Site icon Foot Normand

"Comme chez les garçons, le HAC doit être reconnu pour la qualité de sa formation chez les filles"

Durant le mercato, Laure Lepailleur a dû procéder à des chois difficiles en se séparant de joueuses qui avaient contribué à la montée en D1. ©Damien Deslandes

Demain, samedi, les Havraises recevront l'OL au Stade Océane sous le regard des caméras de Foot +. "On se réjouit qu'un diffuseur s'intéresse à notre championnat", se félicite Laure Lepailleur. ©Emmanuel Lelaidier

A quoi ont ressemblé vos premières semaines dans vos nouvelles fonctions de manager général de la section féminine du HAC ?

"Dans un premier temps, je me suis livrée à une phase d'observation afin de dresser un diagnostic de l'ensemble de la section féminine. Bien évidemment, compte tenu de la crise sanitaire, il est plus difficile d'effectuer un bilan complet ; toutes nos équipes de jeunes étant stoppées. Même s'il y a la visio, les échanges, notamment avec les éducateurs, ont pris un peu de retard. Ma première constatation, et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu rejoindre le club, c'est la volonté du président (Vincent Volpe) de donner une véritable visibilité à son équipe fanion. En témoigne, la possibilité de jouer au Stade Océane. Il y a vraiment une envie d'inscrire cette section féminine dans un projet global. Pour la promotion de la Coupe du Monde 2019, j'étais venue au Havre assister à France - Etats-Unis (en janvier 2019) et j'avais déjà aimé le discours du président. A l'heure actuelle, quand on parle de football féminin, sans cette volonté des dirigeants, c'est très difficile de développer un projet cohérent et ambitieux".

"Idéalement, à l'avenir, notre équipe première doit être composée à 50% de joueuses issues de notre formation"

En tant que manager général, quelles sont vos missions ?

"L'évolution de la section a été tellement rapide (créée en 2015 mais elle n'a véritablement pris son élan que deux ans plus tard avec l'arrivée de Vincent Volpe à la tête du HAC) que le club n'a pas eu le temps de se concentrer sur la base, sur les fondations, notamment la formation. C'est un secteur qui me tient énormément à cœur. Le HAC est un club professionnel reconnu pour la qualité de sa formation chez les garçons, il faut qu'il le soit aussi chez les filles. Il faut prendre le savoir-faire d'un côté pour nous structurer. Il y a plusieurs domaines où on peut mutualiser les compétences".

Peut-on imaginer la création d'un centre de formation 100% féminin ?

"Aujourd'hui, une telle structure n'est pas reconnue pas les instances. Mais il existe déjà des outils comme les sections sportives. Au HAC, des joueuses bénéficient d'horaires aménagés, sont hébergées en internat au CRJS (Centre régional jeunesse et sport). En tant que club professionnel, on se doit de tendre vers de l'élite avec des équipes de jeunes hyper-compétitives, des joueuses à fort potentiel, capables de frapper à la porte de la D1. Idéalement, à l'avenir, notre équipe première doit être composée à 50% de joueuses issues de notre formation".

En Normandie, le HAC peut servir de locomotive en matière de formation chez les féminines…

"Chez les jeunes, notre souhait est de travailler en priorité sur le secteur havrais puis sur la Normandie. On peut aller jusqu'à l'Ile de France car il y a un beau vivier là-bas mais je n'irai pas chercher une gamine dans le sud de la France. Maintenant, même si je suis Normande d'origine, j'ai besoin de me familiariser de nouveau avec ce bassin, de connaître les clubs. C'est important aussi de se présenter sur les groupes de perfectionnement régionaux (sous l'égide de la Ligue de Normandie), de découvrir des joueuses sur ces rassemblements, dans des catégories bien précises".

"Je ne suis pas certaine que le projet serait remis en cause s'il y avait une catastrophe"

Le développement de cette section féminine résisterait-il à une relégation en D2 des filles de Thierry Uvenard ?

"C'est vrai qu'il y a une évolution récente de l'équipe première avec cette accession en D1 cette saison. L'objectif, c'est de perdurer. Pour le développement de notre section, on ne va pas se voiler la face, plus longtemps on reste au haut niveau, plus il sera facile de la développer. Mais dans tous les cas, je ne suis pas certaine que le projet serait remis en question s'il y avait une catastrophe".

Lanterne rouge après neuf journées, l'équipe de Thierry Uvenard va devoir lutter pour arracher son maintien…

"Quand on passe de la D2 à la D1, le niveau est beaucoup plus élevé. Après, sur nos résultats du début de saison, les circonstances n'ont pas été en notre faveur avec l'absence de plusieurs joueuses pour différentes raisons : blessures, problème de visas (à cause de la crise sanitaire)… J'ose espérer que le retour des blessées va nous apporter une plus-value. Pour autant, l'état d'esprit du groupe est hyper-positif. On a souvent été très proches (défaites 2-1 contre Dijon et Guingamp ; 1-0 face à Soyaux et Reims). Malheureusement, cela ne s'est pas retranscrit en termes de points. Dès le mois de janvier, il faudra aller en chercher face à des concurrents directs".

Vous évoquiez la différence de niveau entre la D2 et la D1. D'une manière générale, c'est l'un des principaux problèmes du football féminin. Pour mieux structurer la pyramide des championnats, ne faudrait-il pas créer une D3, qui constituerait une étape intermédiaire entre l'échelon régional et la D2, avec la présence des réserves des pensionnaires de D1 ?

"C'est vrai qu'on fait le constat qu'il y a beaucoup de disparités entre les divisions. Quand je jouais, la D3 existait. Maintenant, pour relancer ce championnat, il faudrait qu'il soit compétitif avec un nombre de joueuses suffisant. Aujourd'hui, dans les gros clubs, l'équipe U19 est considérée comme la réserve. C'est un parti pris que je partage. Pour l'évolution des sélections nationales, il était important de créer un championnat national pour cette catégorie d'âge. Ça a permis de créer cette étape intermédiaire car avant, il n'était pas rare de débuter en D1 à 15-16 ans ; ce qui pouvait engendrer une problématique de blessure pour des jeunes filles qui n'avaient pas terminé leur développement physique".

"Est-ce qu'à un moment, il y aura la volonté de rattacher la D1 féminine à la LFP ?"

Comme Thierry Uvenard, seriez-vous favorable à une augmentation du nombre d'équipes en D1 (elle en compte actuellement 12) ?

"Il faut se poser la question de l'avenir de cette D1. Actuellement, on est dans un statut entre deux. D'ailleurs, on le voit bien durant cette période de confinement, la D1 féminine est avec, le N1, le seul championnat géré par la FFF à se poursuivre (avec la D1 Futsal également). Est-ce qu'un à moment, il y aura la volonté de rattacher notre championnat à la Ligue professionnelle (la LFP qui a la gestion de la L1 et de la L2 chez les hommes) ? Cela nous offrirait sûrement plus de possibilités de développement".

En attendant, le championnat de D1 Féminin s'est déjà énormément développé comme en atteste sa médiatisation avec la diffusion de l'intégralité des matches de chaque journée sur les antennes du groupe Canal +…

"Si on m'avait dit il y a quelques années que le championnat de D1 serait télévisé tous les week-ends, je l'aurais difficilement cru. La médiatisation fait partie de l'évolution du football féminin. On se réjouit qu'un diffuseur s'y intéresse. C'est un championnat attractif. Il faut que ça se poursuive dans cette direction".

D1 Féminine. J10 - Le Havre (12e - 4 points) / Lyon (2e - 24 points), samedi 5 décembre à 14 h 30 au Stade Océane.

Laure Lepailleur

> Né le 7 mars 1985 (35 ans) à Bernay (Eure).

> Ex-défenseure. Consultante TV (Eurosport, RMC Sport). Manager général de la section féminine du HAC.

Parcours de joueuse : Evreux (2000-2002), Clairefontaine (2002-2004), Montpellier (2004-2006), Lyon (2006-2009), Paris SG (2009-2012), Juvisy (janvier 2013-2015).

Palmarès : Championne de France en 2005, 2007, 2008, vainqueur de la Coupe de France en 2006, 2010, vainqueur de l'Euro U19 en 2003. Internationale (38 sélections - 2 buts).

Quitter la version mobile