Comme tout club, la vie du Saint-Romain Athletic Club n’échappe pas aux fluctuations des montées et des descentes. Alignée en Régional 1 voilà encore trois saisons, son équipe première évolue désormais une division en dessous ; un monde qui lui sied peut-être davantage mais où les coups durs ne sont jamais bien loin. Preuve en est, le SRAC, comme on le surnomme, a attaqué cet exercice 2021-2022 de la pire des façons. "On savait que ça allait être compliqué car on avait perdu 30 seniors", relate le président et ex-joueur Benjamin Blancard. "Lors du premier match, on est parti à douze à Tourville (J2. 3-1, le 12 septembre) et au bout de 20 minutes, on s’est retrouvé à neuf avec trois blessés. On a ensuite traîné ça et il a fallu que nos vétérans dépannent". Cette entame annonciatrice de lendemains difficiles, Saint-Romain s’en relève à peine. Son premier succès n’est en effet survenu qu’au soir de l’ultime match de la phase aller aux dépens de l’US Cap de Caux (J13. 4-3, le 19 décembre). Si deux nouvelles victoires lui ont permis de respirer un temps au classement, la défaite le week-end dernier contre Trefileries Neiges (4-2), un concurrent direct pour le maintien, a fait replonger l'équipe dans la zone rouge.
La mue sportive du SRAC des années 2010, celle-là même qui lui a permis d’aller se frotter trois saisons de rang au Régional 1, le club la doit notamment à la venue de Joël Baudry, l’un des entraîneurs les plus diplômés en Normandie. "Avec lui, on a vécu deux montées successives, on est passé du R3 au R1, c’est évidemment historique", se souvient Benjamin Blancard. Le coach qui a fait les belles heures de Montivilliers dans les années 2000 et qui y était d’ailleurs retourné avec la casquette de manager général, a fait le choix d’un autre retour l’an passé, à Saint-Romain cette fois-ci. Sous sa houlette, le club espère dans un premier temps se stabiliser au deuxième échelon régional.
A Saint-Romain, on a peut-être conscience plus qu’ailleurs que l’agitation qui peut parfois régner sur un terrain ou la frustration fugace qui s’invite au moment d’un revers sont finalement bien peu de choses. Le 4 juillet 2020, toute la famille du SRAC a en effet vécu un malheureux drame lorsque le capitaine emblématique de l’équipe première Jonathan Guérin a été emporté par un AVC, à l’âge de 36 ans. Le défenseur a laissé un immense vide derrière lui et même plus que ça au regard de tout ce qu’il représentait pour l’association. "À titre personnel, je n’avais alors plus envie de grand-chose", confie Benjamin Blancard qui devait être associé à son ami à la présidence du club. "Jonathan, c’est quelqu’un dont on n’a jamais pu dire de mal. Je ne crois pas qu’il existe quelqu’un qui ait pu avoir de mauvais souvenirs avec lui. C’est quelqu’un qui était apprécié de tous, même de ses adversaires".
Pas de salaire ni de prime de match pour les joueurs
Actuel président de l’ESM Gonfreville-l’Orcher (R1), Emmanuel Leroux a longtemps été au four et au moulin à la tête du SRAC. Le dirigeant de 39 ans estime que la perte du capitaine a été "un véritable traumatisme" pour tout le monde. "Jonathan, j’ai joué avec lui, je l’ai entraîné et il était vraiment l’âme du club", témoigne-t-il. "Il représentait l’équilibre, il permettait à tout le monde de bien s’entendre et il savait très bien gérer chaque situation pour la rendre positive. Sa disparition a été très marquante". Décrit comme "loyal" et "sincère", le défenseur était un talisman, un guide, le genre de footballeur qui dépasse le simple statut de joueur. Tout simplement irremplaçable.
S’il a été longtemps difficile d’envisager la suite sans Jonathan Guérin, Saint-Romain a désormais défini plusieurs caps. Un temps déboussolé, le président Benjamin Blancard a finalement retrouvé la flamme pour assurer la succession. Pour le club, pour son ami. Autour de nouveaux joueurs clefs dont le buteur Julien Génit (38 ans) et ses deux frères, les seniors ont repris goût au jeu, en témoigne le doublé décisif de l’attaquant contre Cap de Caux en décembre. "Julien, c’est quelqu’un d’exceptionnel, il est aussi un exemple pour beaucoup", salue le président. "Lui aussi a été très marqué par la disparition de Jonathan. C’était son meilleur ami. Ses deux buts contre Cap de Caux, c’est un beau symbole, la plus belle chose qui pouvait lui arriver". Et puisqu’on ne fait pas les choses à moitié chez les Génit, l’épouse du joueur, Julie, assume quant à elle le rôle de trésorière tandis que leurs deux enfants ont pour leur part intégré l’école de foot.
L’école de foot justement, est assez aisément irriguée par les jeunes de Saint-Romain-de-Colbosc et de ses environs. C’est cependant parfois plus dur de capter des seniors auprès desquels le SRAC campe sur ses principes fondamentaux. "On est un club qui ne paie pas, que ce soit en salaires ou en primes de matches", détaille l’actuel président qui a par ailleurs fixé la licence 2021-2022 à 110 € avec un survêtement offert. "Je ne connais pas beaucoup de clubs où c’est aussi peu cher donc un joueur qui n’est pas capable de payer sa licence en senior, on l’invite à aller voir autre part". À Saint-Romain, l’esprit club prime, c’est une flamme que les dirigeants actuels veulent entretenir, ne serait-ce que par respect pour l’important tissu de bénévoles qui œuvrent au club chaque semaine. "Il n’y a pas de passe-droit ici, on vient par amour du club et des gens qui l’entourent. Tant pis si ça nous ferme des portes pour des bons joueurs", conclut le président. Peut-être un exemple à méditer pour d’autres clubs.
Aurélien Renault
Le nouveau logo du SRAC.
Au SRAC, la modernisation est en cours
À Saint-Romain, l’ancien président Emmanuel Leroux s’est longtemps "appuyé sur ses bénévoles". "Le SRAC, c’était 90% d’autofinancement", lâche-t-il. Une donne qui a changé puisque l’équipe dirigeante a développé davantage l’enveloppe sponsoring. "On serait mieux armé aujourd’hui pour le R2", estime Benjamin Blancard, l’actuel président. "Tout le monde a mis le curseur un peu plus haut, les parents ont quasiment tous un travail, il suffit parfois juste de demander".
Parmi les projets du SRAC, le logo est en cours d’évolution. "On nous charriait beaucoup sur le précédent avec la fontaine que beaucoup prenaient davantage pour une chicha", sourit Benjamin Blancard. Des nouveautés sont aussi attendues pour le confort de tous. "On veut que tous les joueurs et les coaches soient équipés de survêtements". Enfin, parmi les nombreux hommages mis en place pour Jonathan Guérin, l’actuel terrain d’honneur du Stade Renault-Leberquier devrait bientôt être renommé du nom du défunt capitaine, lequel sera alors à jamais associé au SRAC.