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Julien Meilhac : "Le juge de paix pour un jeune, c’est le football seniors"

Comme son prédécesseur, Matthieu Ballon, Julien Meilhac cumule les fonctions de directeur du centre de formation et d'entraîneur de la catégorie U17. ©Damien Deslandes

Pourquoi avoir quitté le monde fédéral, en l’occurrence le pôle espoirs de Lisieux, pour rejoindre un club professionnel alors que vous aviez fait le choix inverse il y a cinq ans(1) ?

"L’expérience au pôle, ma première à la direction, fut très riche et très positive. Mais tu n’as les garçons que sur un temps court et quand tu arrives à la fin des deux années (U14-U15), que tu perçois les premiers effets du travail réalisé, ils partent dans des clubs ou dans des sections sportives. Pour un formateur, c’est presque frustrant. C’est pourquoi j’avais envie d’accompagner un jeune joueur des U14 aux U20, pour constater les bénéfices de ce qu’on met en place au quotidien sur la durée. Au pôle, tu n’as pas non plus cette notion d’accompagnement sur le week-end. Je ne parle pas de la compétition au sens strict mais de comment le travail se matérialise le temps d’un match. Mon seul regret en partant du pôle, c’est que je quitte aussi la sélection nationale (il était adjoint de Johan Radet, avec l’équipe de France U15 et s’apprêtait à occuper le même poste avec les U16)".

(1)"Quand vous êtes du côté fédéral, la seule idée qui vous anime, c’est le développement et les progrès du joueur. Vous n’êtes pas obnubilé par la compétition, vous ne travaillez pour aucune paroisse, sinon pour l’intérêt du football en général, ça vous donne une liberté d’action intéressante", avait déclaré Julien Meilhac à l’occasion de sa présentation en tant que directeur du pôle espoirs de Lisieux, en août 2020, alors qu’il était parti du FC Lorient.

Quelle était votre vision de la formation malherbiste avant votre nomination en tant que directeur de son centre ?

"Depuis la création du centre, je crois qu’on peut dire que la formation est un vrai pilier du club. C’est encore le cas aujourd’hui malgré une période plus difficile (référence à la relégation de l’équipe première en National). Peu importe les directions, le directeur en place, elle a toujours été au cœur du projet du club. Et ce ne sont pas juste des mots. Quand on est à l’extérieur, il se dégage l’impression d’un club qui fait ce qu’il dit en matière de formation. Le club recrute des profils ciblés, basés autour de l’intelligence de jeu. Il n’a pas peur de laisser du temps à des jeunes qui ont un retard morphologique. Il y a de la place pour tous les profils de joueurs, que tu aies celui de Gabin Tomé ou celui de Brahim Traoré, tu peux réussir à Malherbe". 

"Il y a de la place pour tous les profils de joueurs, que tu aies celui de gabin Tomé ou celui de Brahim Traoré"

Pouvez-vous nous raconter vos premiers pas dans vos nouvelles fonctions que vous occupez, officiellement, depuis un mois et demi ?

"Ma première mission, ce fut de connaître les femmes et les hommes qui composent l’équipe éducative. Pour que le centre tourne, il est important que j’emmène cette équipe derrière moi. C’est pourquoi je m’attache à créer du lien entre les différentes composantes du centre. Comme un groupe de joueurs, une équipe d’éducateurs doit se construire autour de la notion de mixité. Le danger, ça serait d’avoir des éducateurs qui sortent du même moule. A Caen, on a des profils différents avec des entraîneurs qui ont la culture club et qui sont ouverts aux changements, d’autres qui arrivent de l’extérieur… On a même des retours à l’image de Fabrice Vandeputte (en charge des U19). Mais on doit tous aller dans une direction commune. Je suis extrêmement soutenu par Pascal Plancque, le directeur technique. Il m’aide dans mon travail au quotidien tout en me laissant de la place, beaucoup de libertés sur le plan technique. C’est un technicien de très haut niveau, qui possède une grande expertise. C’est le plus gros CV qu’on trouve à Malherbe(2) et pourtant, il fait preuve d’une humilité".

(2)Au cours de son parcours, Pascal Plancque a été, entre autres, entraîneur en Ligue 1-Ligue 2, adjoint de Claude Puel à Lille, Southampton et Leicester, ou encore directeur du centre de formation de Lens.

Passé par Dijon, Troyes et Lorient, Julien Meilhac dirigeait le pôle espoirs de Lisieux depuis cinq ans. ©Damien Deslandes

Vous faites référence à Pascal Plancque, le directeur technique du Stade Malherbe depuis le début de l’année 2025. De l’extérieur, on a du mal à comprendre les différences entre votre poste et le sien, en tout cas pour ce qui se rapporte à la formation…

"En plus de la formation, Pascal a une vision transversale sur le club, en lien avec la direction générale, le responsable du recrutement (Reda Hammache), comprenant aussi les pros. Il tient aussi un rôle de terrain avec des séances individuelles à destination du groupe élite. Il y en a sur le plan technique, athlétique, il y a des retours vidéo… Romain (Leroux, l’entraîneur de la « B ») et Ju (Lecoq, le préparateur physique de la réserve) s’en chargent aussi".

Mais si demain, vous êtes en désaccord avec Pascal Plancque sur l’avenir d’un pensionnaire du centre, qui tranchera ?

"Le sas des u19 n'est pas révélateur en termes de niveau"

"Même si on ne se connaissait pas avant mon arrivée à Caen, je pense qu’on sera souvent d’accord. On partage la même vision de la formation, à la fois sur le développement du joueur, sur la place de la compétition qui doit être nettement plus nuancée, sur la modélisation du parcours d’entraînement… Et si un jour, il y a un désaccord, il y aura tout simplement un débat".

Dans un précédent sujet que nous avions consacré à la formation, Pascal Plancque n’a pas caché qu’il était favorable à la disparition, à moyen terme, de l’équipe dans la catégorie U19. Une suppression que vous avez déjà expérimenté dans l’un de vos précédents clubs, au FC Lorient…

"Le juge de paix pour savoir si un jeune à potentiel peut devenir un joueur professionnel, c’est le football seniors. Le moment de bascule, c’est quand un U17-U18, performant dans les catégories de jeunes, confirme chez les adultes. Du coup, nos jeunes à potentiel, il faut les exposer le plus rapidement possible à ce football, tout d’abord à l’entraînement pour le préparer petit à petit à la compétition. Mais on n’invente rien… Il y a 30 ans, les juniors jouaient déjà en équipe C. A partir de cette réflexion, on peut se demander à quoi sert l’équipe U19 ? Pour moi, le sas U19 n’est pas révélateur en termes de niveau. Ce n’est pas un accélérateur dans le parcours de formation proposée. C’est une réflexion partagée par de nombreux centres".

Au sein du staff des U17, Julien Meilhac est accompagné de Julien Savigny, en qualité de préparateur physique. Egalement avec les U19, Frédéric Petereyns s'occupe des gardiens. ©Damien Deslandes

Pascal Plancque nous avait aussi fait part de la volonté des dirigeants de compter moins d’internes au centre…

"Pour moi, il y a de toute façon trop de joueurs dans les centres, car on est sur une vision de centre de compétition et pas de formation. Si tu constitues tes effectifs en fonction des équipes à alimenter le week-end, tu te trompes. Dans le but d’emmener des joueurs là-haut, l’idée, c’est de jouer plus jeune, de promotionner les garçons issus de la préfo. Concernant les internes, on en a effectivement un nombre moins important, mais ça reste à la marge. On n’est pas passé de 40 à 20. Pour la préfo, on pense qu’arriver trop jeune au centre, ça ne crée pas une bonne dynamique. Pour la formation, pour compléter nos effectifs, on privilégiera des joueurs locaux, qui rentrent tous les soirs à leur domicile, même si à la base, ils ont peut-être un potentiel moins important que des garçons provenant de l’extérieur. Ils auront une plus grande facilité d’accès au centre, des opportunités s’ouvriront à eux".

Alors que la réserve a attaqué sa saison avec un groupe rajeuni (avec notamment les départs d’Adama Timera, Joël Matondo et Ilias Miraoui), doit-on s’inquiéter pour son maintien(3), sachant que le niveau du National 3 a mécaniquement augmenté avec la réforme des championnats fédéraux (de 12 groupes régionalisés à huit poules inter-régionales en l’espace de quatre ans) ?

L'éventualité d'une liquidation judiciaire, les dirigeants la prennent "Tout dépend si on envisage cette équipe seulement à travers le prisme de la compétition. Ne nous trompons pas, la compétition, c’est un moteur essentiel du développement du jeune joueur. Par contre, juger la qualité de notre formation uniquement au regard du classement et des résultats de nos équipes, c’est une grave erreur. Est-ce qu’on souffrira en N3 ? Peut-être, mais jouer un maintien, affronter des adversaires qui te proposent un autre football permet à des jeunes joueurs de progresser. D’ailleurs, vous ne le savez pas, mais c’est peut-être voulu qu’on soit en difficulté. Et si à la sortie de cette saison, on a trois jeunes avec 25 matchs de N3 dans les jambes qui montent, je l’espère, avec le groupe Ligue 2 l’année prochaine, on ne retiendra que ça".

"Juger la qualité de notre formation uniquement au regard des résultats de nos équipes, c'est un grave erreur"

(3)Les trois derniers de chaque poule sont relégués ainsi que le plus mauvais 11e des huit groupes confondus.

Compte tenu du manque d’expérience du groupe de Romain Leroux en N3, ne craignez-vous pas, tout de même, le risque d’une relégation en Régional 1, comme Lens la saison dernière ou Le Havre il y a deux ans ?

"Ce n’est pas grave. C’est l’environnement qui sera choqué parce qu’on résumera ça à : « Regarde Malherbe, leur réserve est descendue, il travaille mal ». Mais moi, je vous dis que si on monte en Ligue 2 et qu’en parallèle, on sort trois-quatre jeunes chez les pros, on aura bien travaillé. Je le répète, mais évoluer en N2, en N3 ou en R1 ne constitue pas un indicateur de la qualité de notre formation. Si ça se produit (une relégation en R1), au club de proposer un parcours de jeu différent, avec par exemple le Challenge Espoirs(4)".

(4)Lancé la saison dernière par la FFF, le Challenge Espoirs est un tournoi réservé au centre de formation des clubs professionnels (réservé aux catégories U18 à U23). Il se dispute en semaine. La deuxième édition débutera à la mi-septembre.

*Si les U17 se sont imposés 3-1 aux dépens de Montrouge, les U19 se sont inclinés contre Le Havre AC 3-2, tout comme la réserve, en N3, face à son homologue de Bastia, 3-0.

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