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Patrice Garande : "Je vais forcément ressentir quelque chose de particulier"

A Toulouse, Patrice Garande est arrivé avec Jean-Marie Huriez, son fidèle adjoint, dans ses bagages. Alors qu'ils s'étaient connus à Cherbourg, à l'époque le premier était déjà entraîneur et le second encore joueur, les deux hommes avaient déjà collaborés ensemble durant cinq saisons au Stade Malherbe (2013-2018).

A Toulouse, Patrice Garande est arrivé avec Jean-Marie Huriez, son fidèle adjoint, dans ses bagages. Alors qu'ils s'étaient connus à Cherbourg, à l'époque le premier était déjà entraîneur et le second encore joueur, les deux hommes avaient déjà collaborés ensemble durant cinq saisons au Stade Malherbe (2013-2018).

SON ARRIVÉE À TOULOUSE

"Pour l'avoir vécu avec Malherbe, je sais que quand un club descend, c'est un traumatisme pour tout le monde"

Qu'avez-vous éprouvé au mois de juin quand vous avez été recruté pour devenir le nouvel entraîneur du Toulouse FC ?

"Déjà, mon premier ressenti avait été positif. Lors des deux entretiens que j'ai eus avec Damien Comolli (le nouveau président du Téfécé(1)), le courant était bien passé entre nous. A travers nos discussions, j'ai trouvé qu'on avait de nombreux points communs. Ça m'intéressait beaucoup de travailler avec lui, un homme d'expérience, passé par des grands clubs (Tottenham, Saint-Etienne, Liverpool, Fenerbahçe…). Quand il m'a indiqué que j'avais été choisi, je n'ai pas hésité une seule seconde. Toulouse, ce n'est pas n'importe quel club. Le projet proposé est très séduisant avec des ambitions sur le moyen terme assez élevées".

(1)L'été dernier, le Téfécé a été racheté par RedBird Capital Partners à hauteur de 85%. Ce fonds d'investissement américain a placé Damien Comolli à la présidence du club toulousain.

Un projet sportif rappelant, par certains aspects, celui que vous aviez conduit lors de votre nomination comme entraîneur principal du Stade Malherbe, à l'été 2012…

"Reprendre un club qui vient d'être relégué en Ligue 2 pour le faire remonter en Ligue 1 et l'y installer durablement… C'est vrai que c'est une situation que j'ai déjà connue à Caen. Pour l'avoir vécu avec Malherbe, je sais que quand un club descend, c'est un traumatisme pour tout le monde. Mais à Toulouse, il était bien supérieur. Je me doutais qu'il y aurait un gros chantier, un travail important à réaliser sur le plan psychologique mais je ne m'imaginais pas à ce point. Les joueurs étaient très marqués. Ils avaient traversé la saison en gagnant très peu de matches (trois en 28 sorties). Et sur les dernières journées, ils n'avaient connu que des défaites au Stadium (huit de rang)".

Ce contexte explique l'entame timide de votre équipe en championnat (2N-2D sur les quatre premières journées) ?

"Tant sur le plan psychologique que sportif, on n'était pas prêts. Et puis il a fallu composer avec un mercato très long et des joueurs dans l'obligation de partir par rapport aux finances du club. A partir du moment où le mercato s'est terminé (le 5 octobre), où j'ai pu compter sur un groupe ferme et définitif, on a eu un déclic. On a également enregistré l'arrivée de joueurs d'expérience au milieu, possédant un bagage technique permettant de nous stabiliser. Un garçon comme Brecht Dejaegere, au-delà de sa qualité sportive (le Belge a disputé la Ligue des Champions sous les couleurs de La Gantoise), a été déterminant dans le rapprochement entre les joueurs. Comme il parle couramment Français et Anglais, il a fait en sorte que tout le monde communique ensemble (l'effectif de Patrice Garande compte de nombreux étrangers : un Norvégien, un Colombien, un Uruguayen, deux Néerlandais…). Sur le terrain, la victoire contre Auxerre (la première de la saison lors de la 5e journée) fut un match fédérateur, surtout dans les conditions dans lesquelles on l'a emportée (en concédant l'ouverture du score). Pour les joueurs, ce fut une libération. J'avais rarement vu une telle ambiance dans un vestiaire. C'est comme si la chape de plomb qui pesait sur leurs épaules s'était tout d'un coup envolée".

Depuis, vous a parfaitement rectifié le tir avec une deuxième place après 18 journées (depuis la 5e journée, le Téfécé est tout simplement la meilleure formation de Ligue 2 avec un bilan de dix victoires, trois nuls pour une défaite). Plus que jamais, vous faites figure de candidat à la montée. C'est d'ailleurs l'objectif formulé par le président Damien Comolli en début de saison…

"L'objectif initial est toujours le même mais en interne, on l'a présenté différemment. On l'a étalé, on s'est fixé des sous-objectifs. Quand vous fixez un objectif à des joueurs, le plus important, c'est qu'il soit atteignable. En l'annonçant ainsi en début de saison, même si le président ne pouvait pas dire autre chose à ce moment-là, peut-être que la marche paraissait trop haute pour les joueurs. Dans ces conditions, c'est difficile de les convaincre".

SA PÉRIODE D'INACTIVITÉ FORCÉE

"Je dois reconnaître qu'il y a eu des moments de découragement"

Pour revenir à votre cas personnel, comment avez-vous vécu ces deux saisons, entre votre départ du Stade Malherbe et votre arrivée à Toulouse, loin des terrains ?

"Même si au fond de moi, j'ai toujours cru retrouver un poste qui me correspond, je dois reconnaître qu'il y a eu des moments de découragement. Sur les clubs qui m'intéressaient, comme on dit au tiercé, j'ai souvent été placé mais jamais gagnant. Pendant cette période, j'ai aussi refusé des opportunités car je ne m'y retrouvais pas sur le plan sportif ou dans les échanges que j'ai pu avoir avec les dirigeants. Une reconversion ? Il m'est arrivé de réfléchir à faire autre chose mais dans ma tête, j'avais toujours cette idée de continuer à entraîner. J'aime le foot, c'est ma passion. Je ne peux pas m'en passer. Maintenant, si la situation avait encore duré une saison complète, il aurait peut-être fallu que je prenne la décision d'arrêter totalement avant de me projeter sur autre chose".

Durant cette période d'inactivité forcée, vous avez, malgré tout, failli vous engager dans un nouveau projet…

"15 jours - trois semaines après mon départ de Caen, j'ai reçu une très belle proposition, tant sportivement que financièrement, de la part d'un club que j'adore : le Servette de Genève (en D2 suisse à l'époque). Mais j'ai refusé. Avec le recul, à certains moments, je me dis que, peut-être, je n'aurais pas dû dire non mais je ne pense pas que si j'avais accepté, j'aurais été dans les meilleures dispositions. Je sortais juste de mon aventure avec Malherbe. Je ressentais le besoin de faire le vide, de digérer, de me régénérer… Jouer la montée pendant deux saisons en Ligue 2 plus derrière le maintien cinq ans de suite en Ligue 1, c'est usant psychologiquement".

SES RETROUVAILLES AVEC LE STADE MALHERBE

"J'estime que ce qui a été fait à Malherbe ces deux dernières saisons, c'est une destruction organisée du club"

Que vous inspirent ses futures retrouvailles avec le Stade Malherbe, votre ancien club ?

"On ne m'a pas manqué de me rappeler la date (sourire). J'éprouve beaucoup de plaisir de revenir dans cette région, dans ce stade, face à ce club. J'ai de nombreux amis à Caen. Je suis heureux de les revoir. Ma famille est restée vivre à Caen. Je ne sais pas dans quel état je vais être sur le plan émotionnel mais je vais forcément ressentir quelque chose de particulier. Le Stade Malherbe, c'est un club dans lequel j'ai beaucoup œuvré, donné et que j'aime. Sportivement, on va affronter un concurrent. Je suis convaincu que cette équipe va lutter jusqu'au bout pour le Top 5 (synonyme de barrages d'accession en L1)".

En raison du contexte sanitaire, cette rencontre entre le SMC et le Téfécé se disputera à huis clos…

"Si j'aime le foot, c'est pour le public, pour qu'il y ait du monde dans les stades, pour les émotions que ça véhicule… Le foot, c'est un partage entre une équipe, ses joueurs, ses supporters. C'est l'essence même de notre sport. Aujourd'hui, on est privés de tout ce côté passionnel. A Caen, je connais l'importance de ce stade, magnifique quand il y a du monde. Dans un match, les supporters ont aussi leur rôle à jouer que ce soit pour redonner un coup de fouet à leur équipe quand elle a un petit coup de mou, pour décupler ses forces ou pour déstabiliser un adversaire, dans la limite du raisonnable bien entendu".

En parlant du public justement, quelle image pensez-vous avoir laissé auprès des supporters « Rouge et Bleu ». Alors qu'une partie du kop vous avait pris en grippe sur les derniers mois de votre mandat, depuis votre départ, de nombreux messages vous concernant saluent votre travail…

"C'est vrai qu'à certains moments, j'ai eu quelques soucis avec une partie du public, une partie du kop, le chef du kop(2)… Maintenant, quand j'étais le coach du Stade Malherbe, j'ai toujours reçu des messages très chaleureux quand je croisais des supporters à l'entraînement, dans la rue... Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai toujours donné le meilleur de moi-même. Compte tenu des moyens dont on disposait, j'ai souvent répété que ce qu'on avait réalisé, c'était un exploit. Je pense qu'on s'est aperçus que ce n'était pas si mal que ça. Pour ceux qui ont de la mémoire, quand je suis parti, j'ai eu une pensée pour les supporters en leur souhaitant sincèrement d'être toujours des supporters d'un club de Ligue 1 dans cinq ans. Il n'a pas fallu atteindre autant de temps pour que ce ne soit plus le cas (le SMC a été relégué en L2 en 2019)".

(2)A l'issue d'une défaite contre Lille, le 18 février 2017, un échange musclé entre Patrice Garande et certains supporters du Stade Malherbe avait eu lieu à la sortie du stade. Président du MNK 96, Christophe Vaucelle, dit « Olaf », avait lancé au coach caennais : "Le groupe a perdu foi en toi" ; ce que le technicien n'avait pas du tout apprécié.

Après deux saisons extrêmement agitées en coulisses, c'est un nouveau Stade Malherbe que vous vous apprêtez à défier, avec des nouveaux propriétaires à sa tête dont Pierre-Antoine Capton…

"Tout ce qui s'est produit à Malherbe ces deux dernières années m'a mis en colère(3). Quand tu sais le temps qu'il faut pour construire quelque chose et si peu pour le détruire. J'estime que ce qui a été fait à Malherbe, c'est une destruction organisée du club. Ça m'a vraiment attristé car c'est un club que j'aime. Il mérite d'être en Ligue 1, comme Toulouse. Bon, on ne pourra pas tous y être (sourire). Aujourd'hui, le Stade Malherbe est dans une phase de reconstruction. Je me réjouis qu'un homme comme Pierre-Antoine Capton en soit à la tête. Même si je ne l'ai pas côtoyé longtemps aux côtés de Jean-François Fortin, je l'ai apprécié. Ils avaient un projet en commun mais il a été balayé, refusé, expulsé… Deux ans plus tard, un projet identique est en place. A mon avis, c'est un peu bête d'avoir perdu tout ce temps".

(3)En avril 2018, Pierre-Antoine Capton avait présenté, avec le soutien de Jean-François Fortin, une offre de reprise de 67% des parts de la holding SMC 10, détenant à hauteur de 80% le Stade Malherbe et dont il était l'un des 13 actionnaires. Suite à cette proposition, une crise de gouvernance avait éclaté, débouchant sur l'éviction de Jean-François Fortin de la présidence.

Patrice Garande revient à d'Ornano à la tête d'une formation toulousaine qui occupe la deuxième place du classement. Depuis la 5e journée, le Téfécé affiche le meilleur bilan de Ligue 2 (10V-3N-1D).

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