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Comment les clubs de National 3 façonnent-ils leurs effectifs ?

Qu'ils soient président ou entraîneur, qu'ils s'appellent Vincent Laigneau, Guillaume Gonel ou Christophe Lécuyer, les têtes pensantes du N3 normand ont de vraies stratégies de recrutement.

Qu'ils soient président ou entraîneur, qu'ils s'appellent Vincent Laigneau, Guillaume Gonel ou Christophe Lécuyer, les têtes pensantes du N3 normand ont de vraies stratégies de recrutement.

Recruteurs, agents, scouts : les acteurs sont légion quand il s'agit d'engager des joueurs à l'échelle du monde professionnel. Dans le monde amateur, toutefois, et plus précisément au sein de nos clubs de National 3, les moyens financiers et humains sont tout autre. Il n'empêche que le travail de fond reste sensiblement le même. "Sur le recrutement, on fonctionne sur trois domaines", résume Vincent Laigneau, l'entraîneur de l'US Alençon, actuelle deuxième du championnat. "Il y a l'observation en interne de nos U18, qui est la priorité. Ensuite, il y a le recrutement un peu plus régional, où on a un suivi au club sur les joueurs du coin. Enfin, chose qui se multiplie en ce moment, on a la mise en place de réseaux avec des structures qui permettent à des joueurs plus éloignés géographiquement de se positionner sur des projets". Si dans le football local, c'est un peu à chacun sa technique, ces trois grands types de recrutement se retrouvent sensiblement au sein de tous les clubs de la région.

"Quand je suis arrivé en 2018, on a voulu reconstruire et il me tenait à cœur de retrouver une grosse identité dieppoise"

Au commencement de chaque projet, on retrouve la fibre identitaire. Quel visage les staffs veulent-ils donner à leur groupe ? "Quand je suis arrivé en 2018, on a voulu reconstruire et il me tenait à cœur de retrouver une grosse identité dieppoise, c'était ma première mission", expose Guillaume Gonel, coach du leader dieppois. Son de cloche à peu près similaire à Vire où le président Christophe Lécuyer désirait avant tout permettre à son public de "s'identifier à ses joueurs". "La plupart des garçons de notre groupe sont à la base de la région et c'est important", avance-t-il. "On veut qu'ils aient la capacité à s'intégrer dans la vie locale. Ceux qui arrivent de l'extérieur doivent apporter un vrai plus. Si demain, l'AF Virois est composé de joueurs de Paris, de Marseille, de l'Est, en termes d'identité, je pense que ça peut fragiliser un club".

Si, comme le précise Vincent Laigneau, tous les clubs édifient leur base autour de jeunes du cru comme Hugo Mangeard le concernant, l'élaboration des groupes passe ensuite par de l'observation de ce qui se passe autour dans les matches de ligue. "Il y a un réseau qu'on se construit à trois ou à quatre dans la région", précise le technicien alençonnais. "Si on prend l'exemple de notre arrière gauche Joachim Lepage qui jouait à Deauville, c'est moi qui suis allé le chercher. On l'avait repéré puis on l'a suivi. Je cherchais un joueur à ce poste depuis plusieurs années". "On a des gamins qui étaient dans l'anonymat des championnats de ligue qu'il a fallu aller chercher, je pense à Valentin Carpentier (ex-Tourville, R2) ou Noah Trophardy (ex-Grand-Quevilly, R1)", donne comme exemple Guillaume Gonel. Dès lors, la mécanique de recrutement se veut limpide. "Pour ces joueurs-là, le bouche-à-oreille fonctionne bien. Tout le monde se connaît, le temps d'une conversation, on apprend des choses. Je suis allé voir Valentin à Tourville et après, soit ça correspond à ce qu'on m'a dit, soit non, mais au moins, j'ai vu".

Les présidents et les coaches font jouer leur réseau

L'écoute, la prospection, l'attention de tous les instants sont donc centrales dans le travail des staffs. Reste alors la venue de joueurs hors-région, qui échappe donc fatalement au regard direct des coaches. C'est le cas notamment du capitaine de l'AF Virois Axel Flucher qui évoluait à Choisy-au-Bac dans l'Oise avant de poser ses valises dans le Bocage en 2016. "C'est plus facile d'avoir des références dans la région mais avec des garçons venus de plus loin comme Axel, ça a très bien fonctionné", explique Christophe Lécuyer. "Il est aujourd'hui installé, il a fait construire sa maison ici. Ça s'est fait via un CV sur le net et un premier contact téléphonique avec une accroche mutuelle". À une époque pas si lointaine, les joueurs eux-mêmes cherchaient à se trouver des projets via des plateformes en ligne. "Le profil de joueur-éducateur d'Axel nous correspondait bien, il est venu nous voir et il s'est avéré que ça a très bien marché car il est toujours avec nous".

"Ça peut permettre de boucler des effectifs mais on n'a jamais versé un centime à un intermédiaire"

Les candidatures spontanées restent légion, Vincent Laigneau peut notamment en témoigner avec le recrutement de Pinance Buni-Jorge. Mais l'une des nouvelles modes de ces cinq dernières années convoque des structures comme KDS Football Conseils qui visent à trouver des points de chute à des joueurs qu'elles prennent sous leurs ailes. "Quand ils m'appellent, je ne reste pas indifférent", confie Guillaume Gonel même si rien n'a jamais abouti par ce biais le concernant. "Ce serait idiot de ne pas écouter ce qu'on te propose. C'est important d'écouter ces conseillers, ça s'est toujours passé sur une confiance mutuelle"

Vincent Laigneau, pour sa part, a pu faire venir Caliste Dimuenay ou Max Demougeot via ces conseillers qui offrent donc aux coaches normands de s'entourer de profils différents. "Ça peut permettre de boucler des effectifs mais on n'a jamais versé un centime à un intermédiaire", assure Christophe Lécuyer qui incarne par ailleurs encore et toujours l'idée que la clé de voûte des bons recrutements régionaux passent inéluctablement par la qualité des réseaux. Les récentes venues à Vire de Sabri Toufiqui ou de Thomas Chesnel en sont de bons exemples. À Dieppe, l'arrivée de l'ex-d'Alès Quiss Maconda épouse cette logique au même titre qu'à Bayeux, Olivier Joba a activé son réseau lors de sa nomination au printemps dernier ou que la venue de Mathieu Duhamel à Romilly-Pont-Saint-Pierre a permis au club de la Vallée de l'Andelle de bénéficier du réseau de l'ancien joueur du Havre. Reste le dénominateur commun à tout ce travail : le facteur chance. "Quand on recrute, parfois, ce sont des coups de poker", conclut Guillaume Gonel. Reste donc à bien placer ses jetons.

Au centre des tractations, l'aspect humain avant tout

S'il y a une notion dans le recrutement qui rassemble tout à la fois les acteurs et les clubs, c'est l'aspect humain. "Je veux que le public retrouve des notions de valeur et d'humilité qui reflètent la société dieppoise", affirme Guillaume Gonel. "Dans le recrutement, ça passe donc par de bonnes valeurs humaines. Quand on reçoit les joueurs, l'aspect humain est primordial. On aurait pu ramener davantage de garçons mais chez certains qui avaient trop d'ego, ça n'est pas passé. Les « moi je, moi je », je n'en veux pas, on est d'abord au service du collectif".

Réciproquement, les clubs veulent s'assurer qu'ils ne vont pas mettre un joueur dans une position délicate, d'autant plus lorsqu'il découvre tout à la fois une nouvelle équipe et une nouvelle région. "Quand on fait venir des garçons, on regarde si l'homme rentre dans le projet", précise Vincent Laigneau. "L'homme est capital mais il faut que les joueurs puissent se poser, qu'ils restent. Si un footballeur vient d'ailleurs, il faut qu'il se plaise dans son environnement". Christophe Lécuyer abonde : "J'ai déjà eu des Sudistes qui ont eu des soucis à s''habituer au climat et à l'ambiance de la région, qui ont eu du mal à faire avec le ciel gris alors qu'ils sont habitués au ciel bleu. On ne veut surtout pas faire venir quelqu'un si c'est pour qu'il déprime"

Aurélien RENAULT

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