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En 4-4-2, le Stade Malherbe n'a pas (encore) trouvé sa plénitude offensive

La joie de Johann Lepenant, symbole du renouveau du Stade Malherbe depuis le début du mois de décembre. ©Damien Deslandes

Pour la troisième fois de la saison après la réception d'Amiens et le déplacement à Niort, Pascal Dupraz (ici, en train de délivrer des consignes à Yoann Court) a utilisé un système en 4-4-2. ©Damien Deslandes

De l’avis de Robert Malm et de Samuel Ollivier, les commentateurs de beIN Sports présents au Stade Océane pour couvrir le derby normand, le contenu du match manquait de richesse (en dehors de la polémique liée au penalty accordé). Il y a pourtant toujours de quoi dire après un match de football et des leçons peuvent être tirées de la victoire caennaise, notamment sur l’utilisation du 4-4-2. Alors que Pascal Dupraz clame haut et fort depuis la préparation estivale qu’il souhaite mettre en place ce système, force est de constater que l’utilisation de ce dispositif apporte peu de contentement, surtout lorsque les « Rouge et Bleu » ont la possession.

Malgré 58,8% de possession, seulement 19 attaques placées

Depuis le début de la saison, le Stade Malherbe ne tire que 8,4 fois par match, soit la 17e équipe de Ligue 2 dans ce classement spécifique (graphique n°1). Contre le HAC, la distance moyenne mesurée entre la défense et l'attaque du SMC n'a été que de 29 mètres (graphique n°2).

Ce n'est que la troisième fois, seulement, que le coach savoyard aligne deux lignes de quatre et une ligne de deux au coup d'envoi d'une rencontre. Avec cette tactique, le bilan est positif puisque le club normand affiche deux succès (1-0 contre Amiens et donc 2-1 aux dépens du Havre) pour une défaite (3-0 face à Niort) mais l’impression visuelle n’est pas concordante. En 4-4-2, le Stade Malherbe semble manquer d’imagination comme en témoignent le peu d'occasions qu'il se procure. Depuis le début de la saison, le collectif caennais frappe 8,4 fois par match, ce qui le classe à la 17e position de son championnat. A titre de comparaison, le HAC occupe, lui, la dernière place de ce classement avec 6,6 tirs par rencontre. Avec le 4-4-2, le constat est encore plus mauvais pour le SMC. Les partenaires de Jonathan Rivierez ne tentent leur chance, en moyenne, que 7,3 fois par match pour 0,8 but attendu (hors penalty). Ce dispositif semble sublimer les faiblesses caennaises.

Aujourd'hui, peu de formations utilisent le 4-4-2. Beaucoup d’entraîneurs ont fait le constat qu’il était difficile de déséquilibrer l’adversaire par des manœuvres avec ballon. Ces dernières sont rapidement lues par les équipes en face car les offensives prévisibles manquent de variété. Les suiveurs auront sans aucun doute éprouvé ce sentiment lors du derby normand. Malgré une possession de 58,2%, le nombre d’attaques placées (actions construites) comptabilisées pour les « Rouge et Bleu » n’est seulement que de 19, un (triste) record sous Pascal Dupraz (ex-aequo avec la prestation insipide contre Chambly, J4. 0-0).

Il faut dire que les Havrais ont su œuvrer pour contrarier leurs homologues caennais. Déjà avec le choix de démarrer avec trois défenseurs axiaux, Paul Le Guen a annoncé la couleur avec une posture défensive (même s'il s'en est défendu en conférence de presse, justifiant ses choix par les nombreuses absences dans son effectif). En décidant également de ne pas appliquer un pressing fort sur les deux défenseurs centraux malherbistes mais de privilégier un repli de ses attaquants et une densité dans son propre camp entre la moitié de terrain et ses 30 derniers mètres adverses, le jeu s’est retrouvé resserré sur une bande très étroite. La distance moyenne mesurée entre la défense et l’attaque du SMC n’est que de 29 mètres !

Oniangué et Rivierez, les joueurs qui ont touché le plus de ballons

Face au Havre, Prince Oniangué et Jonathan Rivierez ont joué respectivement 76 et 63 ballons, plus que n'importe quel autre joueur présent sur le terrain.

La liberté laissée aux défenseurs axiaux Prince Oniangué et Jonathan Rivierez est illustrée par le nombre de ballons joués par ces derniers : respectivement 76 et 63. Ce sont les joueurs qui en ont touché le plus au cours de ce match comme l’indique cette passmap (ci-dessus). Les hommes de Pascal Dupraz éprouvent toutes les peines du monde à savoir comment utiliser ce ballon ou en tout cas comment l’utiliser différemment que par du jeu large avec de nombreux allers-retours entre les latéraux et les défenseurs axiaux. On a vu ainsi Prince Oniangué ou Jonathan Rivierez réclamer plusieurs fois des relais intérieurs de la part de leurs milieux axiaux Anthony Gonçalves et Jessy Deminguet.

C’est la limite du 4-4-2. Pour espérer déséquilibrer l’adversaire, il faut savoir déformer les lignes, et les milieux axiaux et les attaquants doivent se proposer à des hauteurs différentes. Cela n’a pas été le cas et cela l’est rarement depuis le début de la saison. On dit que le système de jeu sert à organiser le mouvement. Force est de constater que celui-ci est trop rare pour justifier la pertinence du 4-4-2 pour les attaques caennaises. On a très peu vu décrocher Yacine Bammou, Nicholas Gioacchini, Jessy Deminguet ou Anthony Gonçalves. On a même entendu Pascal Dupraz hurler sur le bord du terrain : "Vous êtes 4 sur la même ligne devant". Le 4-4-2 nécessite des joueurs complémentaires ; ce qui ne semble pas toujours être le cas à la lecture des mouvements.

26 centres, un record sous l'ère Pascal Dupraz

Sur les 19 attaques placées contre le HAC, une seule est passée par l'axe (graphique n°1). La solution est donc venue des côtés avec 26 centres, un record depuis la nomination de Pascal Dupraz (graphique n°2).

Et quand les appels étaient réalisés, les demandeurs étaient finalement peu servis comme si les « Rouge et Bleu » manquaient de confiance et craignaient de perdre le ballon dans l’axe. Dans ce contexte, un élément comme Jessy Deminguet ne peut mettre en évidence ses qualités. On a souvent vu par exemple Anthony Gonçalves se glisser à droite de Jonathan Rivierez pour les lancements de jeu plutôt que de recevoir le ballon dans l’axe. Difficile dans ces conditions de créer des supériorités numériques ou positionnelles. La solution avec ballon s’est donc déportée sur les côtés. Ainsi, sur les 19 attaques placées comptabilisées, on n'en dénombre qu'une seule dans l’axe. Une configuration assez logique contre une opposition avec trois défenseurs axiaux. La surface havraise s’est retrouvée bombardée de centres : 26, un record depuis la nomination de Pascal Dupraz en octobre 2019. D'ailleurs, le Stade Malherbe est la deuxième équipe la plus prolifique dans ce domaine en Ligue 2 cette saison avec 15,8 centres par match.

L'égalisation caennaise n'est pas intervenue sur une attaque construite mais sur une transition jouée rapidement avec ce long ballon de Yoël Armougom à destination d'Alexandre Mendy. Le SMC n’est pas deuxième de L2 au soir de la 11e journée grâce à sa qualité de jeu. Que ce soit en 4-4-2, en 4-1-4-1 ou en 4-3-3, sa manière de jouer avec le ballon n’enchante guère. Mais le club normand engrange des points et sa réussite est multifactorielle : une profondeur de banc, une intensité et un volume des courses très importants, le caractère de l'équipe, le faible nombre d'occasions concédées… Le tout saupoudré d'un zeste de réussite. Le poids de chacun de ces facteurs évolue au gré de ses sorties et on ne peut prédire de la suite mais le lien de causes (notez le pluriel) à effet peut être suffisant pour accéder à l'échelon supérieur dès cette saison. Il n’a jamais été démontré qu’une équipe était promue en Ligue 1 seulement grâce à du beau jeu. Une unique relation binaire cause-effet pour une promotion, ça n’existe pas.

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