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SM Caen - Le HAC : le derby normand décortiqué par Stat Malherbe

La joie de Johann Lepenant, symbole du renouveau du Stade Malherbe depuis le début du mois de décembre. ©Damien Deslandes

Pour la troisième fois de la saison après la réception d'Amiens et le déplacement à Niort, Pascal Dupraz (ici, en train de délivrer des consignes à Yoann Court) a utilisé un système en 4-4-2. ©Damien Deslandes

Pascal Dupraz reste fidèle à la défense à trois, un 4-1-4-1 pour Paul Le Guen

Pour la septième fois consécutive en championnat et alors que les résultats avec ce système sont assez décevants jusqu'à présent (1V-3N-2D), Pascal Dupraz, l'entraîneur du Stade Malherbe, avait reconduit pour le derby normand un dispositif avec trois défenseurs axiaux. Mais une fois de plus, le onze aligné était original puisqu'on ne l'avait pas vu jusqu'à présent avec les titularisations d’Anthony Weber - Prince Oniangué - Jonathan Rivierez dans l’axe*, Aliou Traoré et Steeve Yago en piston, respectivement à droite et à gauche, Jessy Deminguet, Johann Lepenant et Yoann Court au milieu de terrain dans un triangle à pointe haute (sur le papier) ainsi que la paire Nicholas Gioacchini - Alexandre Mendy associée en attaque ; l'ex-Bordelais ayant un rôle plus avancé.

Côté havrais, Paul Le Guen alignait ses troupes sous un format en 4-1-4-1. Un schéma peu usité depuis le début de la saison. Il faut remonter au déplacement à Ajaccio en décembre pour en retrouver une trace (J14. 1-1). Alors que l’on pouvait supposer que Nabil Alioui occuperait le front de l’attaque, c’est Alexandre Bonnet qui s’y collait rappelant (toute proportion gardée) Cesc Fabregas positionné en faux neuf lors de l'exercice 2011-2012 avec le FC Barcelone, puis avec l'Espagne à l’Euro la même année. Opposé au 3-5-2 caennais, le HAC choisissait donc de couvrir la largeur avec une ligne de quatre milieux devant la sentinelle Victor Lekhal.

(1)Anthony Weber, Prince Oniangué et Jonathan Rivierez avaient déjà été alignés simultanément dans un système à trois défenseurs centraux, cette saison, contre Valenciennes (J23. 1-1, le 2 février) et Amiens (J24. 0-0, le 5 février).

Le choix payant d'installer Alexandre Bonnet en faux n°9

A l'origine de l'ouverture du score havraise, on voit clairement les deux pistons caennais, Aliou Traoré et Steeve Yago, dans le camp havrais. Tout en haut de l'image, Alexandre Bonnet se prépare à glisser dans le dos du Burkinabé.

L’innovation tactique du coach breton s'avérait payante dès les premières minutes. Les déplacements sans ballon d’Alexandre Bonnet ont posé rapidement des soucis à l'arrière-garde « Rouge et Bleu » (privée d'Hugo Vandermersch et d'Alexis Beka Beka) que ce soit par son pressing pour contraindre la relance caennaise ou par ses appels entre les lignes. Illisible, le capitaine des visiteurs n’a pas hésité à se détacher de l’axe sur l’action de l'ouverture du score (6') pour attaquer la zone la plus sensible du 3-5-2, dans le dos de l'un des pistons.

Cette action a pointé (encore) du doigt, l’absence de maîtrise de ce système à trois par les Malherbistes avec le positionnement tactique des hommes de couloir. On avait pourtant vu Steeve Yago prudent par exemple face à Guingamp (J26. 2-2, le 22 février) lorsqu’Anthony Gonçalves montait, il se plaçait près des trois axiaux. Ce ne fut pas le cas sur cette action… Alors que le jeu se déployait sur l'aile droite de l'attaque havraise, Aliou Traoré, à l'opposé, accusait quelques mètres de retard sur Nabil Alioui et ne pouvait pas fermer au second poteau.

Le rôle de Nicholas Gioacchini dans le demi-espace droit

Après avoir fait le plus dur à l’extérieur, les Hacmen reculaient d’un cran, abandonnant le ballon afin de jouer les contres. En prenant le jeu à leur compte, les joueurs de Pascal Dupraz ont très bien su exploiter le demi-espace droit (zone située entre l’axe du terrain et la ligne de touche dans le sens vertical) avec des appels de Nicholas Gioacchini intelligents entre Nabil Alioui et Nolan Mbemba, derrière la ligne des quatre milieux et à côté de la sentinelle Victor Lekhal. C’est l'un des risques du 4-1-4-1 avec une ligne de quatre milieux pouvant être trop vite dépassée par des passes bien senties et un n°6 ayant trop d’espace à couvrir.

Entre la 15' et la 30', l’international américain a capté des passes verticales de Jessy Deminguet, Johann Lepenant et Prince Oniangué en prenant souvent l’avantage sur les défenseurs havrais, que ce soit avec du jeu combiné avec ses partenaires Yoann Court et Aliou Traoré ou en obtenant des fautes intéressantes dans les 30 dernières mètres. NG7 a ce vice qui doit rendre fou ses adversaires : il obtient en moyenne 1,81 faute par match. Sciemment ou non, le jeu des « Rouge et Bleu » a beaucoup penché sur la droite ; Aliou Traoré se montrant beaucoup plus entreprenant que son alter ego Steeve Yago. Il faut avouer qu’Alexandre Mendy et Nicholas Gioacchini ont peu navigué de son côté comme l’atteste la passmap ci-dessous.

Position moyenne des joueurs avec ballon (les circuits de passes les plus répandues apparaissent en gras)

C’est donc naturellement du côté droit qu’est venue l’action caennaise la plus dangereuse avec cet incroyable raté de Yoann Court suite à un jeu combiné entre Nicholas Gioacchini et Aliou Traoré. La non-transformation de cette occasion pèse lourd au tableau de bord de suivi des expected goals et cela devient une mauvaise habitude. Le Stade Malherbe totalise 37,07 buts attendus contre 27 réellement marqués soit un écart défavorable de -10,07. C’est l’équipe la plus maladroite de la Ligue 2. A la fin de la première mi-temps, le déchet technique des partenaires de Jonathan Rivierez ainsi que leur agressivité (13 fautes en 45') les ont empêché d’amener de la fluidité et de la continuité dans le jeu pour revenir au score.

Durant le deuxième quart d’heure, les Havrais ont beaucoup couru après le ballon : 22% de possession seulement. On a aperçu une formation coupée en deux, avec Alexandre Bonnet éloigné de ses partenaires. Le plan de jeu des « Ciel et Marine » était prévisible. Ils guettaient toutes les opportunités de pertes de balles adverses pour projeter de nombreux joueurs dans la surface. Romain Basque pour ne citer que lui, a durant toute la partie montré tout son apport dans ce domaine, en répétant les courses vers l’avant y compris dans les derniers instants du match.

Passage en 4-4-2 en seconde période pour le SMC

Au début de la seconde période, Pascal Dupraz procédait à une réorganisation tactique avec un passage en 4-4-2, Jonathan Rivierez glissant latéral droit tandis qu'Aliou Traoré se positionnait au milieu, un poste plus naturel. C’est la troisième fois consécutive que les Caennais terminent leur rencontre à quatre derrière. Dans les couloirs, Caleb Zady Sery (rentré à la place de Johann Lepenant) et Yoann Court étaient responsabilisés afin d’amener pour l'un de la percussion et pour l'autre des centres. Il faut dire que les « Rouge et Bleu » n’avaient remporté aucun duel offensif en première période. Si les deux joueurs offensifs ont énormément permuté durant ce second acte, le résultat fut peu probant : neuf centres réussis sur 28 (jamais le SMC n'en avait tenté autant sous Pascal Dupraz) et seulement trois entrées dans les 35 derniers mètres par de la course ballon au pied.

Si le passage à une défense centrale à deux éléments semblait se justifier par la volonté de revenir au score et donc de placer plus de joueurs dans la moitié de terrain adverse, les changements tactiques opérés ont éteint la dynamique caennaise avec l’abandon d’une animation axiale. Technique qui avait pourtant porté ses fruits en fin de première période pour un circuit de possession en U stérile aboutissant à de trop nombreux centres difficilement convertibles en buts. La supériorité positionnelle et qualitative de Nicholas Gioacchini ne s’appliquait plus (neuf passes réceptionnées en seconde période contre 19 avant le repos).

Quelques diagonales bien senties de la droite vers la gauche ont abouti à des situations intéressantes. Inconvénient, les Caennais ont libéré beaucoup d’espaces. En attestent, les six contre-attaques comptabilisées pour Le Havre en 90' aboutissant à trois tirs. Alors que l’axe du terrain avait été verrouillé en première période, le milieu de terrain malherbiste s’est fait transpercer à cinq reprises au retour des vestiaires par des transitions rapides, certaines suite à des pertes de balles haut sur le terrain. C'est d'ailleurs après une erreur de Steeve Yago, décidément peu performant dans les derbys normands, que la défaite des locaux a été scellée.

Les centres effectués par le SM Caen lors du derby normand contre Le Havre.

L'abandon de la défense à trois côté caennais ?

Les Havrais ont merveilleusement joué leur chance et contrôlé la dynamique du match. Avec le positionnement osé d’un joueur au profil de créateur-buteur à la pointe de l’attaque en la personne d’Alexandre Bonnet, Paul Le Guen a rappelé à tous le fin tacticien qu’il pouvait être. Inefficace devant le but avec 20 frappes tentées (un record depuis le 3 décembre 2017 et la réception de Lyon) pour 1.86 expected goals, le Stade Malherbe n'a pas su exploiter les faiblesses structurelles du 4-1-4-1 adverse en appuyant sur la zone derrière les quatre milieux. Au contraire, l’adaptation tactique tardive choisie par Pascal Dupraz a semblé contre-productive.

Avec un jeu trop latéral (28% de passes vers l’avant seulement) et de moins en moins direct (7,19% de passes longues après 7,14% face à Nancy), les Caennais s’enfoncent dans une crise sportive en s’écartant de fondamentaux qui lui avaient permis d'accrocher le Top 5 après la manche aller du « Normandico » (J11. victoire 2-1, le 21 novembre). Le retour à des « basiques » comme l’abandon de la défense à trois, qui ne supporte pas les bricolages et les rotations d'effectifs, peut être un des chemins vers un meilleur contenu et un objectif 2020-2021 tardivement dévoilé : le maintien.

Répartition et chronologie des expected goals du Stade Malherbe et HAC dans le derby normand.

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