Fabien, le jour de votre présentation en tant qu’entraîneur de QRM, à la mi-septembre, vous aviez confié : "Je suis pressé de vivre ce moment", en référence à ce derby contre le FCR…
"Vivre des matchs avec cette ambiance, cette atmosphère, cette adrénaline, c’est forcément mieux que de jouer devant trois spectateurs et demi ! Pour les joueurs, pour le staff, pour tout le monde en fait, c’est un moment important de la saison. Sur le plan émotionnel, c’est très intéressant. C’est aussi pourquoi on exerce des métiers comme les nôtres, pour connaître des matchs avec de l’enjeu".
Régis, même si vous avez déjà humé le parfum de ce derby à deux reprises la saison dernière(1), êtes-vous également pressé d’y être ?
"Tout le monde sait que pour les deux clubs, c’est un match particulier, avec un engouement populaire important. J’ai été entraîneur dans les deux clubs, donc je connais la rivalité qui existe. Il y a une attente particulière autour de ce match. On en est conscient. Après, ce match vaut trois points, comme les autres, ni plus ni moins. Il n’y a pas besoin d’exagérer l’importance de ce rendez-vous. C’est une semaine classique pour nous".
"Des fumigènes, des fusées... On se serait cru sur un match de Ligue des Champions"
régis Brouard
(1)A l’aller, le FC Rouen s’était imposé 2-0 avant de s’incliner 2-1 au retour contre QRM.
Régis, gardez-vous un souvenir particulier des deux derbys de l’exercice précédent ?
"A l’aller, j’avais été agréablement surpris de l’accueil que nous avaient réservé les supporters à notre arrivée en bus. En plus, je n’étais au club que depuis trois matchs (il avait été nommé début novembre). Des fumigènes, des fusées… Je me suis demandé ce qu’il se passait. On se serait cru sur un match de Ligue des Champions. C’était un moment très agréable, même s’il y avait une pression autour du résultat car le club était dans une situation délicate (11e)".

Pour la première fois de la saison, les joueurs de Fabien Valéri évolueront dans un Stade Diochon à guichets fermés. Une source de motivation ou un handicap ? ©Damien Deslandes
Fabien, vos joueurs évolueront pour la première fois de la saison dans un Stade Diochon à guichets fermés (7 950 spectateurs sont attendus). Même si la quasi-totalité du public présent sera contre eux, cette affluence peut-elle constituer une source de motivation ? Ou à l’inverse, est-ce que cette confrontation à une ambiance hostile peut se révéler un handicap ?
"Un beau stade, la pression du public, une adrénaline qui monte… Tous les éléments sont réunis pour performer, donc je dirais que c’est plutôt un atout, car la motivation va venir plus naturellement. Pour une fois qu’on a l’occasion de jouer dans un stade plein. Entre les deux clubs, il y a quand même une grosse différence d’engouement. Mes joueurs attendent aussi ce moment. Après, le problème qui peut se poser, c’est si ça inhibe un peu les joueurs, mais je ne le pense pas".
Fabien, est-ce que vous enviez la ferveur qui entoure le FCR ? A l’inverse, Régis, est-ce que vous souhaiteriez un peu plus de calme autour de votre équipe, comme il peut y en avoir à QRM ?
"Vous pouvez dire ce que vous voulez, le public a un impact sur l'adversaire, l'arbitrage, les joueurs..."
Fabien Valéri
> Fabien Valéri : "C’est évident que j’aimerais jouer dans les mêmes conditions à domicile que Régis, devant un public plus nombreux, qui nous soutienne, qui nous encourage… Vous pouvez dire ce que vous voulez, ça a impact sur l’adversaire, l’arbitrage, les joueurs… Ils se sentent poussés. Vous prenez des points grâce aux supporters".
> Régis Brouard : "Il faut trouver le juste milieu. A Rouen, j’essaye de faire comprendre qu’il faut parfois faire retomber la pression car on réagit trop souvent sous le coup de l’émotion. Mais cette saison, le climat est plus apaisé, surtout au niveau de la communication, mais je peux vous assurer que la pression du résultat est bien présente au quotidien".
Messieurs, est-ce que vous estimez que votre quotidien de coach est usant ?
> Régis Brouard : "Quand on est entraîneur, il y a toujours quelque chose à gérer : le vestiaire, les dirigeants, la presse… On est en permanence dans une machine à laver et c’est dans ces moments-là qu’on se dit qu’un peu de calme nous ferait du bien. Mais même s’il y a deux-trois choses qui nous cassent les c…, quand on arrête d’exercer ce métier, on se rend compte qu’il nous manque. Vous savez, on est habité par ce métier. On aime le foot, la compét, la performance, se remettre en cause, se poser les bonnes et les mauvaises questions…"
> Fabien Valéri : "Cette atmosphère, cette adrénaline, cette pression… On en a besoin. J’ai besoin de vibrer. Même si ce n’est pas l’envie qui manque, à un moment, on ne peut plus courir (sourire). Quand j’ai été contraint d’arrêter ma carrière ; je jouais encore à 41-42 ans au niveau régional, je l’ai vécu presque comme une première mort. Comme j’avais les deux hanches farcies et plus de cartilage (ce qui a nécessité une opération), j’ai cherché une autre activité pour remplacer le foot. C’est comme ça que je suis mis au vélo, mais je ne pouvais pas rouler sans compétition. Du coup, je me suis mis à faire des courses de 100-120 bornes, à 40-42 km/heure de moyenne, avec des gamins de 20 ans… Ça me tenait. C’est aussi pourquoi on devient coach. Animer les séances, manager une équipe, vivre des émotions comme celles de vendredi, c’est passionnant".
Coéquipiers sous le maillot du Red Star (D2), lors de l'exercice 1996-1997, Régis Brouard et Fabien Valéri se sont remémorés quelques bons souvenirs de l'époque. "On en a fait des footings au parc de La Courneuve", se rappelle l'actuel coach de QRM. ©Damien Deslandes
Vous avez été coéquipiers au Red Star (D2), lors de la saison 1996-1997. Quels souvenirs en gardez-vous ?
> Régis Brouard : "Le Red Star, c’est le club de Fabien(2)".
> Fabien Valéri : "Avec Régis, on en a fait plein des footings au parc de la Courneuve, on faisait le tour du grand lac. A l’époque, au Red Star, on était un groupe de jeunes et Régis était proche de nous. Il faisait notamment les toros avec nous. Bon, il était parfois un petit râleur. Il avait son caractère Régis, il n’aimait pas perdre. Moi non plus d'ailleurs (sourire)".
> Régis Brouard : "Cette saison-là, on m’avait confié le brassard de capitaine. J’avais un peu de responsabilités. Et c’est vrai que j’étais bien avec ces jeunes dont Fab’ faisait partie. Il y avait une bonne osmose entre nous. Comme ces jeunes étaient formés au club, ils nous transmettaient la fibre du Red Star, un club assez atypique par son ambiance, son contexte, son environnement… Sportivement, ils nous poussaient au cul, plus particulièrement Fab’ me concernant comme on jouait tous les deux au millieu. Je n’ai que des bons souvenirs de mon passage au Red Star, malgré une ou deux interventions assez folkloriques dans le vestiaire du président de l’époque, Jean-Claude Bras".
(2)Formé au Red Star, où il y a évolué pendant 13 ans (1987-2000), Fabien Valéri est l’un des joueurs les plus capés de l’histoire du club audonien.
Revenons au derby de vendredi, le FCR et QRM poursuivent deux objectifs différents : la montée en Ligue 2 d’un côté, le maintien de l’autre…
> Régis Brouard : "Vendredi, je pense qu’on poursuit le même objectif : gagner".
> Fabien Valéri : "C’est sûr qu’on ne vise pas la montée mais si on peut se donner de l’air par rapport aux deux équipes qui sont classées derrière nous (Bourg-en-Bresse et Saint-Brieuc qui accusent deux points de retard sur QRM). Depuis un petit moment, on a du mal à avancer (QRM reste sur sept journées sans victoire dont quatre défaites consécutives). Contre le FC Rouen, on sait que ça va être difficile, c’est une très bonne équipe, elle n’est pas première par hasard, elle est solide derrière, elle n’a perdu qu’une fois…"
"On en est les premiers responsables (du calendrier). Il ne fallait pas se faire éliminer bêtement par Alençon"
Régis Brouard
Régis, la particularité pour votre FCR, c’est qu’il n’a disputé que deux matchs officiels depuis le 1er novembre !
"C’est la première fois que je vis une telle situation et je n’aime pas du tout. Je suis content que cette période soit derrière nous. Mais on en est les premiers responsables, les seuls fautifs. Il ne fallait pas se faire éliminer bêtement en Coupe de France, à Alençon (N3). On avait été averti, on avait fait des projections, on connaissait le calendrier… Aujourd’hui, les joueurs se rendent compte que sans la compétition, c’est complètement différent. Il n’y a pas la pression du résultat, d’obligation de performance, d’objectif comptable… On a beau faire des matchs amicaux, rien ne remplace la compétition. Il y a moins d’implication, de concentration, de mobilisation, même aux entraînements. Ça nous a joué des tours. La première mi-temps contre Concarneau a été catastrophique (J14. 0-0, le 21 novembre). Maintenant, le match à Aubagne fut rassurant en termes d’intensité (J15. 1-1, le 5 décembre)".
> N1. J16 - FC Rouen (2e - 29 points) / Quevilly-Rouen Métropole (15e - 9 points), vendredi 12 décembre à 20 heures au Stade Robert-Diochon.
"La dernière fois qu’on s’est croisés dans les couloirs de Diochon avec Fab’, on est restés 30-40 minutes à discuter. On a parlé de tout : son équipe, mon équipe, le championnat de National…"
Régis Brouard, entraîneur du FC Rouen