Comment appréhender un jeune footballeur qui arrive en état d'ébriété un dimanche matin après un samedi soir trop arrosé ? De quelle manière guider un jeune sportif qui se sent tomber dans l'addiction au cannabis ? Comment aider les plus jeunes à mieux vivre une dynamique de groupe ? Voilà des thématiques parmi tant d'autres que le club du FC Saint-Etienne-du-Rouvray a décidé de prendre à bras le corps en 2019 au point de se retrouver primé nationalement trois ans plus tard, le mardi 10 mai dernier, lors des Trophées Philippe Seguin du Fondaction du football, le fonds de dotation du football français. "L’idée de départ n’était pas d’être primé aux trophées Philippe Seguin", précise Sadia Salem, la responsable du programme. "On a travaillé le projet avec la ville, les instances de La Boussole et de l’ARS, c’est un projet qui à la base était fait pour notre club. Le trophée, ce n’est que du plus, que du bonheur".
Ancienne bénévole devenue salariée du club, Sadia Salem s'est rendue compte au gré de ses expériences dans le milieu du football que les jeunes, les éducateurs, les dirigeants et même les parents pouvaient vite se sentir démunis devant certaines situations. "L’idée, c’était de travailler avec des acteurs du coin pour trouver des solutions afin de transmettre des message qui permettent aux jeunes de se les approprier". Le but final étant de faire connaître aux licenciés les lieux de référence où se rendre. "Un jeune qui a une consommation de cannabis ou qui a essayé et qui a peur de tomber dedans, le but était aussi qu’il sache où aller", glisse Sadia Salem en exemple. "De même s’il voit un copain tomber dans la drogue, qu’il sache qui appeler pour aider son pote parce qu’il a vu la carte au club".
Dans l'organisation de son projet savamment baptisé « Bien dans tes crampons », Sadia Salem a partagé son public de jeunes footballeur en deux catégories : d'un côté les U6-U13 et de l'autre les U13-U18. Chaque groupe a ainsi eu son lot de thématiques adaptées aux problématiques pouvant être rencontrées. "On était sur deux choses très différentes. Chez les grands, on était directement sur de l’addiction et du harcèlement avec des vraies messages. Chez les petits, on était plus sur les compétences psycho-sociales, leur manière d’interagir avec les autres et d’avoir une autre manière de penser et gérer la pression au sein d’un groupe".
Une initiative qui associe aussi bien les acteurs du club que les familles
Au centre du projet, les enfants du club de la banlieue rouennaise étaient et sont encore loin d'être les seuls concernés par les actions imaginées par Sadia Salem et ses associés. "Le projet a été pensé sur trois axes, bien entendu il y a la sensibilisation des jeunes mais il y a aussi la formation des bénévoles du club sur les sujets de prévention des addictions et l’aide à la parentalité". La salariée du FCSER se plait à donner pour exemple l'arrivée dominicale d'un jeune U18 qui serait encore très alcoolisé de la veille. "Ce genre de situation peut arriver et il faut savoir gérer. Il faut savoir comment on explique les choses au gamin sans être moralisateur. On sait très bien qu’être moralisateur, ça n’a aucun effet, sinon ça se saurait, on a aussi été ados. On a mis nos bénévoles et nos dirigeants en position d'acteurs". En tout, 22 éducateur ont été formés à la thématique de l'addiction.
Dans son processus, le club stéphanais s'est entouré de certains organismes parmi lesquels celui de La Boussole ou La Mutualité Française. "La Boussole a notamment un escape game numérique sur l’addiction et on a été parmi les premiers en 2020 à le tester", expose Sadia Salem. "Il était important de trouver des choses que les ados puissent s’approprier. Déjà, les affiches ça ne marche pas. Si je dis à un ado « couche-toi tôt et ne bois pas d’alcool », clairement, à 17 ans, il va me répondre que je suis un vieux con". Clairement, la chargée de mission a su taper dans le mille pour s'adresser aux jeunes.
Enfin, les parents n'ont pas été oubliés dans les thématiques développées par « Bien dans tes crampons ». "Le troisième axe, c’est donc l’aide à la parentalité", développe Sadia Salem. "On convie les parents à venir au club sur des moments festifs. Nous, on prend les enfants, on leur fait passer un moment foot et nous on invite les parents à venir prendre le café. On se met en tribunes et là on discute avec des acteurs de la prévention spécialisée et des référents de la ville". Ces procédés ont l'avantage d'offrir aux parents "d'identifier tout le monde" mais aussi "de parler entre eux de s'échanger des conseils". Sur plus de deux ans de projet, le club estime avoir touché près de 120 familles et il ne compte pas s'arrêter là. Si l'initiative du FCSER a pu faire ses preuves auprès des 553 licenciés qu'il compte, son modèle peut certainement s'exporter dans d'autres clubs du territoire. Ce n'est clairement pas pour rien qu'il a été primé. Cela valait bien une photo souvenir avec Raymond Domenech.
Aurélien RENAULT