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Arnaud Tanguy : "Une vingtaine de CDI seront supprimés sur la soixantaine que compte le club"

La crise sanitaire avec l'instauration des huis clos depuis la fin octobre a accentué les difficultés financières du Stade Malherbe. ©Damien Deslandes

La crise sanitaire avec l'instauration des huis clos depuis la fin octobre a accentué les difficultés financières du Stade Malherbe. ©Damien Deslandes

Comme annoncé par Vincent Catherine, le directeur général des activités en France d'Oaktree, dans notre numéro précédent (n°33), l'Etat-major du Stade Malherbe a officialisé, ce lundi, la mise en place d'un Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Présenté aux représentants du personnel dans la matinée puis à l'ensemble des salariés à midi, ce PSE porte très mal son nom. Car il est bien question de licenciements pour motifs économiques au sein d'un club caennais qui compte pas moins de 158 employés, tous types de contrats confondus (joueurs et staff inclus). Mais ce PSE ne touche que les CDI (contrat à durée indéterminée) avec "une vingtaine de suppressions de postes sur la soixantaine que compte le club", révèle Arnaud Tanguy, le directeur général qui pilote depuis octobre un projet de restructuration globale du SMC.

"On vise une organisation que le club a déjà connu auparavant, avant sa dernière montée en Ligue 1, en 2014"

Sur le plan administratif, aucun secteur d'activité ne sera épargné : communication, commercial, merchandising, exploitation de d'Ornano, centre de formation… Ceux qui resteront doivent également s'attendre à des changements avec des services complètement remaniés et des fonctions mutualisées. "On vise une organisation que le club a déjà connu auparavant, avant sa dernière montée en Ligue 1. On ne fait que le recalibrer à l'échelle de ce qui se existait en 2014", précise le DG des « Rouge et Bleu ». "Entre 2014 et aujourd'hui, il y a eu la création d'une vingtaine de postes, principalement sur les deux premières saisons en Ligue 1, en 2015 et 2016 ; ce qui est normal. Plus tu perdures à ce niveau, plus tu te structures, tu te spécialises".

Sauf que depuis deux saisons et sa relégation en L2, le Stade Malherbe n'a jamais réadapté son train de vie (lire encadré ci-dessous). Ce PSE désormais dévoilé, un cadre juridique doit être respecté dans les prochaines semaines. "Maintenant, on va rentrer dans un temps d'information, de consultation et d'échanges avec les représentants du personnel". D'ici deux mois, ces derniers doivent rendre un avis consultatif sur les employés visés par cette vague de licenciements économiques avant validation par l'inspection du travail. Au préalable, un plan de départs volontaires va être proposé à la totalité des salariés. "Pour certains, ça peut être l'opportunité de changer de projet professionnel". Les dirigeants caennais espèrent que tout sera bouclé à l'intersaison. "Ça ne va pas se régler du jour au lendemain. Le timing devrait nous amener à cette date. En attendant, les salariés devront vivre dans l'incertitude durant des semaines, voire des mois. Ce n'est jamais agréable", convient Arnaud Tanguy.

Présentation de la situation aux joueurs ce mardi

Non concernée par ce PSE, la partie sportive n'échappe pas, pour autant, à cette réduction de la voilure. Dans les prochains mois, de nombreux CDD ne devraient pas être renouvelés. Pour rappel, au sein de l'effectif, Steeve Yago, Adama Mbengue, Jonathan Rivierez, Anthony Weber et Jessy Pi se trouvent en fin de contrat en juin 2021. Idem pour l'ensemble du staff technique dont le coach Pascal Dupraz. Au niveau du centre de formation, Fabrice Vandeputte, le responsable de la réserve, Cédric Hengbart, son adjoint, et Sébastien Moncé, l'entraîneur des gardiens, seront également libres au 1er juillet.

"Je ne présage pas de ce qu'il va se passer. Chaque joueur est libre ou non de signer un avenant à son contrat"

Ce mardi, le président Olivier Pickeu, le DG Arnaud Tanguy et le directeur sportif Yohann Eudeline vont rencontrer le groupe « pro » afin de lui exposer la situation économique du club. Le sujet de la baisse des salaires devrait forcément être posé sur la table. Reste à savoir si Jessy Deminguet et ses partenaires accepteront une diminution de leur émolument, sachant qu'il y a quasiment autant de cas de figure que de joueurs. "Ce rendez-vous est une première étape. On verra la nature des échanges. Je ne présage pas de ce qu'il va se passer. Chacun est libre de signer ou non un avenant à son contrat", indique le directeur général des « Rouge et Bleu ».

En parallèle, les dirigeants caennais entendent poursuivre l'opération dégraissage entamée l'été dernier. Il faut dire que là aussi, le travail ne manque pas. En incluant les sept élément prêtés*, le Stade Malherbe compte 37 joueurs professionnels (plus Garissone Innocent et Aliou Traoré, respectivement prêtés par le PSG et Manchester United). Problème, alors que le mercato d'hiver referme ses portes le 1er février à minuit, aucun départ supplémentaire n'a été enregistré. "On sait très bien que ça se passe toujours à la fin", se montre, rassurant, Arnaud Tanguy.

*Ayoub Jabbari (Avranches, N1), Timo Stavitski (Maastricht, D2 néerlandaise), Younn Zahary (Pau, L2), Marvin Golitin (Bobigny, N2), Brice Tutu (Beauvais, N2), Evens Joseph et Herman Moussaki (Boulogne-sur-Mer, N1).

Comment le Stade Malherbe en est arrivé là ?

Si le Stade Malherbe est contraint d'avoir recours à un PSE, c'est qu'il se trouve dans une impasse économique. Pour rappel, le club caennais a bouclé l'exercice précédent (2019-2020) avec un déficit structurel (avant la balance des transferts) d'environ 10 M€ ! Colossal pour une écurie de L2. D'ailleurs, au moment de son rachat cet été par Oaktree et Pierre-Antoine Capton, une somme comprise entre 15 et 20 M€ avait été évoquée pour relancer la machine « Rouge et Bleu ». Depuis, le fonds d'investissement américain a injecté plusieurs millions d'euros pour éviter un dépôt de bilan. Bien sûr, l'incertitude autour des droits TV suite au défaut de paiement de Mediapro et la crise sanitaire qui le prive de recettes match (billetterie, hospitalité) n'arrangent pas sa situation. Surtout qu'il va falloir se pencher sur les abonnements des supporters et les prestations réglées par les partenaires alors que les rencontres se déroulent à huis clos depuis fin octobre.

Mais les difficultés financières du SMC sont antérieures. "La relégation en Ligue 2 est l'élément majeur et moteur de ce projet de restructuration", indique le DG Arnaud Tanguy. "La chute est d'autant plus lourde que le club est resté cinq saisons en Ligue 1 (2014-2019, sa plus longue séquence à ce niveau depuis la première moitié des années 1990). Il a pris le temps de se structurer à l'échelle de cette division. Après, ses difficultés ont été amplifiées par les éléments que l'on connaît". Avec le recul, le Stade Malherbe a certainement eu le tort de ne pas réduire son train de vie dès sa descente. A croire que les dirigeants de l'époque ont tenté le pari de la remontée immédiate. Raté.

Multiplication des coaches, recrutement raté

"Si je simplifie, le club a gardé une base de coût Ligue 1 tout en évoluant en Ligue 2. Peu importe la qualité du travail réalisé en Ligue 2, mécaniquement, vos revenus diminuent. Vous passez de 35 à 15 M€ de chiffre d'affaires. Alors si dans le même temps, vous conservez une infrastructure de Ligue 1 comme ça a été, partiellement, le cas ici, c'est évident qu'il faut ajuster cette base de coût", résumait Vincent Catherine, le directeur général des activités d'Oaktree en France, quand nous l'avons interrogé en décembre.

Mais le SMC paye surtout cash ses multiples erreurs de casting sur le plan sportif depuis 2018. Fabien Mercadal et Rui Almeida qui se sont succédé sur le banc normand sont partis (ainsi que leur staff respectif) avec de confortables indemnités. Sans oublier la pige effectuée par Roland Courbis (février-mai 2018) qui a coûté plusieurs centaines de milliers d'euros. A quelques exceptions près (Jonathan Gradit, Caleb Zady Sery, Yoann Court…), le recrutement a également été raté dans les grandes largeurs. Alors que le Stade Malherbe doit supporter une masse salariale colossale (dans son édition datée du 26 janvier, Ouest-France évoque le chiffre de 12 M€), impossible en Ligue 2, la valeur de l'effectif, dans le même temps, s'est considérablement appauvrie. Pourtant, le groupe « pro » compte encore, aujourd'hui, près de 40 joueurs sous contrat ! Heureusement, son centre de formation lui fournit ses principaux « actifs » : Johann Lepenant, Alexis Beka Beka, Kélian Nsona…

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