C'est avec un nouveau propriétaire, Blue Crow Sports Group ayant succédé à Vincent Volpe, mais une équipe dirigeante et technique identique (le président Jean-Michel Roussier, le directeur sportif Mathieu Bodmer, l'entraîneur Didier Digard) que le HAC s'apprête à entamer sa troisième saison consécutive en Ligue 1. Avec des moyens financiers toujours aussi limités, encore accentués par la crise des droits TV qui frappe le football français, le club doyen tentera de rééditer la performance de renouveler son bail en première division. Avant le coup d'envoi du championnat, samedi, avec ce déplacement à Monaco, nous consacrons une série d'articles aux « Ciel et Marine ». Troisième volet où nous avons recueilli l'avis des supporters havrais sur le rachat de leur club.
Multipropriété. Ce terme fait froid dans le dos à tous les supporters français. Les amoureux du HAC n’échappent pas à cette règle. Alors quand le nom de Blue Crow, déjà propriétaire du CD Leganés, en Espagne, et de Cancun FC, au Mexique, est sorti du chapeau de Vincent Volpe comme futur repreneur, leur sang « Ciel et Marine » n’a fait qu’un tour. "La multipropriété, ce n’est vraiment pas notre came", pose d’emblée Florian Hedouin, dit Floque, qui a accueilli la nouvelle avec fatalisme. "Tu as beau de ne pas être d’accord avec cette notion, à un moment, tu as la réalité économique qui te rattrape". Sentiment partagé par son collègue de la Fédération des supporters, Yann Simon : "On est mis devant le fait accompli. Et de toute façon, on n’est pas là pour s’opposer à une vente". Une vente qui paraissait vitale pour l’avenir du club doyen, indispensable pour franchir l'obstacle de la DNCG.
Car si le HAC a été cédé à ce groupe américain, c’est avant tout parce que son ancien actionnaire majoritaire ne pouvait ou ne voulait plus combler les pertes chaque année ; 13 M€ rien que pour l’exercice 2023-2024 ! "Blue Crow a mis l’argent pour effacer la dette(1), c’est déjà une bonne chose", se rassure Gilles Dumesnil, fan havrais expatrié en Lorraine, bien que sur ce point, Yann Simon serait preneur de quelques éclaircissements. S’il a montré un certain scepticisme de prime abord par rapport à ce rachat, le peuple « Ciel et Marine » a été un peu tranquillisé par sa première rencontre avec l’équipe de Jeff Luhnow, début juillet. "Les propriétaires affichent des intentions plutôt saines", souligne Yann Simon. "Maintenant, on attend de juger sur pièces". La prudence est également de rigueur dans les propos de Floque : "Il faut que leurs actes rejoignent leurs paroles".
"On ne touche pas au nom, aux couleurs et au logo du club"
Yann Simon
En défenseur de l’institution havraise, la Fédération des supporters a prévenu Blue Crow qu’il y avait certaines lignes, rouges, à ne pas franchir. "On ne touche pas au nom, aux couleurs et au logo du club. On veillera aussi à la préservation du centre de formation et à notre indépendance sportive". Pour les fans « Ciel et Marine », hors de question que « leur » HAC devienne le vassal d’une autre structure, un laboratoire à trading pour de jeunes joueurs qui n’aspire qu’à retourner à la maison mère ou la cinquième roue d’un carrosse dont les dirigeants ne daignent s’occuper que quand ils se sont déjà chargés de tout le reste. "Les responsables de Blue Crow nous ont expliqué que ça ne faisait pas partie de leurs principes", témoigne Yann Simon. "Leurs entités sont relativement indépendantes", enchaîne Floque. "Ils mettent à disposition des outils mais le management demeure en interne. A ce jour, ils n’ont pas prévu de grosses passerelles entre leurs clubs".
Un modèle aux antipodes de celui de Strasbourg avec Chelsea
A ce sujet, Gilles Dumesnil nourrit tout de même de sérieux doutes. "Si Blue Crow réussit à faire remonter Leganés et à consolider sa place en Liga, pourquoi il porterait ses efforts sur un championnat de deuxième division européenne (la Ligue 1), qui économiquement ne rapporte rien ?", s’interroge-t-il, en référence, notamment, à la crise des droits TV qui frappe le football français. "Quand il faudra procéder à un choix, naturellement, on sait où se dirigera son attention… Il suffit de prendre l’exemple de Nice avec Ineos et Manchester(2)". En attendant, cette vente n’a pas bouleversé le quotidien du HAC, en tout cas pas sur le plan financier ; Mathieu Bodmer devant toujours composer avec aussi peu de moyens pour faire son marché. "Depuis le départ, on est au courant que ça ne va pas envoyer des billets à la strasbourgeoise", lance Gilles Dumesnil à qui il n’a pas échappé que le Racing, qui a des actionnaires identiques à ceux des Anglais de Chelsea, a investi une centaine de millions d’euros dans son mercato ! "Mais je ne suis pas sûr que Blue Crow s’interdise de réaliser des transferts payants", nuance Floque. "Par contre, on ne tablera pas sur des sommes à huit chiffres".
"A la prochaine vente, est-ce que Blue Crow optera pour l'intérêt du club ou ira-t-il au plus offrant ?"
Floque
Si le maintien à leur poste du président Jean-Michel Roussier et du directeur sportif Mathieu Bodmer - "qui ont ressuscité le club", dixit Yann Simon - procure actuellement un minimum de garanties aux supporters, quid dans un avenir à plus ou moins long terme. "Sur qui on tombera le jour où ils partiront ? Ils ne sont pas éternellement liés au HAC. Et à la prochaine vente, est-ce que Blue Crow optera pour l’intérêt du club ou ira-t-il au plus offrant ?", se questionne Floque. "Ce n’est pas une association philanthropique. Je ne connais pas un fonds d’investissement qui vient pour perdre du fric", apporte comme début de réponse Gilles Dumesnil. "Il faudra bien qu’à un moment, d’une manière ou d’une autre, le club rapporte de l’argent. Mais comment tu génères des bénéfices sans amorcer la pompe ?" Sous-entendu sans investir un minimum pour renforcer l’effectif.
"On sera attentif aux investissements dans les prochains mois", prévient Yann Simon. "Qu’est-ce qui se passera si un jour, on vend un joueur 20 M€ comme Leganés cet été (Yan Diomandé aux Allemands du RB Leipzig) ? Où ira l’argent ? Intégralement au HAC ou une partie sera-t-elle reversée aux actionnaires de Blue Crow ?" En attendant d’avoir les réponses à toutes ces interrogations, les supporters havrais ont d’autres priorités dans l’immédiat. "Je pense que 99% d’entre nous seront satisfaits si on se maintient puis si on franchit la DNCG chaque saison", avance Gilles Dumesnil. "On ne peut que souhaiter que Blue Crow réussisse. Ça signifiera que le HAC aura performé sportivement". Un raisonnement implacable.
(1)Dans le dernier numéro de notre podcast 100% HAC, Vincent Volpe a précisé qu’il avait aussi "exonéré, à titre personnel, beaucoup de dettes", concernant le HAC.
(2)Tous les deux la propriété du groupe Ineos, Manchester United et l’OGC Nice connaissent deux mercatos radicalement différents. Si les « Red Devils » ont déjà investi 230 M€ sur le marché des joueurs (et ce n’est fini), les Aiglons affichent une balance des transferts positives d’environ 30 M€. Toutefois, difficile de comparer les deux situations tant le football anglais génère beaucoup plus de sources de recettes (droits TV domestiques et internationaux, matchs, merchandising…) que son homologue français.
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