C’est une performance inédite. Jamais depuis la création du centre de formation en 1989, le Stade Malherbe n’avait vu ses U17 et ses U19 composter la même saison leur billet pour les play-off*. "C’est une superbe récompense pour le travail effectué par les gamins et tous ceux qui s’en occupent au quotidien", se félicite Pascal Plancque. "Une double qualification, c’est extrêmement rare et réservé en général à des clubs comme Paris, Rennes…" Pour cet exercice 2024-2025, Marseille, qui accueillera les protégés de Matthieu Ballon, et Strasbourg l’ont également accomplie. Des résultats que le directeur technique du SMC relativise cependant : "On ne sait pas si les autres clubs ont aligné à chaque fois leurs meilleurs U17 et leurs meilleurs U19 dans leur catégorie d’âge ou dans celle au-dessus". Mais cette logique de surclassement s’applique aussi aux « Rouge et Bleu » à l’image de Cluver Sambi, l’une de ses plus grandes promesses. Du haut de ses 16 ans, le milieu de terrain - qui a fêté son baptême du feu avec la « B » au mois de mars - compte 24 apparitions en U19 !
En revanche, une participation à ces phases finales ne constitue pas un gage de réussite pour réaliser une carrière professionnelle plus tard. Les deux dernières fois que la formation caennaise était présente en play-off, cela a débouché sur des scénarios radicalement différents. Si plusieurs demi-finalistes du championnat de France U19 en 2019 ont franchi le cap (Alexis Beka Beka, Johann Lepenant, Kélian Nsona, Andreas Hountondji, Godson Kyeremeh…), l’année précédente, parmi les joueurs du coach Michel Rodriguez ayant atteint la finale dans cette catégorie seul Hugo Vandermersch (désormais chez les Suisses du FC Saint-Gall) évolue réellement chez les « pros ».
"Ça ne serait pas rendre service aux gamins que de les envoyer déjà chez les pros."
De quoi refroidir les ardeurs de certains supporters « Rouge et Bleu » qui réclament l’intégration de nombreux jeunes dans l’effectif de Maxime d’Ornano, fraîchement nommé sur le banc, la saison prochaine. Cette requête repose autant sur les résultats actuels des garçons de Matthieu Ballon et Gilles Fabien que sur les piètres prestations à répétition de l’équipe première, reléguée en troisième division ; un niveau qu’elle n’avait plus fréquenté depuis 1984 ! "Le gap entre les championnats U17-U19 et les pros est énorme. Ce n’est pas parce que vous êtes performant chez les U19 que vous le serez en professionnel", rappelle l’ex-adjoint de Claude Puel. "Il y a des étapes à respecter. Déjà, la National 3". Ceux qui s’attendaient à un raz-de-marée de jeunesse en N1 lors de l’exercice à venir en sont pour leurs frais. "Ça ne serait pas rendre service aux gamins que de les envoyer déjà chez les pros. C’est la meilleure façon de les griller et de se planter". Bien que parfois, pour des considérations économiques et par peur de perdre des espoirs, des dirigeants peuvent être tentés d’accélérer le processus ; ce qui a souvent juste pour conséquence de décaler le problème.

Malgré les performances des U19, Pascal Plancque, directeur technique du SMC depuis le mois de janvier, prévient : il n'y aura pas un raz-de-marée de jeunesse au sein de l'effectif « pro » la saison prochaine. ©Théo Hamel - SM Caen
Moins d'internes, plus de locaux
L’argent reste le nerf de la guerre, y compris à la formation. Alors que le board du Stade Malherbe entend, avec cette descente en National, diviser les dépenses par trois (à hauteur de 25 M€ en 2023-2024), tous les secteurs du club seront impactés. Et le centre, dont le budget tourne autour des 2,5-3 M€, ne fera pas exception comme l’a indiqué Fayza Lamari dans son interview à nos confrères d’Ici Normandie. "L’actionnaire nous a fait la demande d’avoir moins d’internes", confirme Pascal Plancque. Cette saison, 35 joueurs étaient hébergés au sein de la structure caennaise. La direction du SMC souhaiterait diminuer ce chiffre d’une dizaine d’unités. Bien sûr, cette réduction des effectifs ne se produira pas du jour au lendemain. "On ne peut pas casser les contrats comme ça. Le club a des engagements, il les respectera", assure le directeur technique.
"Si pour atteindre cet objectif, on doit terminer 8e ou 9e en championnat U17-U19"
« Moins de quantité, plus de qualité ». Tel pourrait être le credo du clan Mbappé concernant le recrutement de jeunes en dehors des frontières normandes, notamment en provenance de la région parisienne. "On sera plus exigeant sur le profil du gamin", précise Pascal Plancque. Nourrir, loger et blanchir autant de joueurs, sans oublier l’accompagnement à leur fournir dans la vie quotidienne, représente un coût qu’il n'est plus possible d’assumer. Pour compléter les groupes d’entraînement, les responsables malherbistes ont l’intention de s’appuyer sur "un réseau régional". "Ça donnera la possibilité à des locaux de s’exprimer". Oui, mais lesquels ? Car aujourd’hui, les potentiels les plus intéressants issus de la Basse-Normandie, la première zone d’influence du SMC, rejoignent déjà le club caennais.
Pour ceux qui en douteraient, il suffit de comptabiliser le nombre de garçons calvadosiens, manchois et ornais qui ont réalisé une carrière « pro », c’est-à-dire en première ou en deuxième division, ces dix dernières années sans avoir porté le maillot « Rouge et Bleu » au cours de leur cursus. Si on peut vous aider, vous n’aurez besoin que d’une seule main, et pas obligatoirement de tous vos doigts. "Il faut se concentrer sur les joueurs identifiés comme des potentiels de haut niveau, deux-trois par génération, et les amener chez les professionnels. C’est la finalité du centre", fixe comme ligne de conduite le directeur technique. Si cette politique "n’empêche pas d’être aussi performant", selon l’ex-coach de Boulogne, Nîmes et Niort, le technicien admet que les résultats des équipes de jeunes pourraient en pâtir. "Si pour atteindre cet objectif, on doit terminer 8e ou 9e en championnat U17-U19… L’idée, ce n’est pas forcément de gagner des titres dans ces catégories. Bien entendu, on est content quand ça se produit". Attention, toutefois, car à trop jouer avec le feu, on finit par se brûler. Il y a deux ans, les U17, les U19 et la réserve s’étaient tous battus pour sauver leur place dans leur championnat respectif ; les décideurs de l’époque avaient même imposé que les meilleurs jeunes évoluent dans leur catégorie d’âge dans l’ultime ligne droite de la saison (Norman Bassette, Mohamed Hafid et Noé Lebreton notamment chez les U19).
Evoluant à domicile dans le Stade de Venoix, les U19 de Gilles Fabien pourraient bénéficier du soutien du MNK, dimanche. ©Damien Deslandes
Une réflexion autour de la suppression de l'équipe U19
Alors qu’au début de cet exercice 2024-2025, avec l’arrivée de Gérard Prêcheur en tant que directeur technique, des ressources supplémentaires avaient été allouées à la formation, cette relégation en N1, et toutes les conséquences qu’elle engendre, donne l’impression d’un retour en arrière. "Même avec un maintien en Ligue 2, des ajustements auraient été nécessaires parce que le club vivait au-dessus de ses moyens", lâche le successeur de l’ancien coach des féminines de Lyon. "Avoir un entraîneur, un responsable des gardiens, un préparateur physique et un analyste vidéo par équipe, en France, il n’y a qu’au Paris Saint-Germain avec un budget illimité qu’on voit ça. C’est dangereux de partir sur un modèle similaire. Nous, on est le Stade Malherbe, on est en National maintenant". Gérard Prêcheur ayant plié bagage en janvier, sur fond de désaccords avec sa direction sur le secteur professionnel, finie la folie des grandeurs pour le centre.
Tous les deux au terme de leur contrat au 30 juin, Adrien Gato, entraîneur des gardiens, et Laurent Lesgent, membre du staff U17, ne seront pas reconduits ni remplacés. Alors que le spectre d’un nouveau plan social, quatre ans après le précédent en 2021 (27 des 64 salariés en CDI à l’époque avaient perdu leur emploi), n’est pas totalement à exclure pour un club contraint à considérablement réduire son train de vie, d’autres départs à la formation pourraient intervenir. "Il faut être réaliste, il faudra fonctionner avec moins de ressources humaines. Ça demandera beaucoup d’engagement". A ce niveau, Pascal Plancque peut être rassuré. Avant le rachat du SMC par Kylian Mbappé, les éducateurs du centre étaient déjà habitués à travailler avec des staffs limités à leur plus simple expression, ou presque. En CDD, Matthieu Ballon, Julien Savigny, Julien Lecoq, Frédéric Petereyns, Gilles Fabien, Sébastien Maté et Romain Leroux semblent protégés pour cet été mais ont peu de visibilité sur leur futur puisque leur contrat se termine en 2026.
"Il faut être réaliste, il faudra fonctionner avec moins de ressources humaines. Ça demandera beaucoup d'engagement"
Et ce n’est pas la réflexion autour de la suppression à moyen terme de l’équipe U19, à l'étude également dans plusieurs clubs professionnels, qui va leur donner confiance en l’avenir. "Si ce n’est pas cette saison, ce sera la prochaine ou dans deux ans". Forcément, cela signifierait moins de techniciens, et également moins de déplacements, moins de frais logistiques soit autant d’économies. "Ce n’est pas qu’une réflexion financière. C’est une question que tous les clubs se posent. Certains considèrent qu’une équipe dans cette catégorie n’apporte pas grand-chose. Est-ce que ce championnat a une vraie valeur qualitative ?", s’interroge le directeur technique caennais. "Un gamin de 18 ans qui n’est pas positionné en réserve, en N2 ou en N3, on peut difficilement se projeter avec lui chez les professionnels à 21-22 ans". Un point de vue qui se défend, à un moment où le football fragilisé par la chute des droits TV, entre bille en tête dans une période de récession économique, qui va lourdement impacter certains clubs, même de Ligue 1, dans les prochaines semaines.
*Si les quarts de finale sont en vigueur depuis des années en U17, leur instauration est plus récente chez les U19 ; les play-off débutant avant dans cette catégorie directement en demies.
> U17. Quart de finale - Marseille / SM Caen, samedi 17 mai à 15 heures au Stade Roger-Scotti (OM Campus).
> U19. Quart de finale - SM Caen / Montpellier, dimanche 18 mai à 15 heures au Stade de Venoix-Claude-Mercier.
Protéger les plus grands espoirs du centre de formation
Compte tenu de son potentiel, Soan Ameline (international U17) pourrait faire partie des jeunes que la direction du Stade Malherbe souhaite protéger en proposant un contrat par anticipation. ©Damien Deslandes
"C'est quelque chose qui m'a surpris cette saison, on avait énormément de joueurs pros (34)". Partant de ce constat mis en lumière par Pascal Plancque, les dirigeants normands se sont montrés beaucoup plus sélectifs dans les offres formulées aux jeunes issus du centre de formation. C'est bien simple, parmi les éléments dont l'engagement se termine au 30 juin*, aucun ne s'est vu proposer un premier contrat professionnel. "Il y a des gamins qu'on sera content de conserver, mais sous statut amateur", précise le directeur technique du Stade Malherbe. C'est sous cette forme que Robin Verhaeghe a poursuivi son aventure sous le maillot « Rouge et Bleu » et a fêté son baptême du feu en Ligue 2.
Sous contrat stagiaire jusqu'en 2026, Issa Karakodio, Djulys Gomis, Tristan Rozier, Adnane Kharroubi et Noam Ben Loucif constitueront l'ossature d'une réserve (N3) appelée à être rajeunie pour le prochain exercice. Le cas Léo Milliner (19 ans), lié sous la même forme contractuelle que ses partenaires de la génération 2006, est différent. Et pour cause, l'attaquant originaire de Bayeux (sept apparitions en L2) est l'unique pensionnaire de la structure caennaise à avoir reçu une proposition de contrat « pro ». Une offre qu'il n'a pas encore acceptée. Avec le milieu Gabin Tomé, il semble être le seul jeune à avoir les armes, dans l'immédiat, pour intégrer le groupe de l'équipe première.
Pour le SMC, fragilisé par sa descente en N1, le danger est de se faire attaquer par la concurrence sur ses plus grandes promesses. "Les gamins peuvent aussi se projeter plus facilement sur un club qui est en National qu'en Ligue 1". Toujours est-il qu'afin de se protéger, des propositions par anticipation leur ont été envoyées. "C'est prévu sur un nombre précis de jeunes", confie Pascal Plancque sans dévoiler l'identité des garçons en question. Compte tenu de leur potentiel, Cluver Sambi et Soan Ameline (tous les deux de la génération 2008), sous contrat aspirant jusqu'en 2026, pourraient bien être concernés. Grand espoir à son poste de gardien, Pierre Réale (16 ans), s'est, lui, vu remettre une offre pour un contrat aspirant.
*Lucas Vovard, Antoine Lepeltier, Salim Diakité, Joël Matondo, Adama Timera, Gagny Traoré et Ilias Miraoui.