l'impulsion de leur manager général : Laure Lepailleur, ont entamé un nouveau cycle avec la nomination de Romain Djoubri sur leur banc. Pour connaître un peu mieux les joueuses de l’effectif havrais, nous partirons chaque mois à la découverte de l’une d’entre elle à travers la plume de leur coéquipière : Romane Enguehard. Et maintenant, après la capitaine Deja Davis, focus sur la gardienne Laëtitia Philippe.

Son poste de gardienne de but

"On me répétait souvent que je n'étais pas assez folle"

En juillet 1998, c’est avec des étoiles plein les yeux que la jeune Laëtitia observe, derrière son écran de télévision, Didier Deschamps, Laurent Blanc, Fabien Barthez, son idole d’enfance, et leurs coéquipiers soulever la Coupe du Monde. Un déclic pour la Chambérienne de naissance puisqu’un an plus tard, alors qu’elle fréquente déjà régulièrement le bord des terrains pour encourager son parrain, Michel, portier à Vimines en Savoie, elle signe sa première licence. Evoluant au départ sur le champ, l’absence de gardien dans son équipe mixte la pousse à enfiler les gants de temps en temps, au grand dam de sa maman, Evelyne. "Elle n’était pas très rassurée, elle avait peur que je me fasse mal", se remémore-t-elle. A 13 ans, l'actuelle n°16 des « Ciel et Marine » décide pourtant de se stabiliser dans les cages. "J'ai tendance à dire que ce n'est pas moi qui ai choisi ce poste mais plutôt lui qui m’a choisi. Physiquement, j'avais des aptitudes naturelles mais mentalement, on me répétait souvent que je n'étais pas assez folle !"

Mais derrière son naturel calme et posé se cache un caractère bien trempé. "J'aime avoir des responsabilités, je pense que c’est un rôle où il est important d’avoir les épaules solides et un gros mental". Des qualités primordiales pour occuper une fonction très souvent décriée dans le football féminin. "Qu'ils enfilent les gants !". Admettant aisément que l’évolution du poste a pris du retard, celle qui dispute sa deuxième saison au HAC pense en connaître la principale raison : "Le gros problème, c'était l'absence de coachs spécifiques dédiés à 100% aux gardiennes. Dans certains clubs, pourtant pensionnaires de D1 Arkema, je n'avais qu'un entraînement spécifique par semaine". Néanmoins, Laëtitia Philippe estime que les choses avancent dans le bon sens. Avec notamment l'apport positif de l'analyse vidéo sur sa pratique. "C'est primordial pour pouvoir se corriger. Avant, on te jugeait à ton nombre de buts encaissés. Pour moi, ça ne reflète pas tout. Aujourd'hui, nous sommes capables d’aller creuser dans les détails. C’est beaucoup plus constructif".

Sa carrière internationale

"Avec du recul, je me dis que j’ai sûrement été appelée trop tôt"

Pensionnaire de l'INF Clairefontaine, surclassée dans les sélections de jeunes, Laëtitia Philippe gravit les échelons à vitesse grand V. Elle reçoit sa première convocation chez les « A » en 2009, à seulement 18 ans, à la suite de la blessure de sa partenaire et de sa « grande sœur » à Montpellier, Céline Deville. "Je ne m'y attendais pas du tout. A cette époque, il n'y avait que deux gardiennes à chaque rassemblement. Moi, j'étais avec les U19 et ce n'était pas comme maintenant, il y avait peu de jeunes joueuses en A. Mais quand Cécé s'est blessée, on a fait appel à moi". Pour la « récompenser », le sélectionneur Bruno Bini lui offre même une poignée de minutes lors d'un match face à la Serbie. "Il restait cinq minutes à jouer, je suis rentrée à la place de Bérangère Sapowicz". Un drôle de clin d'œil du destin lorsqu'on sait que cette dernière occupe désormais le poste de coach des gardiennes du HAC !

Six mois après cette première sélection, la titulaire du poste chez les « Ciel et Marine » est laissée à la disposition des U19 pour disputer le Championnat d'Europe de sa catégorie d'âge en Macédoine. Cette compétition, les Bleuettes la remportent en s'imposant en finale contre l'Angleterre (2-1). S'en suit une participation au Mondial U20 puis le retour chez les « grandes » à l'occasion de la Coupe du monde 2011 en Allemagne. Troisième gardienne dans la hiérarchie tricolore, Laëtitia Philippe vit la compétition depuis le banc. "Nous avons atteint les demi-finales, le meilleur résultat de la France en grande compétition. Les stades étaient remplis, c'était incroyable !" Si, en termes de résultats, elle en garde un souvenir heureux, d’un point de vue personnel, la donne est radicalement différente. "J'ai perdu mon papa au cours du Mondial. J’ai pu rentrer mais après, je n'ai pas vécu les choses de la même manière", livre-t-elle la voix empreinte d'émotion.

Réserviste lors des JO de Londres en 2012, la Havraise se retrouve propulsée avec le statut de n°1 à la suite de ce rendez-vous olympique. "Bruno Bini m'a appelée pour m'en informer. Mais à la veille du rassemblement, je me blesse au genou". Verdict : rupture partielle d'un ligament. "C'était un coup du sort mais je pense que je n'étais pas prête à assumer ce rôle, je n'avais même pas trois saisons pleines de D1, je n'ai pas eu le temps de me construire complètement, c'était trop tôt". A son retour de blessure, Laëtitia Philippe continue à être convoquée régulièrement mais elle joue peu (quatre capes au total). Le train est passé. "J'en garde quand même de très bons souvenirs. Participer à des Jeux Olympiques, des Championnats d'Europe, des Coupes du Monde, ça marque une carrière !"

Après avoir multiplié les clubs ces dernières saisons (Rodez, Fleury, Issy, Soyaux, Bordeaux), Laëtitia Philippe semble avoir trouvé au HAC la stabilité qu'elle recherchait depuis son départ de Montpellier. ©Emmanuel Lelaidier

Son regard sur le HAC

"J’ai enfin trouvé un club respectueux, qui donne de l’importance à sa section féminine"

11. C'est le nombre de saisons passées dans son club formateur, le MHSC. Un club historique du football féminin français dans lequel Laëtitia Philippe se voyait réaliser toute sa carrière. "C'est vrai que je pensais terminer là-bas mais dans le foot, on ne sait jamais de quoi demain est fait". A la suite de cette « séparation », elle enchaîne les clubs : Rodez, Fleury, Issy, Soyaux puis Bordeaux. La raison ? "Je pense que je n'arrivais pas à trouver un projet qui correspondait totalement à mes valeurs. J'ai besoin d'évoluer dans un club respectueux, qui donne de l'importance à sa section féminine. A chaque fois, il y avait des soucis et comme je n'ai pas ma langue dans ma poche". Puis, vient l'appel de Laure Lepailleur, manager de la section féminine du HAC, en juillet 2022. "Le projet m'a directement plu, j'ai senti cet engouement autour des filles. Jouer en D1, à Océane, c'est un beau signal envoyé par le club". La néo-Havraise découvre un environnement dans lequel elle se sent bien. Cet épanouissement se traduit par de belles performances sur le terrain, en témoigne sa nomination au titre de meilleure gardienne de la saison 2022-2023 aux côtés de joueuses du calibre de Chiamaka Nnadozie (Paris FC) et Christiane Endler (Lyon).

Son futur

"Consultante pour la Coupe du Monde ? C'était génial, j'ai beaucoup appris"

Rassurez-vous, il n'est pas encore question d'envoyer Laëtitia Philippe à la retraite. Loin de là. "Tant que ma tête et mon corps suivent, j'ai envie de continuer !" Mais a-t-elle déjà commencé à réfléchir à ce qui pourrait l'intéresser lorsqu'elle rangera les gants ? "La facilité serait de rester dans le foot. Devenir coach des gardiennes, pourquoi pas. Ça me tente mais ce qui m'embête, c'est de devoir passer les diplômes d'entraîneur principal avant de pouvoir me spécialiser". Consultante à l'occasion de la dernière Coupe du Monde féminine pour France Télévisions, la Havraise a mis un pied dans le domaine des médias. "C’était génial, j’ai beaucoup appris. Au fil des matches, j’ai pris confiance, au niveau de mon éloquence notamment. Et ça me sert désormais au quotidien, sur le terrain et en dehors".

Une belle expérience qui restera toutefois peut-être sans lendemain. "De base, la TV, ce n'est pas spécialement mon truc", admet-elle. "Je n'aime pas être mise en avant, être devant les caméras, alors je ne suis pas certaine de vouloir continuer sur le long terme". Vous l’aurez compris, rien n’est encore fixé concernant le prochain chemin qu'empruntera Laëtitia Philippe. En attendant, l'internationale Française compte bien continuer à plonger sur toutes les opportunités qui s'offriront à elle. "Je fonctionne beaucoup au feeling. Ce qui est sûr, c’est que je ne suis pas inquiète. Des portes s'ouvriront forcément et puis, je suis encore jeune". Bien sûr, à 32 ans, la portière havraise a encore de belles saisons devant elle. Et tout ce qu’on peut souhaiter au HAC, c’est qu’elle décide de ses futurs projets, le plus tard possible !

D1F. J5 - Saint-Etienne (12e - 1 point) / Le Havre AC (8e - 2 points), samedi 21 octobre à 15 heures au Stade Salif-Keita.

Romane ENGUEHARD

Laëtitia Philippe

  • Née le 30 avril 1991 (32 ans) à Chambéry (Savoie).
  • Gardienne. 1,73 m.
  • Parcours : Montpellier (2007-2018, D1), Rodez (2018-2019, D1), Fleury (2019-2021, D1), Issy (2021, D1), Soyaux (2021-2022, D1), Le Havre AC (2022-...).
  • Internationale française (4 sélections. 2009-2015).
  • Sous contrat jusqu'en 2024.
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