Neuf. Ils seront neuf clubs régionaux présents sur la ligne de départ du 7e tour de la Coupe de France, ce week-end (15-16 novembre) : le Bayeux FC (R1), l’ASPTT Caen (R1), Yvetot AC (R1), le CMS Oissel (N3), l’US Avranches (N2), le FC Dieppe (N2), l’US Granville (N2), le SM Caen (N1) et Quevilly-Rouen Métropole (N1). Joueurs, entraîneurs, dirigeants, supporters… Tout au long de la semaine, on vous propose une série de reportages sur ces acteurs normands qui rêvent d’une épopée dans cette « Vieille Dame ».
*Pensionnaire de Ligue 1, le HAC effectuera son entrée en lice en 1/32e de finale le week-end des 19-20-21 décembre.
Bordeaux en 2008 : un premier choc face au monde professionnel
Lorsqu’on l'invite à replonger dans ses souvenirs et plus précisément sur le tout premier, Matthias Jouan revient d’abord au soir où tout a peut-être commencé pour lui. Lors de sa première vraie Coupe de France, son premier 1/32e lui a offert un baptême de feu mémorable face à un club professionnel, en l'occurrence les Girondins de Bordeaux, en 2008. "À Quevilly, on m’avait clairement dit : « L’objectif, c’est d’atteindre les 1/32e». Et là, pour ma première année… On tombe sur Bordeaux", sourit-il encore aujourd’hui. Il ne s'agissait alors pas d'un adversaire lambda, mais de la formation qui allait mettre fin à l'hégémonie lyonnaise en Ligue 1 quelques mois plus tard. "Le Bordeaux de Laurent Blanc avec Gourcuff, Chamakh, Cavenaghi…"
Dans un match délocalisé au Havre, dans l'iconique Stade Jules-Deschaseaux, l’émotion l’a emporté sur tout le reste pour un Matthias Jouan alors âgé de 24 ans et déjà une vraie force tranquille sur le terrain. "Ce ne sont même pas les joueurs qui m’ont impressionné. C’est l’engouement, le stade, l’ambiance. La découverte d'une confrontation comme celle-là". Malgré la défaite 3-0 contre l’ogre girondin, l'actuel entraîneur de l'US Granville conserve un vrai sentiment de fierté. "Je me souviens que j'avais plutôt fait un bon match. Quand on avait le ballon, on avait été plutôt corrects". Ce jour-là a marqué un avant et un après dans l'histoire singulière qui lie le technicien avec « la Vieille Dame ». "C’était le début de quelque chose. J'étais encore jeune, avec de l'ambition de passer des caps".
En 2012, Rennes comme apothéose, Lyon comme accomplissement
Quand on évoque son plus grand souvenir, sans surprise, Matthias Jouan répond instinctivement : "Rennes". La demi-finale en 2012 remportée 2-1 à la 90' au Stade Michel-d’Ornano reste le sommet émotionnel de sa carrière. "À la fin, je me souviens que je suis tombé. J'avais l'impression de ne plus avoir de souffle, plus de jambes, plus rien. Les larmes sont montées toutes seules". L'ancien milieu de terrain se rappelle aussi du respect total qu'avait témoigné son adversaire : "A Rennes, on voyait une équipe concernée, bien plus que Marseille avant eux". Ce match mythique à l'échelle du football normand aura eu un impact immense : "C’est celui qui nous ouvre les portes du Stade de France. Mais surtout, émotionnellement, rien n’a jamais égalé ça".
La finale, elle, a une autre saveur : celle de la fête, du symbole, de la fierté pure malgré le revers 1-0 contre le Lyon de Lisandro López. "Franchement, il n’y a pas de déception. Il y a la défaite, mais on passe vite à du positif. Personne n’était triste". Matthias Jouan se rappelle aussi de sa manière d’aborder le match. "J'étais heureux d'être présent. Et c'est vrai que quand on arrive sur la pelouse, c'est impactant de voir ces couleurs jaunes et noires, autant de monde venir pour nous supporter". Contre l’OL, sur le plan sportif, le constat reste clair malgré un écart minime au tableau d'affichage. "En face, c’était une machine à gagner, une équipe faite pour gagner, pour moi, on a fait le nécessaire. Je me souviens des propos de Régis Brouard qui disait qu'on était peut-être trop décontractés avant, qu'on n'avait peut-être pas pris ce match la meilleure des façons. Mais on était aussi comme ça dans le groupe".
Laval et Bourg-en-Bresse, le poids des soirées granvillaises
Lorsqu’il évoque ses années comme joueur granvillais, Matthias Jouan pense immédiatement à un souvenir paradoxal : une grande victoire en 1/32e de finale en 2016… mais qu'il avait à son grandement étonnement peu célébrée. "C'est dommage pour moi, peut-être que je m'étais embourgeoisé sur la finale, mais quand on bat Laval (2-1), je n’exprime pas beaucoup de joie. Ma compagne me l’a fait remarquer en me disant qu'on venait quand même de battre une Ligue 2". Avec le recul, il reconnaît à demi-mot être passé à côté d’un moment rare. "Peut-être que je ne l’ai pas fêté parce que je me disais que je ne referais pas un parcours en Coupe de France, que ça n’arrivait qu’une fois". Pourtant, Granville a été jusqu'en quart de finale cette année-là.
Aussi, Matthias Jouan se rappelle parfaitement du 1/8e de finale qui a suivi contre Bourg-en-Bresse et qu'il a autrement célébré. Un match disputé dans des conditions totalement folles lors de la période du carnaval de Granville, devant un public venu en nombre. "Terrain gras, ce qui était rare, ça a bataillé dur, on a pris des grêlons, on a tout pris ce jour-là, mais on a été capables de gagner". Ce que le milieu de terrain formé à Malherbe retient, c'est que le match a été remporté sur un mouvement finalement simple réclamé par le coach de l'époque, Johan Gallon. "On a fait ce que le coach nous demandait au final, il attendait que les joueurs coupent au premier poteau et là, on a vu un joueur (Tommy Untereiner) se jeter devant le gardien et marquer". Si ces souvenirs ont peut-être été moins médiatisés que Rennes ou Lyon, ils ont profondément impacté le coach manchois, autant que le club, marqué à jamais. "C’est ce qui nous a ouvert les portes d'un quart de finale". Finalement perdu contre l'OM (1-0).
Ses pires souvenirs : les désillusions du banc de touche
Si la Coupe de France a beaucoup donné à Matthieu Jouan quand il était joueur, elle lui a aussi appris son côté impitoyable dans son autre versant : celui vécu depuis le banc. "Depuis que je suis entraîneur, ça fait deux fois en deux ans qu’on sort dès notre entrée en lice, donc c'est compliqué". Il pense notamment à Flers (N3 à l'époque), il y a deux ans. "On prend un but à la 92' alors qu’on fait un super match. Heureusement, on s'était reconditionné pour le championnat et on avait pu faire une saison magnifique". L'élimination, la saison dernière, à l'AL Déville-Maromme (R2) lui reste également en travers de la gorge : "Autant Flers, on avait tout fait, autant Déville, je ne pense pas qu’on avait tout mis pour gagner alors qu'on menait 1-0".
Aujourd’hui, que ce soit par son expérience sur le terrain ou sur le banc de touche, Matthias Jouan mesure sans doute mieux que jamais l’importance des premiers tours. "Ce sont les plus compliqués. Tout le monde me parle de Marseille ou Rennes quand on m'évoque Quevilly, mais personne n'est capable de me dire qu'on a été en prolongation contre une PH lors de notre entrée en lice, qu’on a gagné aux tirs au but contre le TA Rennes, ou qu’on a égalise à la 82' contre Feignies avant de gagner aux tirs au but". Pour le technicien, une vérité domine en fait tout : "Quand tu gagnes 1-0 contre une R3, on s’en fiche au final. L’important, c’est d’être qualifié. Point". Et c’est peut-être là que réside la plus grande leçon qu'ait enseignée la Coupe de France à Matthias Jouan : c'est ce mélange de coups d'éclat et de coups durs, de souvenirs monumentaux et d’éliminations douloureuses qui forgent au final la magie de la compétition.
> Coupe de France. 7e tour - US Granville (N2) / Dinan-Léhon FC (N2), samedi 15 novembre à 18 heures au Stade Louis-Dior.
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