Steve Mandanda, le sage
Le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres. Loin d’être assuré d’une place au Qatar, l’expérimenté gardien du Stade Rennais Steve Mandanda vit une troisième Coupe du Monde (après celle de 2010 et de 2018, il était sur le flanc en 2014) à la suite du forfait de Mike Maignan (AC Milan), touché à un mollet. En gardant les cages , mercredi, contre la Tunisie, l'ex-Havrais est même devenu le joueur le plus âgé à porter le maillot de l'équipe de France, à 37 ans et 247 jours. À Évreux où il a fait toutes ses classes, c’est toujours une fierté de voir ce portier hors norme être sollicité sur la scène internationale. "Il a toujours été formidable", souligne Philippe Leclerc, son tout premier entraîneur à l’ALM* (Amicale laïque de la Madeleine). "À la base, Steve faisait de la boxe. C’est une histoire que je raconte très souvent mais un jour où il était venu courir sur le terrain avec d’autres gars, il s’est arrêté devant ma séance avec mes gardiens. Je l’ai vu en train de nous regarder donc je lui ai dit : « Dis donc, tu as l’air intéressé ». Il m’a répondu : « Oui, je veux faire du foot et je veux être gardien de but ». C’est un truc tout bête".
D’une paire de gants à une autre, voilà la formidable carrière de l’aîné de la fratrie Mandanda lancée (Steve a trois petits frères, tous gardiens : Parfait, Riffi et Over). Pouvait-on savoir dès la fin des années 1990, que l’ex-Marseillais accomplirait la carrière qu’il mène chez les professionnels depuis 2004 ? Évidemment non, même si le natif de Kinshasa au Congo (il est arrivé à Evreux avec sa famille à l’âge de 2 ans) possédait déjà de sérieuses prédispositions. "On sentait qu’à 9 ans, il avait déjà des gestes, des aptitudes", détaille Philippe Leclerc. "Je me disais que ce garçon, si on lui donnait les bons conseils, qu’on l’accompagnait et qu’il mettait ce qu’il fallait, ça pouvait faire quelque chose de bien". Toujours mature, Steve Mandanda a été un vrai modèle du côté du club ébroïcien jusqu’à son départ au centre de formation du HAC, à 15 ans. "Ça a toujours été un garçon posé, qui n’était jamais dans les mauvais coups", vient conclure son ex-entraîneur spécifique, fier comme tout de son ancien apprenti. "Sa carrière a été phénoménale. Depuis qu’il a démarré le football on n’a jamais entendu parler de Steve en mal".
*En 2009, ALM Evreux et Evreux AC ont fusionné pour former l’EFC 27.
Ousmane Dembélé, l’ovni
Le Barcelonais Ousmane Dembélé (25 ans) dispose pour sa part d’un tout autre profil. Feu follet aux aptitudes techniques exceptionnelles, le natif de Vernon qui a fait ses classes à l’ALM puis à l’EFC est avant tout un talent brut. Actuel entraîneur de l’équipe première en N2, Romaric Bultel l’a côtoyé de très près chez les U14 où il était alors surclassé. "Il appartient à la génération 96, celle des Aloïs Confais (HAC) et Samuel Grandsir (Los Angeles Galaxy)", expose le technicien. "Il était tellement au-dessus qu’on a dû le surclasser". Au cas où vous vous le demanderiez, oui, celui qui fait aujourd’hui le bonheur du Barça et de l’équipe de France était déjà impressionnant. "C’est une pépite, un terme que j’ai très peu utilisé dans ma vie", poursuit Romaric Bultel. "Ce qu’il faisait techniquement avec son petit corps tout maigrichon face à des gars qui avaient deux ans de plus de lui, c’était fort. C’est simple, moi, je n’ai jamais vu un gamin aussi bon".
Doué techniquement, ambidextre, détenteur "de mains à la place des pieds", Ousmane Dembélé était déjà au-devant d’une carrière prometteuse. Celui qui pouvait débloquer n’importe quelle situation était avant tout un "amoureux du ballon", qu’il "tâtait" tout le temps, même hors séances "juste par passion". Contrairement au cas Steve Mandanda, les éducateurs ébroïciens étaient prêts à parier que le blagueur Dembélé ferait une belle carrière professionnelle. "Lui, on sentait qu’il allait bien plus vite que les autres et ce qu’il fait aujourd’hui ne me surprend pas", abonde Philippe Leclerc. Si sa carrière a souvent été freinée par des blessures, le Vernonnais est en pleine possession de ses moyens durant ce Mondial. Outre sa technique, le champion du Monde 2018 apporte sa bonne humeur aux Bleus. "Il a toujours été chambreur, dans un bon esprit, toujours la bonne répartie, c’était véritablement quelqu’un d’attachant", détaille Romaric Bultel. Mais le "petit comique de service" ne fait pas rire les défenses adverses au Qatar.
Dayot Upamecano, le discret
Aux antipodes du facétieux Ousmane Dembélé, on retrouve le très discret Dayot Upamecano (24 ans). Le défenseur du Bayern Munich est la dernière pépite ébroïcienne à avoir rejoint les Bleus et lui aussi est passé parmi les équipes de Romaric Bultel. "Je l’ai entraîné de la catégorie U12 à U15 avant qu’il ne parte à Valenciennes", se remémore le coach. "Lui aussi était attachant même s’il a toujours été très introverti". Décrit comme une véritable armoire à glace "dont on n’entend presque jamais le son de la voix", celui qui est passé par la filière Red Bull (Salzbourg, Leipzig) a toujours eu des prédispositions athlétiques mais rien ne laissait présager qu’il participerait dix ans plus tard à une Coupe du Monde. "On ne pensait pas qu’il irait dans une structure pro mais il était bosseur, il a toujours été très à l’écoute et c’est vraiment ce qui a fait sa force. Il a su passer un cap sur le foot à 11 et bien exploiter son gabarit".
"Il a toujours été posé, comme Steve, davantage en retrait contrairement à Ousmane qui aimait se mettre sur le devant de la scène", ajoute Philippe Leclerc. "Mais tous les trois étaient des gamins adorables que je n’ai jamais eu à punir (rires)". Voir Dayot Upamecano et ses deux partenaires chez les Bleus au Qatar "est une fierté pour la ville d’Évreux". "Moi, quand j’y pense, j’en ai les larmes aux yeux", poursuit l’ex-gardien. Pour revenir au cas « Upa » comme le surnomme Romaric Bultel, ses premiers pas en équipe de France n’ont pas toujours dégagé une assurance comparable à celle qu’il affiche en club. "Le voir partir si haut si vite, je ne le pensais pas mais c’est une vraie éponge, il absorbe tout. C’est peut-être quelqu’un qui se met énormément de pression en équipe de France, il faut qu’il se libère". Visiblement, à la vue de ses prestations depuis le début de la Coupe du Monde, le Munichois - qui a gagné ses galons de titulaire à la suite de la blessure de Presnel Kimpembé - a entendu le message.