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A l’AS de Montivilliers, la volonté des bénévoles pour surmonter les difficultés

En commençant par leur école de foot, les dirigeants montivillons veulent mettre en place une philosophie de jeu sans se préoccuper dans ces catégories des résultats.

En commençant par leur école de foot, les dirigeants montivillons veulent mettre en place une philosophie de jeu sans se préoccuper dans ces catégories des résultats.

Une reconstruction par les jeunes

Depuis sa relégation en R3 il y a quelques saisons, l’AS de Montivilliers peine à réamorcer une dynamique positive. "Les résultats sont en dents de scie, on ne parvient pas à accrocher le bon wagon", constate Sylvain Guillou dont le club a frôlé "la catastrophe" il y a trois ans en évitant de justesse la descente en district. Pour cet exercice 2023-2024, les « Rouge et Blanc » visaient la montée. Mais malgré un succès aux dépens de leur bête noire, l’Olympia’Caux, le début de championnat est loin de leurs attentes (2V-1N-3D). "On n’est clairement pas dans les clous", confirme le président seinomarin dont le projet repose, toutefois, sur une vision à plus long terme, en se basant sur les jeunes.

"Notre volonté, c’est d’avoir une école de foot performante dans le sens où l’on va mettre en place une philosophie de jeu. A cet âge, les résultats importent peu", détaille-t-il. "Derrière, cette école de foot doit abonder nos U13, nos U15 et nos U18. On souhaite que ces catégories évoluent de nouveau en ligue, comme c’était le cas auparavant. Ainsi, quand ils joueront en seniors, ils seront déjà habitués au niveau régional. C’est de cette manière que notre équipe première progressera. En plus, avec ce vivier, on ne sera plus obligé de recruter des joueurs extérieurs".

Dans le cadre de son projet, le président Sylvain Guillou aspire à voir jouer les catégories U15 et U18 au niveau ligue, comme c'était le cas auparavant.

Des installations vétustes

Avec 360 licenciés pour près d’une vingtaine d’équipes engagées, encadrés par une cinquantaine de bénévoles (dirigeants, bénévoles), c’est un euphémisme de dire que l’AS Montivilliers est un peu à l’étroit dans ses installations ; le club seinomarin ne disposant que de trois terrains dont un spécifique pour le foot à 8, au Stade Louis-Simon. "Toutes les catégories à effectif réduit, jusqu’aux U13, évoluent dessus", précise Sylvain Guillou. L’historique Stade Jules-Touvel, lui, ne peut pas accueillir d’entraînement car il n’est pas éclairé. "Il dépanne pour les matches des féminines et des vétérans". Conséquence, tout ce joli petit monde, ou presque, se rabat sur le synthétique du Stade Claude-Dupont qui est "archi-cuit".

Le président montivillon rêve d’une deuxième aire de jeu à Claude-Dupont mais pour le moment, cela reste un vœu pieux. Il y a quelques années, des rumeurs ont circulé autour d’un projet d’agrandissement mais quand Jérôme Dubost a été élu à la mairie en 2020, l’édile n’a rien trouvé dans les cartons. "Si on pouvait déjà rénover nos synthétiques (en comprenant la surface de foot à 8), ça serait bien car leur état me préoccupe". Problème, la Ville ne dispose pas des fonds nécessaires. "Le maire a un discours extrêmement transparent avec nous. Avec notamment l’augmentation des fluides (eau, gaz, électricité), sur le plan financier, il est asphyxié". Alors que les associations sportives se multiplient dans cette commune de 15 000 habitants, la Ville apporte, dans la limite de ses moyens, son soutien au club de foot à l’image du changement des éclairages des stades Simon et Dupont. "Maintenant, M. Dubost n’est pas un magicien. Rien que pour refaire notre synthétique, il faut compter 300-400 000 € et ça peut très vite grimper à 500-600 000 €".

"Quand je vois le budget amende qu’il faut prévoir, c’est un truc de dingue. On se fait assassiner"

Sylvain Guillou, président de l'AS de Montivilliers

Comme beaucoup de ses homologues présidents, Sylvain Guillou est effaré de constater à quel point les clubs sont ponctionnés par la Fédération, la Ligue, le District. "On n’est pas une entreprise, on ne génère pas de revenus. Et ce n’est pas mon métier d’aller chercher de l’argent à droite ou à gauche". Cette politique des instances pourrait-elle remettre en cause son engagement ? Peut-être pas mais cela n’empêche pas le dirigeant de Montivilliers de dresser ce constat : "Je me suis engagé dans le bénévolat pour vivre des bons moments. Sauf que depuis je suis président, ce n’est que des emmerdes".

Des barrières pour développer le foot féminin

C’est bien simple, l’AS de Montivilliers est actuellement l’un des meilleurs clubs normands en termes de pratique féminine aux côtés du HAC, de Malherbe ou de QRM. Les générations 2007-2008 font la fierté des « Rouge et Blanc ». Il y a deux ans, les U15 ont été sacrées championnes de Seine-Maritime de foot à 8. Lors de l’exercice précédent, ces mêmes jeunes filles ont poursuivi leur moisson avec un titre de championnes de Normandie en R2 et une finale régionale en futsal. Mais cette saison, alors que les catégories s’étalent sur trois années d’âge dans le foot féminin (contre deux chez les garçons), un dilemme s’est posé pour les dirigeants montivillons avec une partie de l’effectif restant en U16 et l’autre passant en U18. Pour ne laisser personne sur le carreau, le choix a été fait d’inscrire deux équipes en ligue, une dans chaque catégorie. Pour assumer cette décision, il faut surmonter de nombreux obstacles.

Tout d’abord, il a fallu dénicher un éducateur supplémentaire. C’est David Bertin qui s’y est collé. "C’est le bénévole par excellence. Je pense qu’il est au club depuis qu’il est né (sourire). Il joue en vétérans et il coache aussi la réserve. C’est presque un métier", loue Sylvain Guillou dont la section compose avec un effectif ric-rac avec 24 joueuses pour deux équipes ! "C’est compliqué car ce sont les mêmes règles que pour les garçons (quatre mutées par feuille de match dont une hors période, dont la licence a été signée après le 15 juillet) avec un vivier nettement moins important", déplore le président de l’ASM. Des dérogations existent, néanmoins, quand il s’agit d’une création d’équipe tels les U18 cette année avec la possibilité d’aligner autant de mutées que l’on souhaite. A condition que la Ligue de Normandie ne s’emmêle pas les crayons. "Pour que la joueuse ne soit pas considérée mutée hors période, il nous faut l’accord par écrit du club quitté. On en avait quatre dans ce cas. Pour les trois premières, pas de soucis. A l’inverse, pour la quatrième qui vient de Mon-Gaillard, la commission (du statut du joueur) nous a retoqué plusieurs fois au motif qu’elle n’avait pas ce fameux papier. Pourtant, au départ, on a tout envoyé dans le même mail. On l’a transmis à plusieurs reprises, la dernière fois avec accusé de réception". Finalement, tout est rentré dans l’ordre fin octobre "pour un document envoyé initialement le 12 septembre", rappelle Sylvain Guillou qui pointe également un autre dysfonctionnement avec les phases de brassage en début de saison.

Des brassages qui déterminent la division dans laquelle évolueront les équipes (R1 ou R2). Problème, tout le monde ne joue pas le jeu. Dans le cas des U18 de Montivilliers, la moitié des engagés ne se sont pas présentés et le club de l’agglomération havraise s’est retrouvé en R1 sans combattre. "Comme il n’y a pas d’amende pour forfait, certains dirigeants préfèrent faire l’impasse pour être sûr d’être en R2 avec des déplacements moins lointains". Au niveau supérieur, la contrainte kilométrique est tout autre avec des matches à Caen, Saint-Hilaire et Avranches. Surtout qu’en Seine-Maritime, les collégiennes et les lycéennes ont cours le samedi matin, contrairement à leurs homologues de l’ex-Basse-Normandie. "L’autre jour, on s’est rendu à Saint-Hilaire-Petitville, à 165 km de chez nous. Les filles finissaient l’école à 12 heures, on leur avait donné rendez-vous à 12 H 30. Elles ont mangé un casse-dalle dans les voitures. Avec les absentes, on est parti seulement avec dix joueuses pour arriver à 14 H 45 avec un coup d’envoi à 15 heures. Notre adversaire a accepté de le décaler d’un quart d’heure, le temps qu’on puisse s’échauffer", raconte le président qui a vu les frais de déplacements exploser. "On est un petit club, on n’est pas riche, on ne rembourse rien. C’est la croix et la bannière pour trouver un parent qui veut bien se dévouer. Heureusement que j’ai une sept places, ça me permet d’emmener la moitié de l’équipe à moi seul". Dans ces conditions, la suite de la saison pose question. "Quand ça sera notre tour d’aller à Avranches, est-ce qu’il ne vaudra pas mieux déclarer forfait", s’interroge-t-il. "L’amende nous coûtera moins cher qu’un voyage de 400 km aller-retour, sachant que niveau timing, on risque d’être de nouveau plus que short".

Confronté à cet amoncellement de difficultés, Sylvain Guillou a adressé un courrier à Pierre Lerestreux, le président de la Ligue de Normandie. Il sera présenté lors du prochain Comité directeur. Car le développement du football féminin passe aussi (surtout) par les instances.

Aux côtés du HAC, de Malherbe ou de QRM, l'AS de Montivilliers est l'un des meilleurs clubs normands en terme de pratique féminine avec notamment des U16 et des U18 évoluant en ligue.

Une histoire de famille

A Montivilliers, un Guillou peut en cacher un autre. Car Sylvain n’est pas le premier à porter ce patronyme et à endosser le costume de président des « Rouge et Blanc ». Plusieurs saisons en arrière, George, son père, lui avait montré la voie en siégeant à ce poste pendant une dizaine d’années. C’est d’ailleurs lui qui est venu chercher son fils pour qu’il signe son retour au club en tant que dirigeant avant qu’il n’en devienne le président il y a trois ans. "Il m’a dit : « Il faudra bien que tu t’y colles un jour »", en rigole Sylvain Guillou. Leur histoire avec ce club de l’agglomération havraise a commencé quasiment simultanément.

"J’ai pris ma première licence en 1977 pour suivre un copain d’école. Mais un mercredi sur deux, je rentrais chez moi au bout d’une demi-heure car il n’y avait personne pour s’occuper de l’entraînement. Mon père a alors décidé de mettre le doigt dedans". Il n’est plus jamais parti. A 81 ans et après avoir rempli toutes les fonctions possibles et imaginables dans une structure associative, George Guillou est, aujourd’hui, encore le secrétaire de l’ASM. "C’est la mémoire du club, il connaît tout le monde, tous les règlements", souligne ce père de famille de trois enfants qui ont tous baigné dans l’univers du ballon rond ; l’aîné, Erwan, étant devenu arbitre alors que les deux cadets, Killian et Maugane, ont fréquenté les catégories de jeunes du HAC. Un club doyen, via son école de foot, au sein duquel Sylvain Guillou fut, lui-même, éducateur.

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