L'Evreux FC 27 vit-il ses dernières heures ? L'hypothèse est sur la table. Plombé par des soucis de gouvernance et une gestion financière qui a valu à son équipe première d'être réexpédiée au niveau régional, le club de l'Eure est à la croisée des chemins. En janvier, il manquait 450 000 € pour boucler un budget de l'ordre de 980 000 € ! Malgré les efforts des présidents Samuel Brigantino et Michel Krolak (et avant eux, ceux de la présidente par intérim Bénédicte Mombo), la situation de l'association reste préoccupante, à un tel point qu'une audience décisive se tiendra le 18 septembre au Tribunal d'Evreux. "Il y aura alors deux possibilités", prévient Samuel Brigantino. "Il y a une procédure judiciaire, et au regard de la situation financière, soit l'EFC 27 va subir un redressement judiciaire, soit il s'agira d'une liquidation". Si le deuxième scénario se dessinait, c'en serait alors terminé de l'association, un sérieux coup dur au regard de l'ascendant sportif des dernières saisons.
L'éventualité d'une liquidation judiciaire, les dirigeants la prennent très au sérieux, au point d'avoir d'ores et déjà planché sur ce scénario malencontreux. "Il y a eu beaucoup de discussions avec la mairie et si on ne s'en sort pas avec nos factures, il faudra forcément bifurquer sur une nouvelle association", détaille Samuel Brigantino. Comme l'a déjà signifié le président de l'EFC 27 dans un communiqué paru le 21 juillet (lire ci-dessous), le nom du potentiel nouveau club est déjà trouvé : Football Club Evreux. "La mairie a déjà donné son accord", précise le dirigeant qui travaille main dans la main avec la municipalité depuis son intronisation.
La perspective de voir le club subsister existe toutefois et elle a été renforcée par une nouvelle inattendue venue... de Barcelone. Formé à Evreux, Ousmane Dembélé s'apprête à rejoindre le Paris Saint-Germain en provenance du club catalan moyennant 50 M€. Ce transfert pourrait permettre à l'EFC 27 de récupérer un pourcentage eu égard à son statut de formateur même si le la fait que la moitié de cette somme revienne directement au joueur ne simplifie pas le calcul*. S'il ne connaît pas les tenants et les aboutissants liés à cette transaction, ni même s'il pourrait suffire à changer la donne, Samuel Brigantino admet que seul un redressement judiciaire pourrait être prononcé. "Auquel cas, tous les passifs seraient gelés pendant un certain temps, le temps qu'on arrive à régler nos charges. Il y aurait ensuite un plan mis en place jusqu'à ce qu'on soit en mesure de régler nos passifs". Et dans une telle hypothèse, l'association n'aurait pas besoin de changer de nom et de repartir complètement de zéro.
Retour par la case R2 et changement d'organigramme
Ceux qui demeurent au club, Romaric Bultel en tête, préfèrent ne pas nourrir trop d'espoir sur ce transfert un peu miraculeux. Rien ne dit en effet que ce transfert suffira à changer la donne. Romaric Bultel n'était, par ailleurs, pas à la tête de l'équipe première lors de la reprise de l'entraînement ce lundi (31 juillet). C'est son adjoint Abdelatif Akdim qui est coiffé de la casquette n°1. Le désormais ex-coach de l'équipe fanion s'est vu attribuer un rôle hybride de coordinateur sportif. "Même avant les problèmes qu'on a eus, la réelle volonté était de repartir sur de la formation", justifie le technicien. "C'est très difficile d'assurer le rôle de responsable technique et d'entraîneur. Du coup, quand j'étais entraîneur, je ne pouvais pas m'occuper des jeunes. On a fait le constat qu'on avait beaucoup perdu sur la formation et la priorité, c'est de mieux former". On ne dira pas que l'équipe première est devenue "optionnelle"... mais presque.
Cette équipe fanion d'ailleurs a cristallisé presqu'à elle seule tous les maux d'un club aux abois. Promue en National 2 il y a un an, puis reléguée sportivement au printemps, elle a en plus été sanctionnée de deux descentes administratives par la DNCG (Direction nationale du contrôle et de gestion) et le comité directeur de la Ligue de Normandie. C'est donc en Régional 2 que les « Rouge et Noir » devraient reprendre le cours de leur chaotique histoire dans quelques semaines. Une sanction que le club ne digère pas. "Tous les jours, il y a une nouvelle donnée", déplore Romaric Bultel. "Pour moi, on est en Régional 2 simplement parce qu'il y a la volonté de ne pas nous revoir rapidement en National 3. Il n'y a pas forcément d'explications, il n'y a pas de texte". Samuel Brigantino n'exclut d'ailleurs pas de saisir le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) pour renverser cette décision.
Dans ce flou résiduel, les derniers salariés du club dont font partie Romaric Bultel et Abdelatif Akdim, entre autres, ont appris à vivoter. De l'équipe fanion qui a conclu la dernière saison de National 2, il ne reste plus que deux joueurs dont Jessy Lando, toujours sous contrat fédéral. Mais pour combien de temps ? De fleuron départemental, l'EFC 27 évolue derrière ses voisins Val-de-Reuil, Gisors ou Pacy-Ménilles. Un sacré coup au moral qu'une liquidation judiciaire pourrait transformer en secousse fatale. "Je ne sais pas trop ce qui va se passer pour être honnête", soupire Romaric Bultel qui a désormais appris à ne pas faire de plans sur la comète, son propre avenir au club étant aussi trouble que le futur à moyen-terme de l'association. "C'est le flou pour tout le monde, on ne sait rien. Pour l'instant, on bosse, on verra mi-septembre ce que ça donnera. Tout le monde ici est menacé. Mais ça finalement, ça dure depuis près de huit mois". Le grand projet « 100% Ébroïcien » porté par l'ancien président Philippe Mongreville semble aujourd'hui bien loin.
*En vertu de la contribution de solidarité instaurée par la FIFA, chaque club formateur dans lequel un joueur a été licencié entre son 12e et 15e anniversaire touche 0,25% par année d'un transfert international. Dans ce cadre et sur la base d'une transaction à 50 M€, l'Evreux FC 27 peut prétendre à percevoir 125 000 €.
Aurélien Renault