"La certitude, c’est que la politique du club dans les prochaines années se tournera de plus en plus vers l’ADN normand et le centre de formation". Dans le dernier entretien qu’il a accordé à nos confrères d’Ouest-France, Pierre-Antoine Capton a martelé l’importance de la formation dans son projet pour le Stade Malherbe. Mais quelle réalité se cache derrière derrière les mots du (futur) propriétaire du club caennais ? Dans un contexte de rigueur budgétaire, comment se porte le centre du SMC aujourd’hui ? « Normandisation », développement de la post-formation, moyens financiers et humains accordés… Tout au long de la semaine, la rédaction de FOOT NORMAND consacre une série d’articles sur le centre de formation des « Rouge et Bleu ».
Cette saison, ils n’ont pas connu les mêmes frayeurs que lors de l’exercice précédent. Confrontée à l’urgence de la situation avec une menace de relégation planant au-dessus des U19 et des U17, la direction du Stade Malherbe avait ordonné il y a un an le rappel des troupes. Pour la fin du championnat, les membres de la génération 2004 (Norman Bassette, Mohamed Hafid, Noé Lebreton…), qui grappillaient quelques minutes avec les « pros » à l’époque, avaient été alignés dans leur catégorie d’âge. Ces renforts de poids avaient permis aux U19, et par effet domino aux U17, de se sauver. 12 mois plus tard, ces deux équipes se sont maintenues à deux journées du terme sans réellement avoir été inquiétées (respectivement classées à ce jour 9e et 8e/14). Toutefois, elles n’ont jamais été non plus en mesure de tutoyer les sommets. On est loin des cuvées 2018 et 2019 quand la jeune garde de Michel Rodriguez avait atteint la finale puis les demies du championnat de France U19.
"Si on voulait absolument des résultats, on jouerait à année d’âge et avec des profils plus matures", prévient Djibi Diao rappelant que le SMC n’a pas sorti spécialement plus de joueurs les saisons où il avait atteint les phases finales même si Hugo Vandermersch, Alexis Beka Beka et Godson Kyeremeh sont issus de ces promotions. Pour le responsable du recrutement du centre de formation, pas question de se tromper d’objectif. "On ne doit pas s’écarter de notre stratégie qui est de repérer et de former des joueurs à potentiel pour à terme, alimenter l’équipe professionnelle". Dans ces propos, on comprend presque que les résultats, jusqu’à un certain degré, sont secondaires. Il faut dire aussi que depuis 2021, Caen a diminué la voilure, y compris dans les moyens consacrés à sa formation. Et pour continuer à remplir son rôle, le centre a dû s’adapter.
"Si on voulait absolument des résultats, on jouerait à année d'âge et avec des profils plus matures"
Djibi Diao
Afin d’optimiser les ressources mises à sa disposition ; en corrélation avec un club affichant le septième budget de Ligue 2 et avec un déficit structurel dépassant la barre des neuf millions d’euros en 2022-2023 selon le rapport de la DNCG (Direction nationale de contrôle et de gestion), les responsables de la structure « Rouge et Bleu » ont décidé de réduire et de rajeunir leurs effectifs. Cette saison, des U16 à la réserve, sans compter les néo-« pros », ils sont 64 pour quatre équipes. C’est toujours une dizaine de plus que l’année dernière quand cette logique avait été poussée à son paroxysme mais ça n’en reste pas moins assez limité en quantité, sachant que chaque week-end apporte son lot de blessés et de suspendus.
Une politique de surclassement dans les équipes de jeunes
"Quand tu sais qu’il y a, en moyenne, entre un et trois jeunes qui passent pro par génération, et encore trois, c’est pour les énormes générations, ça ne sert à rien d’avoir 80 joueurs dans son centre", argumente Matthieu Ballon, le directeur de la formation caennaise. Une tendance nationale alors que le football français a pendant longtemps été accusé de « fabriquer » des chômeurs. "Et puis à quoi bon avoir dix gamins qui ne jouent pas chaque week-end. Il faut penser à leur bien-être. Un gamin qui ne joue pas, il n’est pas heureux", ajoute Djibi Diao. Conséquence de cette diminution des effectifs, il est fréquent de voir des garçons alignés dans la catégorie d’âge supérieure. Une stratégie club assumée et revendiquée par le SMC.
"On préfère laisser de la place à un garçon plus jeune d'un an, qu'on conisède avoir la capacité d'émerger"
Matthieu Ballon
"On pratique une politique de surclassement", confirme Matthieu Ballon. "On n’a pas les moyens d’avoir 16 joueurs par année d’âge. Comme on ne veut pas recruter juste pour faire le nombre en compétition, on préfère laisser de la place à un garçon plus jeune d’un an, qu’on considère avoir la capacité d’émerger à un certain niveau même si au départ, c’est plus difficile pour lui. De toute façon, se confronter à un championnat plus relevé constitue un axe de développement". "La saison dernière, Matthieu jouait avec trois U15 titulaires chez les U17 nationaux. Bien sûr, sportivement, sur le moment, ce fut plus compliqué mais aujourd’hui, ce sont tous des cadres de cette catégorie alors qu’ils ne sont même pas 2e année", complète Djibi Diao.
International U16, Soan Ameline vient d’ailleurs de remporter le Tournoi de Montaigu avec l’équipe de France. Et nul doute que quand Cluver Sambi Mbungu, qu’on annonce comme l’une des plus belles promesses du centre de formation caennais, obtiendra sa naturalisation, il revêtira également le maillot Bleu. Un rajeunissement des collectifs qui n’est pas sans impact sur les résultats immédiats, à un âge où chaque année d’écart peut représenter un gouffre à combler sur le plan physique. Surtout qu’à écouter Djibi Diao, peu de clubs en France utilisent le surclassement. Au Stade Malherbe, à l’instant T et compte tenu des ressources actuelles, on estime que c’est encore la meilleure façon pour faire grandir de futurs joueurs de Ligue 2 et de Ligue 1.
La réserve a eu du mal à se remettre de la promotion de Nicolas Seube chez les « pros »
Le départ imprévu de Sébastien Bannier a accentué le sentiment d'instabilité autour de l'équipe réserve du SMC cette saison. ©Damien Deslandes
Avec son statut de reléguée de l’étage supérieur, plusieurs observateurs avaient présenté la réserve du Stade Malherbe comme l’un des favoris à l’accession en N2. Quasiment dix mois plus tard, force est de constater que c’était une erreur. Pourtant, la saison de la relève caennaise - renforcée par l’apport d’une poignée de renforts spécifiques à ce groupe (Zoumana Bagbema, Kays Sayari) - avait plutôt bien commencé. Après neuf journées (5V-2N-2D), elle partageait même le fauteuil de leader avec l’AS Chatou. Mais la promotion de Nicolas Seube avec les « pros » (ainsi que du préparateur physique Manu Lepresle) a marqué une véritable cassure dans la dynamique de cette équipe. Derrière, que ce soit avec Romain Leroux puis Sébastien Bannier à sa tête, la « B » du SMC a enchaîné neuf matches sans victoire (3N-6D).
Conséquence de cette terrible série, la zone rouge s’est considérablement rapprochée (10e à la mi-mars, à égalité avec le 11e, potentiellement synonyme de descente en R1). Heureusement pour eux, les « Rouge et Bleu », avec les mêmes hommes sur leur banc (Romain Leroux ayant repris du service à la suite du départ imprévu de Sébastien Bannier), ont trouvé les ressources pour réagir. Avec quatre succès en six rencontres (pour un nul et une défaite) ; le dernier en date sur la pelouse de son homologue de QRM ce week-end, la réserve malherbiste a assuré son maintien à deux journées du terme. Mais à l’image des U17 et les U19, les responsables du centre de formation du SMC ne se focalisent pas sur les résultats.
"Ce qui compte, c'est le nombre de garçons dans cette équipe qu'on est encore capable d'amener là-haut"
Djibi Diao
"Ce qui compte, c’est le nombre de garçons dans cette équipe qu’on est encore capable d’amener là-haut", martèle Djibi Diao. Le « patron » du recrutement des jeunes caennais rappelle le contexte particulier qui entoure la « B ». "Cette saison, on a une génération qui arrive en fin de contrat et qui se pose beaucoup de questions (Robin Veraeghe, Abdoulaye Niakaté, Heliodinho Tavares, Gabin Tomé) et une autre, les 2006 (Djulys Gomis, Noha Lapisse-Pouchard, Léo Milliner…), encore très jeune. Il faut lui laisser du temps. Mais c’est vrai que ça nous donne un mélange qui n’est pas parfaitement équilibré. Maintenant, on a eu tellement de joueurs qui sont sortis d’un coup". Référence aux cuvées 2002 (Johann Lepenant, Lamine Sy, Andreas Hountondji…) et 2004 (Brahim Traoré, Noé Lebreton, Norman Bassette…) qui ont grillé, dans le bon sens, quelques étapes.