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« Féfé » Mayembo, le résilient

Victime d'une blessure à une cuisse, Fernand Mayembo a manqué le début de saison. ©Emmanuel Lelaidier

Alors qu'ils pensaient accrocher le point du match nul, Fernand Mayembo et les Havrais ont cédé à la 90' sur une frappe sublime d'Olivier Kemen. ©Emmanuel Lelaidier

Le renvoi du centre de formation de Châteauroux

"Je reconnais que j’ai commis une erreur de jeunesse mais ce n’était qu’une canette"

"Au cours de ma deuxième saison au centre de formation à Châteauroux, je me suis fait virer. La cause ? Le vol d’une canette de soda. Tout le monde se servait dans la cuisine, tout le monde. Un soir, avec un coéquipier, on en a pris une chacun. Quelqu’un s’est rendu compte qu’il en manquait. Tant que personne ne se dénonçait, on a tous été privés d’entraînement. Avec deux autres joueurs, on s’est dénoncés. Je suis passé en conseil de discipline. J’ai eu beau m’excuser, donner 10 € pour rembourser la canette, la direction n'a rien voulu savoir. Le club a voulu faire un exemple. Bruno Allègre, le président de l’époque m’a dit : « A mes yeux, tu ne resteras qu’un simple voleur ».

Cet épisode m’a profondément marqué. Je reconnais que j’ai commis une erreur de jeunesse mais ce n’était qu’une canette ! On m’a répondu : « Qui vole un œuf aujourd’hui vole un bœuf demain ». A cause de ça, j’aurais pu avoir un autre destin, loin du football, mal tourner. Quand je me suis fait virer, je me suis demandé ce que j’allais devenir. Dieu merci, grâce à Armindo Ferreira, mon entraîneur des U19 à Châteauroux (aujourd’hui, directeur du centre de formation de La Berrichonne), j’ai rebondi à Niort. Je lui serais éternellement reconnaissant. Pour moi, c’est plus qu’un coach, c’est presque comme un père. Quand je suis retourné jouer à Châteauroux, j'ai vu que le président Allègre était gêné de me dire bonjour. Mais ce n’est pas à moi d’avoir honte, c’est à lui".

Fernand Mayembo ©Emmanuel Lelaidier

L’éclairage technique

Monstre physique dans les duels, « Féfé » Mayembo le reconnaît : "Techniquement, je ne suis pas le meilleur". Pourtant, le défenseur central, sous la direction d’Oswald Tanchot puis de Paul Le Guen et de son adjoint Yves Colleu, a beaucoup progressé dans ce domaine. "Avant, je n’aimais pas trop avoir le ballon. Aujourd’hui, je n’ai plus peur. J’aime bien prendre des risques, casser des lignes. A Grenoble, le coach Guégan m’incitait déjà à le faire", indique le n°5 des « Ciel et Marine » qui débriefe tous ses matches, vidéo à l’appui, dans la nuit suivant leur tenue. "En rentrant chez moi, avec la pression qui retombe, je n’arrive pas à dormir".

Le rebond à Grenoble

"On s’est moqué de moi car je redescendais en CFA"

"Est-ce que j’ai déjà été découragé ? Bien sûr. Quand j’étais à Niort, je ne jouais pas du tout, sans savoir le pourquoi du comment (une seule apparition de cinq minutes en L2). A ce moment-là, j’ai accepté d’être prêté en CFA (N2) à Grenoble. Ce ne fut pas une période facile. J’étais mal. On s’est moqué de moi. Plusieurs personnes m’ont demandé pourquoi je redescendais en CFA alors que j’avais un contrat pro dans un club de Ligue 2. Dans ma tête, je me suis dit : « Je vais perdre mon statut pro. Est-ce que je prends la bonne décision ? »

Surtout que quand vous redescendez en CFA, vous avez intérêt à vous démarquer de vos coéquipiers, à prouver pourquoi vous êtes pro. En plus, lors de mes premiers mois, j’ai très peu joué, j’étais tout le temps blessé. Mais l’entraîneur Olivier Guégan (actuellement à Valenciennes, en L2) a voulu me conserver. Avec mon agent que j’ai rencontré à cette période et qui devenu mon ami, on a convenu que la meilleure solution pour moi était de rester là-bas. Niort et Grenoble se sont entendus à l’amiable. Derrière, j’ai réalisé une grosse saison, j’ai participé à la montée en Ligue 2 et j’ai signé au HAC".

Fernand Mayembo ©Emmanuel Lelaidier

Fernand Mayembo

> Né le 9 janvier 1996 (25 ans) à Brazzaville au Congo.

> Défenseur central. Droitier. 1,84 m pour 89 kg.

> Parcours : Melun (2008-2011), Brétigny (2011-2013), Châteauroux (2013-2015, centre de formation), Niort (CFA2-L2, 2015 - janvier 2017), Grenoble (CFA-N1, janvier 2017-2018), Le Havre (2018-...).

> Sous contrat jusqu'en 2022. 

> International congolais.

Trois ans pour s’imposer au Havre

"La preuve qu’il faut être patient"

"Quand je m’engage au Havre, on m’explique que je vais remplacer Harold (Moukoudi) qui est sur le départ. Comme finalement il est resté, je me suis retrouvé remplaçant. J’ai accepté cette situation. C’était logique qu’Harold et Dénys (Bain) qui avaient l’expérience de la Ligue 2 soient titulaires. Bon, par contre, personne ne m’avait dit que Samba (Camara) figurait aussi dans l’effectif. Du coup, on était quatre centraux pour deux places. Et quand Harold ne jouait pas(1), Samba le remplaçait. Malgré tout, je ne me suis pas plaint. C’était ma première véritable expérience à ce niveau. J’ai pu faire tout de même 13 matches dont des très gros, contre Bordeaux en Coupe de la Ligue et en Coupe de France.

Ma deuxième saison, je démarre comme titulaire, associé à Samba. Après, Ertugrul (Ersoy) est arrivé. Forcément, quand un coach (Paul Le Guen) recrute un joueur, c’est normal qu’il le fasse jouer. Je me mets à sa place. Mais du coup, moi, j’ai sauté. Ce ne fut pas évident. On se demande pourquoi ? Surtout que c’est intervenu après une victoire 3-0 contre Caen (le 30 août 2019). Maintenant, ce que j’ai apprécié, c’est que le coach a toujours été franc avec moi. Il m’a dit les choses en face. La saison dernière, de base, je n’étais pas non plus spécialement prévu comme titulaire. J’ai demandé au coach s’il comptait sur moi. Il m’a répondu que je rentrais dans sa rotation. Lors de la 1re journée, à Troyes (défaite 2-0, le 24 août 2020), Ertugrul était aligné. Il a pris un rouge, je suis rentré. Depuis, je ne suis plus sorti de l’équipe. Aujourd’hui, j’ai la confiance du coach, du staff, de tout le monde… C’est la preuve qu’il faut être patient".

(1)En fin de contrat en juin 2019, Harold Moukoudi avait été privé de compétitions par les dirigeants havrais à partir du 1er janvier. La raison ? Le refus du défenseur central d’être vendu à l’étranger quand l’opportunité s’est présentée ou de prolonger son contrat. L’Etat-major du HAC reprochant au joueur de partir libre alors qu’une clause sous seing privée (non valable juridiquement devant la LFP) prévoyait automatiquement une année en plus.

Un pilier des « Diables Rouges » congolais

Fernand Mayembo et les « Diables Rouges » ont raté de peu la qualification pour la prochaine CAN. ©Damien Deslandes

Bien qu’il ait retrouvé sa maman et ses quatre frères en région parisienne le jour de son huitième anniversaire, Fernand Mayembo défend depuis 2017 les couleurs du Congo (avec une quinzaine de capes au compteur) ; lui, le natif de Brazzaville. "Je ne vais pas vous mentir, je connais plus la France que le Congo", ne cache pas le défenseur central qui n’était retourné qu’à une seule reprise dans son pays natal avant d’être appelé avec les « Diables Rouges », le surnom de l’équipe nationale. "Pour faire mon passeport*. C’est d’ailleurs comme ça que j’ai été repéré par un représentant de la fédération".

"Souvent, on me demande dans quel congo je joue ? Le vrai ou le faux ? Quand j'entends ces propos, ça me fait mal"

Malgré la crise sanitaire et les matches à huis clos la saison dernière, le Havrais est baigné dans la ferveur africaine à chaque fois qu’il se rend sur ce continent. "Il n’y avait peut-être plus personne dans le stade mais autour, oui. Les gens aiment trop leur pays, ils chantent, ils dansent…". Si sa sélection a raté de peu sa qualification pour la prochaine CAN (Coupe d’Afrique des Nations) en s’inclinant contre la Guinée lors de la dernière journée des éliminatoires, Fernand Mayembo contribue au renouveau footballistique du Congo avec, entre autres, les Delvin Ndinga (ex-Auxerre et Monaco), Thievy Bifouma (ex-Reims et Bastia), Durel Avounou (ex-Caen)… Son coéquipier au HAC, Nolan Mbemba l’a également récemment rejoint.

"Souvent, on me demande dans quel Congo je joue ? Le vrai ou le faux ?" Référence à la République démocratique du Congo supposée plus forte sur le papier. "Quand j’entends ces propos, ça me fait mal. J’ai envie de montrer que nous aussi, on est une grande équipe". Cette expérience internationale lui permet de se frotter à quelques-uns des meilleurs attaquants du Monde. "Pour mon premier match, Sébastien Migné (le sélectionneur de l’époque, aujourd’hui entraîneur adjoint à Niort, en L2) m’a lancé face au Ghana des frères Ayew, d’Asamoh Gyan, de Christian Atsu… Dans ma tête, je me suis dit : « Le coach m’envoie au charbon ». Mais ça s’était très bien passé. On avait fait 1-1. Depuis, je ne suis plus sorti de l’équipe", se souvient le n°5 des « Ciel et Marine ». Depuis, il a aussi défié le Sénégalais Sadio Mané et l’Egyptien Mohamed Salah. "Quand l’Egypte s’est qualifié pour la Coupe du Monde 2018, on a joué devant 100 000 spectateurs au Caire. A ce moment-là, j’étais un joueur de National. J’étais émerveillé. Pourtant, je crois que j’ai livré l’un des meilleurs matches de ma vie". A 25 ans, Fernand Mayembo n’a peut-être pas fini de croiser la route des deux stars de Liverpool.

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