Foot Normand
Coupe de France. 8e tour - Yvetot AC (R1) / Bayeux FC (R1), samedi 29 novembre à 18H

Sébastien Gruel (Yvetot AC) : "Je dis à mes joueurs de se créer des souvenirs et non des regrets"

Ses souvenirs de l’épopée en 2015, le parcours de son équipe avec des premiers rendez-vous pièges, l’avantage de recevoir pour la future confrontation contre le Bayeux FC… Dix ans après une précédente expérience à ce niveau, comme entraîneur-joueur à l’époque, Sébastien Gruel (40 ans) s’apprête à vivre un deuxième 8e tour de la Coupe de la France, toujours avec l’Yvetot AC (R1), « son » club dont il est le coach depuis 2013 !

Sébastien Gruel peut avoir le sourire. Dix ans près, le coach yvetotais va connaître de nouveau les joies d'un 8e tour de la Coupe de France, avec son club de toujours.

Si je vous évoque la Coupe de France, quel(s) sentiment(s) cela vous inspire ?

"Dans une carrière de footballeur amateur, on retient plus les exploits ou le nombre de tours passés en Coupe de France que les titres conquis. Alors que de mon point de vue, les titres, ils sont compliqués à obtenir ces titres. Il faut être bon et efficace sur la durée. C’est la prime à la régularité. La coupe, c’est une ambiance différente. C’est incomparable. Sportivement déjà, on ne peut pas jouer le match nul. On regarde toujours le résultat du petit. On attire aussi beaucoup plus de spectateurs (1 350 au tour précédent contre l’ASPTT Caen). Et puis la Coupe de France, ça parle à tout le monde, y compris à des personnes qui ne suivent pas spécialement le foot. Ça emmène une ville, un club, ça impulse une dynamique… C'est aussi une récompense pour les bénévoles qui s'investissent chaque week-end. Samedi, ils seront environ 80. Certains font aussi du bénévolat pour vivre ce genre d'émotions"

Quel est votre meilleur souvenir lié à la Coupe de France ?

"Notre épopée jusqu’au 8e tour il y a dix ans. Il n’y a pas de débat. J’étais entraîneur-joueur. On était en DHR (l’équivalent du R3). La particularité, c’est que plusieurs joueurs sur la feuille de match à l’époque évoluent toujours au club : trois en équipe première, Lorris Bruneau (gardien), qui n’a connu qu’Yvetot dans sa carrière, Jason Bourdain (défenseur), Manu Ducastel (couloir), et six autres chez les vétérans(1) dont moi. Au 5e tour, on avait battu le FC Dieppe (2-1), qui était leader de CFA, après avoir été mené. Ce jour-là, on n’avait aligné que des joueurs formés au club. Au 6e, on bat Maromme, premier et invaincu en DH, chez lui (2-1 après prolongation) après avoir joué à dix pendant 1H 30 !" 

"La particularité, c'est que plusieurs joueurs sur la feuille de match à l'époque (en 2015) évoluent toujours au club"

(1)Guillaume Leborgne, Nicolas Boniec, Marc Carballo, Julien Bec, Jérôme et Sébastien Gruel.

Hormis les trois garçons qui évoluent toujours en équipe première, peut-on dresser un parallèle entre votre parcours d’aujourd’hui et l’épopée en 2015 ?

"On peut faire un constat. Il y a dix ans, on avait affronté au 8e tour Saint-Omer, une équipe de DH (élimination 2-1), qui venait de sortir Le Havre (en L2 à l’époque). Et cette année, c’est Bayeux qui a battu un autre club pro normand avant de nous rencontrer, Caen. Maintenant, c’est une histoire différente. Beaucoup de choses ont changé dans notre club, à commencer par nos infrastructures. La mairie nous a financé un terrain synthétique il y a sept ans. Ce fut vital pour nous. On aimerait bien en avoir un deuxième d’ailleurs même si on est bien conscient que les collectivités font en fonction de leurs moyens. A Yvetot, on n’est pas dans une ville riche. Pourtant, on est très bien soutenu(2). Récemment, l’éclairage du stade est passé en led et un investissement de 20 000 € sur notre terrain annexe a été réalisé".

(2)Pour la réalisation du terrain synthétique il y a sept ans, la ville d’Yvetot avait réalisé un investissement d’1 M€ + 500 000 € pour la mise aux normes des vestiaires.

Alors qu’elle ne s’est pas encore imposée en championnat (5N-2D), est-ce que vous sentez qu’un supplément d’âme se dégage de votre équipe en Coupe de France ?

"Forcément, en coupe, l’équipe se transcende. Pour les joueurs, c’est aussi la possibilité d’affronter un adversaire différent du quotidien et pourquoi pas de recevoir un gros. Ça, c’est l’objectif des joueurs. L’apothéose, il ne faut pas se voiler la face, ça serait le PSG. Ça te change la structure de ton club, ça te change la vie. Bon, moi, maintenant, je suis déjà heureux de recevoir au 8e tour. Car en la matière, on a connu une disette (sourire). C’est vrai que les saisons précédentes, on ne réalisait pas forcément de grands parcours. Mais avant de tirer Saint-Lô à domicile, pour le 6e tour (le 25 octobre), on n’avait pas reçu un match de Coupe de France depuis une demi-douzaine d’années ! Et là, avec l’ASPTT aussi (au 7e), ça va faire trois fois de suite. En coupe, entre jouer à domicile et à l’extérieur, c’est incomparable pour emmener tout un club derrière soi. Tout ce que j’espère après ce parcours, c’est qu’on n’attendra pas aussi longtemps pour accueillir de nouveau".

Quand vous jetez un coup d’œil dans le rétroviseur, comment analysez-vous votre parcours ?

"80% des joueurs qui seront alignés samedi étaient déjà là (aux 3e et 4e tours). Pourtant, ce ne sont pas les mêmes qui se présenteront contre Bayeux"

"Quand tu vois l’équipe qui a failli perdre à Gournay (D1) et à Gasny (D2) aux 3e et 4e tours (victoire 2-1 à deux reprises), 80% des joueurs qui seront alignés samedi étaient déjà là. Pourtant, ce ne sont pas les mêmes qui se présenteront contre Bayeux. Il y a des tours qui sont plus difficiles que d’autres, même pour les équipes à haut niveau. La preuve avec le Stade Malherbe. Et nous, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on n’a pas été très performant sur ces premiers tours. Il faut être efficace. Derrière, on a affronté des adversaires bas-normands de R1 comme Saint-Lô et l’ASPTT Caen. En termes de qualité, d’intensité, de mobilité, si tu n’es pas au niveau pendant 95’, ça peut faire très mal. Contre Saint-Lô, ce fut un match très agréable à suivre (3-2), un peu moins pour le coach que je suis (sourire). Face à l’ASPTT (2-1), l’enjeu a pris un peu dessus".

Est-ce que votre confrontation il y a deux semaines en championnat contre Bayeux (0-0) peut vous servir pour préparer ce 8e tour de la Coupe de France ?

"Non, je ne pense pas, même si on connaît notre adversaire. Il y a de grosses individualités, un collectif bien huilé… Il n’y a pas si longtemps, ce club se trouvait en N3 (avec une dernière présence en 2022). Et puis cette équipe vient de battre le Stade Malherbe (3-2, au 7e tour), elle sait gérer ses émotions. On s’attend à un match difficile. Maintenant, est-ce que ça existe un match facile au 8e tour ? Je n’en suis pas persuadé. Le seul avantage, comme on l’a évoqué plus tôt, c’est de jouer à domicile. Comme je l’ai dit à mes joueurs : « Il faut se créer des souvenirs et non des regrets ». C’est pourquoi j’espère qu’ils se lâcheront. Dans dix ans, quand ils en discuteront autour d’une table, il faut qu’ils aient plus d’anecdotes positives que négatives à se raconter. C’est quand même un match qui donne accès aux 1/32e. Il ne restera que 64 équipes dont 18 de Ligue 1".

> Coupe de France. 8e tour - Yvetot AC (R1) / Bayeux FC (R1), samedi 29 novembre à 18 heures au Stade Municipal.

A l’Yvetot AC, on n’a pas d’argent mais on a des licenciés

Au Yvetot AC, Sébastien Gruel entraîne l'équipe première et aussi les catégories U6-U7. "Les tous petits. En termes d’âge, j’ai les deux extrémités", s’en amuse-t-il.

"On n’est pas très riche". Au cours de notre entretien, Sébastien Gruel a fait référence à plusieurs reprises aux modestes moyens de l’Yvetot AC. Et ce sont loin d’être des paroles en l’air. Pour preuve, jusqu’à la saison passée, les joueurs de l’équipe première utilisaient leur voiture personnelle pour les matchs à l’extérieur ! "Quand on discute avec d’autres clubs, ils nous disent : « Non, ce n’est pas possible, vous ne faisiez pas ça »", rapporte l’emblématique coach des « Bleus » ; une couleur que tous les jeunes arborent aux séances pour s’imprégner de l’identité du YAC. Avec la refonte des deux poules de R1, le niveau le plus haut qu’il est fréquenté, et des déplacements aux quatre coins de la Normandie, le club yvetotais loue maintenant des mini-bus.

"Si au départ, j’étais déçu de cette réforme, je me rends compte que ça nous a permis de nous structurer. Vous savez, pour nous, la R1, c’est notre Ligue 1 !", compare l’un des trois salariés de la structure avec Ludivine Martin (responsable de l’école de foot, jusqu’aux U13) et de Florian Nirlo (en charge du football féminin) ; ces deux derniers s’occupant également de la section foot du collège Bobée. En plus du foot à 11, Sébastien Gruel, lui, a dans ses missions le sport adapté et l’entraînement de la catégorie U6-U7. "Les tous petits. En termes d’âge, j’ai les deux extrémités", s’en amuse-t-il. Dans la capitale du pays de Caux, il n’est, bien sûr, pas question de faire signer des contrats fédéraux aux joueurs. "Comme on n’a pas d’argent, on mise beaucoup sur la formation en interne", explique le technicien seinomarin. Il faut dire qu’avec 660 adhérents, record du club (ils étaient moins de 300 il y a une dizaine d’années), la relève est assurée. Et encore, ce nombre pourrait être nettement plus conséquent à en croire Sébastien Gruel : "En raison de nos infrastructures, on a refusé beaucoup de monde. Avec un deuxième synthétique, je pense qu’on ne serait pas loin des 800 ou 900 licenciés".

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