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Quelle place pour les jeunes dans le projet Malherbe ?

Norman Bassette, Noé Lebreton et Mohamed Hafid... Finalistes de la Coupe Gambardella la saison dernière, ces trois jeunes grattent progressivement du temps de jeu dans l'équipe de Stéphane Moulin. ©Damien Deslandes

Norman Bassette, Noé Lebreton et Mohamed Hafid... Finalistes de la Coupe Gambardella la saison dernière, ces trois jeunes grattent progressivement du temps de jeu dans l'équipe de Stéphane Moulin. ©Damien Deslandes

C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. L’annonce du départ de Brahim Traoré lors du dernier jour du mercato d’hiver a engendré l’incompréhension de plusieurs fans sur les réseaux sociaux. Soyons honnête, on ne sait pas combien ils sont et si les travées de d’Ornano partagent à 100% leur point de vue. Majoritaire ou pas, ces supporters se font entendre avec des commentaires acerbes sur Twitter et Facebook. Exemple donc avec Brahim Traoré, prêté au Standard de Liège où il évolue dans un premier temps avec la réserve en deuxième division belge. "Pour Brahim qui n’était pas titulaire en équipe pro, c’est l’occasion d’acquérir une expérience internationale. C’est positif pour le joueur comme pour notre club", estime Olivier Pickeu. Sauf que ce prêt a été assorti d’une option d’achat ; ce qui sous-entend que le défenseur central pourrait ne plus jamais défendre les couleurs « Rouge et Bleu » même si du côté des dirigeants malherbistes on nous fait comprendre qu’elle n’est pas automatique. "Quand vous prêtez un joueur dans un club de la dimension du Standard, qui a l’habitude de disputer la Coupe d’Europe, qui est en capacité d’investir, il négocie pour inclure une option d’achat", explique le président du SMC qui s’étonne presque que cela puisse étonner.

"Cette épopée a généré beaucoup de joie mais aussi énormément d’attentes", Olivier Pickeu

Mais Brahim Traoré est, à son corps défendant, une sorte un symbole de la formation caennaise. Le natif de Céaucé avait été lancé dans le grand bain par Fabrice Vandeputte en avril 2021 alors que le Stade Malherbe jouait sa peau en Ligue 2. Du haut de ses 17 ans, l’arrière avait globalement répondu présent, à commencer par le match du maintien contre Clermont. Derrière, sous la direction de Stéphane Moulin, il n’est pas parvenu à confirmer, commettant au contraire quelques maladresses coupables. Pour sa défense, son entourage met en avant qu’il n’a jamais été placé dans des conditions optimum pour évoluer dans un climat de totale confiance.

Au-delà du cas Brahim Traoré, la question de l’utilisation des jeunes cristallise une partie du courroux des supporters normands. A Malherbe, les critiques autour du temps de jeu (ou plutôt de l’absence de) des garçons issus de la formation ne datent pas d’hier. A son époque, on reprochait déjà à Patrice Garande de ne pas faire assez jouer Thomas Lemar. "Parmi la génération qui a été en finale de la Gambardella la saison dernière (2004-2005-2006), six sont passés pros*. Cette épopée a généré beaucoup de joie mais aussi énormément d’attentes. Maintenant, ce n’est pas parce que tu vas en finale de Gambardella que ça signifie qu’ils sont tous, aujourd’hui, en capacité d’être titulaires en Ligue 2. La probabilité est assez mince", expose Olivier Pickeu. "Tous les parcours de formation ne sont pas linéaires. Un jeune qui intègre notre centre à 13 ans, signe pro, et performe rapidement en équipe première, on en rêve tous mais on ne vit pas dans le monde des Bisounours. A Angers, quand j’avais un jeune qui jouait en Ligue 1, c’était champagne". Sauf que le SCO n’est pas le SMC avec sa longue tradition de club formateur (Youssef El Arabi, M’Baye Niang, Raphaël Guerreiro…) à laquelle est particulièrement attaché le public « Rouge et Bleu ».

De plus en plus utilisé dans la rotation de Stéphane Moulin, Mohamed Hafid a participé à quatre des six dernières sorties du Stade Malherbe. ©Damien Deslandes

Mohamed Hafid, le meilleur des exemples

Cependant, s’il est autant frustré de ne pas voir à l’œuvre la relève caennaise, c’est aussi parce que, jusque dans un passé très récent, il était globalement déçu par les performances des hommes de Stéphane Moulin même si la dynamique depuis le début de l'année 2023 est positive (troisième meilleur bilan de L2). Dans les travées de d’Ornano, on a également eu l’impression que certains éléments provenant de l’extérieur (Djibril Diani, Benjamin Jeannot, Samuel Essende…) ont bénéficié d’un large crédit quand les jeunes pousses locales étaient renvoyées à leurs chères études au moindre faux pas. Des recrues pour certaines qui sont perçues comme un frein au développement des garçons provenant de la formation. Sans l’incriminer et pour faire référence à l’exemple de Brahim Traoré cité plus haut, Adolphe Teikeu appartient à cette catégorie. "Quand on l’a engagé (en novembre 2021), on avait besoin d’apporter de l’expérience dans le vestiaire, de rééquilibrer notre groupe, d’encadrer notre jeunesse…", replace dans son contexte le président du SMC.

"Il y a une volonté, aujourd'hui, assez clair du club de promouvoir les garçons qui ont une chance d'être dans le projet l'année prochaine", Stéphane Moulin

"L’objectif pour nos jeunes, ce n’est pas de jouer cinq ou dix minutes mais de faire une carrière. De toute façon, quand on perd, les absents ont toujours raison", lance Olivier Pickeu. Sur ce point, on peut difficilement lui donner tort. "Ce qui est marrant, c’est qu’on ne nous parle jamais des bons exemples. Quand on a prêté Godson Kyeremeh en National (à Annecy en l’occurrence), est-ce que c’était une mauvaise chose ? On a pratiquement établi des records de vente avec Alexis Beka Beka et Johann Lepenant (pour environ 7 M€ chacun)". Le président normand met aussi en garde contre tout excès de précipitation. "Il ne faut pas griller les étapes, brûler nos jeunes... Car derrière, tu peux ramasser un joueur à la petite cuillère. On l’a vu avec Jason Ngouabi". Pour son unique titularisation en L2, le 17 octobre 2020, sur la pelouse de Niort, le défenseur central (parti définitivement à Borgo, en N1, cet hiver) avait vécu une soirée compliquée en étant impliqué sur les trois buts encaissés par son équipe.

Toutefois, depuis la fin du mercato d'hiver, les lignes sont en train de bouger. Après s'être pendant longtemps demandé pourquoi les Norman Bassette, Noé Lebreton et autre Mohamed Hafid n'entraient pas plus souvent en cours de jeu pour disputer 15-20 minutes voire même une demi-heure, les aficionados du Stade Malherbe constatent que ces jeunes grattent de plus en plus de temps de jeu. Un garçon comme Mohamed Hafid a participé à quatre des six dernières sorties des « Rouge et Bleu ». Dans le même temps, et sauf hécatombe dans le compartiment offensif, Benjamin Jeannot, qui partira libre en juin, va être laissé à disposition de la réserve jusqu'au terme de cet exercice 2022-2023. "Il y a le présent et l'avenir. Il y a des objectifs club dont celui de s'appuyer sur les joueurs qui font partie du projet. Il y a une volonté, aujourd'hui, assez clair du club de promouvoir les garçons qui ont une chance d'être dans le projet l'année prochaine", a expliqué Stéphane Moulin il y a une semaine en conférence de presse.

Il y a une semaine, Norman Bassette a inscrit son premier but chez les « pros », offrant les trois points de la victoire à l'équipe de Stéphane Moulin. ©Damien Deslandes

Un enjeu économique non-négligeable

Alors que l'Etat-major caennais nous a expliqué depuis des mois que si les membres de la promotion 2004 ne jouaient pas plus en équipe première, c'est tout simplement parce qu'ils n'étaient pas prêts pour les joutes de la Ligue 2, la relève caennaise semble avoir gagné en maturité à un âge ou chaque mois compte dans leur processus de progression vers le haut niveau. Mohamed Hafid en constitue le meilleur des exemples. "S’il joue, c’est qu’il le mérite. C’est un jeune joueur qui montre des qualités à l’entraînement et quand il évolue avec la réserve (N2). Quand ça se répète, ça veut dire que les progrès sont là. Il est en train d’apprendre son métier avec beaucoup de sérieux, d’écoute et de patience", souligne Stéphane Moulin qui apprécie particulièrement le style de son milieu offensif. "Il est discret en dehors du terrain mais pas sur le pré. Il ose et c’est très intéressant. Les jeunes doivent nous inciter, par leurs actes sur le terrain et en dehors, à les faire jouer".

"Il faut attendre son heure et quand elle arrive, ne pas la louper (...) Il faut que cette jeunesse apprenne son métier", Olivier Pickeu

Car quand on évoque le passage de la formation au monde des « pros », la question du timing est aussi primordiale. "Il faut attendre son heure et quand elle arrive, ne pas la louper". Car pour le SMC, l’enjeu est double : sportif, bien entendu, et également économique. Dans un club qui présente encore un déficit structurel d'environ 7 M€, ces espoirs, avec en tête de pont Norman Bassette, possèdent une valeur marchande non-négligeable dans un marché parfois complètement dérégulé. Pour preuve, le dernier jour du mercato d’hiver, le président Olivier Pickeu a reçu une offre de prêt avec option d’achat obligatoire avoisinant les 5 M€ pour l’international U18 Belge de la part d’Ostende ! Mais attention, malgré son statut de « prospect », sa côte sur le marché des transferts pourrait pâtir de mauvaises prestations. Les dirigeants « Rouge et Bleu » ne peuvent pas se le permettre.

A un poste différent, l’exemple le plus récent à suivre est celui de Johann Lepenant. Une fois que le milieu relayeur, désormais à Lyon, a incorporé le onze de départ normand, il ne l’a plus jamais quitté. En attendant, l’Etat-major malherbiste doit gérer des entourages de plus en plus insistants. Des agents et familles qui n’hésitent pas à militer pour un départ si leur poulain n’obtient pas plus de minutes à se mettre sous la dent. "Il faut faire preuve de patience, il faut que cette jeunesse apprenne son métier". Signe d’ouverture ou simple coïncidence, trois jours après la fermeture d’un mercato d’hiver où le président Olivier Pickeu a refusé toutes les avances le concernant et après une discussion franche entre les différentes parties, Norman Bassette a foulé une pelouse de Ligue 2. Une première depuis le 22 octobre. Bis repetita samedi dernier pour la réception de Grenoble alors que Samuel Essende est, lui, resté assis sur le banc. Preuve que la hiérarchie des attaquants caennais est peut-être en train de changer. Cinq minutes de temps de jeu bonifiées par un but, son premier chez les « pros », qui ont offert les trois points de la victoire au SMC. Et si tout le monde était gagnant en faisant jouer les jeunes ?

> L2. J25 - Guingamp (11e - 31 points) / SM Caen (6e - 36 points), samedi 25 février à 19 heures au Stade de Roudourou.

*Si Brahim Traoré était déjà professionnel avant ce rendez-vous au Stade de France, l’officialisation des premiers contrats pros de Diabé Bolumbu (contrat élite : deux ans stagiaire + trois ans « pro »), Noé Lebreton, Mohamed Hafid, Norman Bassette et Tidiam Gomis est intervenue dans les semaines suivant cette finale.

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