Depuis le début de saison, l’Entente Saint-Sauveur Rondehaye est sur son petit nuage. Invaincu sur la fin de l’année 2021, l’ESSR, comme on le surnomme, nage dans le bonheur avec ses deux équipes seniors. En D1, la « première » est actuellement deuxième de son championnat un point derrière le leader du Nord-Cotentin, Querqueville. "On les a battus à domicile début avril (2-1)", tient à préciser le président Mickael Calenge à l’autre bout du fil. De son côté, la réserve brille aussi. Elle est deuxième en D4 avec une seule défaite à son compteur. Avec deux accessions directes par groupe et respectivement 12 et cinq longueurs d'avance sur le plus proche poursuivant, la double montée en R3 et en D3 n'est plus qu'à un pas. "On a notre destin entre nos mains", confesse un président heureux qui ne fait aucun mystère de ses ambitions. En accédant à une division de ligue, le club manchois atteindrait, par ailleurs, le plus haut niveau de son histoire.
Mickael Calenge a chaussé ses premiers crampons sur la pelouse de Saint-Sauveur. Parti vers d’autres cieux pour des raisons professionnelles, l’enfant du pays est revenu à ses premiers amours et a toujours gardé la même passion du ballon rond. En septembre 2020, il a pris la suite de William Lelièvre à la tête de cette association qui compte plus de 200 licenciés. Pour une commune de 350 habitants, le ratio a de quoi faire sourire. Le club ne bénéficie pas d’infrastructures de rêve - un terrain d’honneur et un annexe - mais des hommes qui ont le cœur sur la main "et un super club house", sourit Mickael Calenge. Son arrivée a changé la donne en pleine crise de la Covid-19. Il a commencé par baisser le coût des licences de 20% pour chaque catégorie. "Le club allait bien mais je voulais apporter une nouvelle dynamique. Il fallait remettre des choses dans l’ordre, élire un nouveau bureau… Il n’était pas question de voir ce club couler".
Rien de révolutionnaire, simplement la volonté d’insuffler un nouvel élan en continuant de valoriser le bénévolat tout en impliquant les seniors. A Saint-Sauveur comme ailleurs, notamment dans les structures amateurs, il est de plus en plus difficile de fidéliser des bénévoles. "Ils ne courent pas les rues. On a des éducateurs et des bénévoles en or. Certains sont là du matin au soir et ne profitent même pas de leur famille". C’est le cas de Bertrand Joret et Jean-Pierre Pescia dit « Popof ». Investis depuis 20 ans, ils sont tous les deux devenus des emblèmes de l’école de foot manchoise. Le président pense également à David Colette, « Coco » pour les habitués, le coach-adjoint de l’équipe première, ou encore Pascal Delaunay dit « Calou », l’homme de l’ombre. "Il fait beaucoup de tâches ménagères. Il se charge de préparer le vestiaire, les maillots, les boissons. C’est extraordinaire de pouvoir compter sur des gens comme ça".
Une parodie du Canal Football Club sur les réseaux sociaux
Des « petites mains » qui ont permis à l’ESSR de vivre cette saison un premier parcours en Coupe de France. Bien sûr, on ne parle pas d’épopée comme pour le voisin avranchinais mais pour la première fois, les « Rouge et Noir » ont atteint le quatrième tour. Après avoir créé l’exploit face à la R2 de Mortagne-au-Perche (3-0), ils sont ensuite sortis sous les honneurs par Argentan (R1), formation évoluant trois niveaux au-dessus (défaite 2-0). "On n’a pas été ridicules. On avait délocalisé le match à Coutances car notre terrain n’était pas homologué. C’était une superbe ambiance avec environ 200 spectateurs". Avec, en plus, le luxe de conserver un jeu de maillots en souvenir.
Du baby-foot aux seniors en passant par les féminines, l’Entente Saint-Sauveur Rondehaye présente des équipes dans toutes les catégories. Pour franchir un cap, le club du président Mickael Calenge s’est attiré les services d’un certain Kévin Lebrun. Toujours actif sur le rectangle vert (il est notamment passé par Coutances et Avranches en DH et en U19 National), le footballeur apporte son expérience au service du groupe. Entraîneur-joueur depuis septembre, Kévin Lebrun fait entrer l’ESSR dans une nouvelle ère. "C’est un joueur de qualité qui nous apporte sa technique et son savoir-faire pour aller plus haut", expose le président. Si le club manchois tient à son équipe fanion, il mise aussi beaucoup sur la formation (150 jeunes sur 215 licenciés au total). Son objectif à court terme : obtenir le label école de foot. A son arrivée, le président s’est donné trois ans pour y parvenir. "C’est un gros dossier à remplir qui prend du temps mais c’est important pour nous".
Pour accentuer son accompagnement sur la formation, le club a embauché "un éducateur en BPJEPS* pour être présent les week-ends et accompagner les dirigeants". Une manière aussi de faire grandir la structure qui depuis 20 ans n’avait pas connu de grands bouleversements. Sous l’impulsion de son jeune président (32 ans), l’ESSR a également trouvé sa place en matière de communication. Un secteur vidéo a vu le jour sous la houlette de Jean-Philippe Robert avec notamment une parodie de l’émission Canal Football Club. Elle a été rebatisée le « Banal football club ». Un peu d’humour et d’autodérision pour faire parler sur les réseaux sociaux. Voilà un exemple d'association qui ne manque pas d’idées.
*Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport.
La troisième mi-temps à la boulangerie du coin
A Saint-Sauveur, la troisième mi-temps est une religion. Parmi les meilleurs souvenirs de Mickael Calenge, président actuel et aussi ancien joueur de l’ESSR, ces petits-déjeuners chez Roland Doraphé, l’un de ses prédécesseurs emblématiques à la tête du club et boulanger du village. Quand l’après-match durait un peu, "on venait embêter Roland à quatre heures du matin", sourit-il. "On prenait notre petit digestif et notre croissant en passant par l’arrière de la boulangerie" située à 800 mètres du stade. Des moments de vie qui marquent, pour toujours.