Site icon Foot Normand

Duckens Nazon, un prince d'Haïti au service de Quevilly-Rouen

Grâce au cinquième but de la saison en championnat de Duckens Nazon, QRM a remporté son premier succès à Diochon. ©Damien Deslandes

Absent des terrains depuis trois semaines (épaule), Duckens Nazon espère rapidement retrouver le chemin des filets, lui qui n'a plus marqué depuis son triplé inaugural contre Amiens. Pourquoi pas en Corse. ©QRM

Dans une intersaison où de nombreux observateurs lui conseillaient ardemment de recruter, Quevilly-Rouen a peut-être réussi un coup de maître en s’offrant Duckens Nazon. Auteur d’un coup du chapeau pour son baptême du feu sous le maillot « Rouge et Jaune » face à Amiens (J3. 3-1, le 7 août), l’international haïtien a frappé un grand coup d’entrée. "Je n’avais encore jamais connu de tels débuts", livre le principal intéressé. "C’est vrai qu’un triplé pour une première, c’est beau, d’autant qu’honnêtement, je n’étais même pas trop en forme. Ça m’a vraiment souri". Parmi les footballeurs qui composent l’effectif de Bruno Irles, Duckens Nazon est un joueur à part.

"Ma popularité en Haïti ? C'est grâce à mes prestations avec la sélection, tout simplement"

Il n’y a qu’à voir le nombre de ses followers sur sa page Facebook officielle : près de 319 000 ! À titre de comparaison, c’est autant que QRM, le HAC et le Stade Malherbe réunis. Véritable star en Haïti, l’attaquant aux 430 000 abonnés sur Instagram justifie très modestement l’engouement qu’il suscite au pays. "C’est grâce à mes prestations avec la sélection, tout simplement", explique celui qui a démarré avec les Grenadiers en 2014 alors qu’il avait tout juste 20 ans. "J’ai tiré mon épingle du jeu en sélection, notamment lors de différents tournois internationaux. Ça me profite dans l’extra-sportif, notamment via les réseaux sociaux, C’est toujours agréable".

Le « Duc de Normandie », comme beaucoup l'ont surnommé, ne semblait pourtant en rien prédestiné à une telle popularité, à la lecture de son parcours par ailleurs très exotique. D’une section sport-études à Vannes au centre de formation du FC Lorient (en catégorie U19), Duckens Nazon a ensuite dû batailler dans les rangs amateurs pour décrocher son premier contrat « pro » à Laval, en 2015. "Après Lorient, le coach de Roye-Noyon (CFA à l’époque) m’a proposé un bon projet", rembobine le natif de la région parisienne. "Je me suis dit que sortir du circuit pro et rejoindre le plus haut niveau amateur, ce n’était pas plus mal. Ça n’a pas marché car le rêve qu’on m’avait vendu n’a pas eu lieu. J’ai alors dû redescendre encore plus bas, en CFA 2, à Saint-Quentin sous les ordres de Jean-Louis Montero. Au bout de trois-quatre mois, des clubs de Ligue 2 se sont penchés sur moi. Très vite, j’ai alors signé à Laval".

De l’Inde à l’Ecosse en passant par l’Angleterre et la Belgique

18 apparitions avec les Mayennais et quatre buts plus tard, Duckens Nazon a donné un nouveau tournant à sa carrière en s’engageant au Kerala Blasters FC, écurie de première division indienne. "Une des meilleures expériences footballistiques de ma vie", ne cache pas l’attaquant. "Je n’en ai gardé que de bons souvenirs". Partir pour mieux revenir, voilà qui pourrait parfaitement résumer son parcours. A la sortie d’une poignée de matches en Inde, il séduit les Wolverhampton Wanderers, pensionnaires de Premier League anglaise qui décident de l’enrôler. S’en suivent deux prêts : à Coventry (D4 anglaise) puis à Oldham (D3 anglaise) avant un séjour à Saint-Trond en Belgique entrecoupé d’un nouveau prêt à Saint-Mirren (D1 écossaise).

"J'ai préféré le projet de QRM plutôt que de m'exiler en ne regardant que le côté financier"

Fraîchement débarqué en Normandie, l’ancien vannetais est désormais en quête de stabilité. Et si l’homme aux 25 buts en sélection a choisi le projet de QRM, c’est avant tout grâce au discours de Bruno Irles. "Pour ne pas mentir, c’est le coach qui m’a convaincu. Pourtant, on n’avait jamais eu de contact. Il faut savoir que c’est un entraîneur qui analyse beaucoup. Quand il prend un joueur, il sait déjà tout. Avant que je ne signe, il connaissait déjà mon dernier plat (rires). Il s’était renseigné sur moi, j’ai fait de même le concernant et je n’ai entendu que du bien. J’ai accroché tout de suite à son discours".

Se considérant "à un âge de transit", Duckens Nazon (27 ans) n’a donc pas hésité une seule seconde quand l’ex-formateur de l’AS Monaco lui a proposé du temps de jeu. "J’ai préféré ce projet plutôt que m’exiler en ne regardant que le côté financier". Et alors que les supporters haïtiens ont suivi avec attention les premiers pas à QRM de celui qu’ils ont rebaptisé « Le Prince », le promu voit aussi rejaillir sur lui l’effervescence qui entoure son nouvel attaquant. Si elle est difficilement quantifiable, la visibilité gagnée par cette seule arrivée pour le club du président Mallet est réelle et assurément profitable. Alors qu’il ne considère jamais comme acquises ses sélections, le successeur d’Andrew Jung n’oublie pas de remercier ses fans. "Les supporters ne sont pas comme ça avec tout le monde et j’essaie de leur rendre ce qu’ils m’offrent, par exemple en proposant des jeux concours. J’essaie de leur donner le maximum car ils m’apportent beaucoup de bonheur. Dans les moments difficiles, ils me mettent du baume au cœur et me permettent de relever la tête". Et si d’aventure Duckens Nazon et son équipe décrochaient leur objectif maintien avec quelques buts du « Prince » à la clef, ils seraient alors des dizaines de milliers, à l’autre bout du monde, à célébrer la réussite de QRM.

> L2. J11 - AC Ajaccio (4e - 19 points) / Quevilly-Rouen (12e - 12 points), samedi 2 octobre à 19 heures au Stade François-Coty.

Aurélien RENAULT

Haïti dans le cœur et dans le sang

Bien que né en région parisienne, dans les Hauts-de-Seine, et ayant grandi dans les Yvelines, Duckens Nazon est un amoureux d’Haïti, le pays de ses parents. Fier de représenter sa sélection depuis 2014, le chouchou des supporters vit évidemment très mal de voir son peuple souffrir, encore plus depuis le tremblement de terre qui a frappé l’île le 14 août. "C’est difficile pour moi. Là-bas, c’est catastrophe sur catastrophe. Ce sont des événements naturels, ce sont hélas des choses qu’on ne peut pas contrôler. Ça me met un gros coup au moral quand je vois ce qui se passe, je suis très attaché à mon pays. Comment peut-on les aider ? Via des actions caritatives, en envoyant des choses… On essaie de faire le maximum avec nos moyens mais comment stopper un tsunami ou un séisme ? Malheureusement, ce n’est pas de mon ressort". Très engagé sur le plan humanitaire, l’attaquant de QRM a notamment contribué à lancer une association d’aide en faveur de son pays : Humanayiti.

Quitter la version mobile