Fin juin, à la veille de la reprise de l'entraînement, votre président Michel Mallet a évoqué chez nos confrères de Paris-Normandie un objectif ambitieux pour QRM : finir dans le premier tiers du classement. Votre équipe a-t-elle, aujourd'hui, les moyens d'assouvir cette ambition ?
"Le président nous a aussi garanti que l'effectif qu'on aura dans un mois (à la fin du mercato) ne sera pas le même qu'aujourd'hui, à la fin de préparation. Cet objectif annoncé, il faut l'envisager à long terme dans la saison, il ne faut pas se focaliser dessus. Nous, on se concentre pour réaliser le meilleur début de saison possible. Sachant qu’on a une entame qui n'est pas facile puisque sur les quatre premiers matchs, on a quand même Caen et Ajaccio(1) à domicile, un déplacement à Paris 13 qui est toujours périlleux et on se rend aussi à Villefranche. Maintenant, il est clair que sur le papier, pour atteindre cet objectif de finir dans le premier tiers, il va falloir se renforcer".
(1)Maintenu sportivement en Ligue 2, mais rétrogradé administrativement par la DNCG en National en raison de sa situation financière, l'AC Ajaccio n'a toujours pas présenté les garanties nécessaires à la poursuite de son existence en troisième division.
Alors que vous avez lutté pour votre maintien jusqu’au bout la saison dernière, cet objectif ne paraît-il pas démesuré ?
"On a joué le maintien jusqu'à la dernière journée, mais au bout du compte, les points, on les avait après la victoire contre le FC Rouen (J30. 2-1), ça nous suffisait. Par contre, quand on regarde, et je l'avais déjà mentionné, sur les 11 derniers matchs de championnat, donc après la défaite contre Le Mans (J23. 2-1), on est quatrième ! Je ne parle même pas des cinq dernières journées, où là, on est troisième. Après la défaite au Mans, on savait qu'on jouait le maintien et rien d'autre, et on s'est focalisé là-dessus. Les chiffres montrent que les joueurs ont bien répondu et ont vécu quelque chose d'important ensemble. Quand vous terminez quatrième sur les 11 derniers matchs, vous vous dites qu’en renforçant un peu cet effectif, peut-être qu'on peut terminer dans le premier tiers. Maintenant, il y a la conjoncture économique. Aujourd'hui, ce sont les finances qui dirigent le sportif. Et par rapport à ça, on ne peut que s’adapter".
"La saison dernière, sur les 11 derniers matchs, on est quatrième (...) Vous vous dites qu'en renforçant un peu cet effectif..."
Quels enseignements avez-vous tiré justement de l'exercice précédent, votre premier en tant que coach d’un club « pro » ?
"S'il y avait un regret par rapport à cette saison, ce serait peut-être ne pas avoir vu que l'équipe avait manqué de ressources au mois de janvier. Peut-être qu'à ce moment-là, on aurait dû insister pour avoir des doublons, notamment aux postes de pistons, parce que le gros trou d'air qu'on a eu en janvier-février, où on ne prend que deux points en six matchs, c'est après la suspension de Kapo Sylva. Le National, c’est un championnat long, qui nécessite d'avoir un effectif doublé. Notamment, lorsque vous jouez avec des pistons, un poste assez énergivore. Peut-être qu’à cette période, on a loupé une étape en ignorant certains voyants, en se disant que ça allait passer, alors qu'on aurait dû se renforcer. Surtout que ça nous arrive le 7 février, une semaine après la fin du mercato. Et Kapo Sylva prend dix matchs de suspension(2)".
(2)Après avoir expulsé face à Bourg-en-Bresse (J20) pour s'être accroché avec un adversaire, Kapo Sylva a écopé de six matchs de suspension ; une sanction à laquelle se sont ajoutés quatre autres matchs pour avoir parié, ce qui est formellement interdit pour un joueur professionnelle.
Si on vous compare à votre voisin du FC Rouen, Quevilly-Rouen vit dans un certain anonymat. Est-ce que cela ne constitue pas un frein à la performance ?
"Il y a des choses qui sont plutôt positives dans cette situation. Mais d’un autre côté, c'est vrai que cette ferveur vous manque par rapport à l'équipe. Avoir disputé par exemple le derby retour contre le FC Rouen comme si c'était « à l’extérieur » alors qu'on était à domicile a révolté mes joueurs dans la préparation du match. Après, ce qui paraît comme un obstacle, il faut le transformer en une source de motivation supplémentaire. Il est évident qu'on n'aura jamais la ferveur du FC Rouen. C'est sûr que ça impacte certaines performances. Jouer à domicile pour nous, ce n’est pas forcément la même chose que pour d'autres clubs. On le sait, on l’a touché du doigt et pour motiver les joueurs sur la durée, il faut trouver d'autres alternatives. Il y a le sens de la responsabilité des joueurs. Et je pense que dans ce domaine, on n'a pas failli. Après, les gens qui nous supportent, ils sont fidèles, ils sont là tous les jours. On les connaît, ils sont joyeux. On leur dit bonjour tous les jours, parfois, je reste un peu plus de temps avec eux pour discuter".
Avec les départs d’Isaac Tshipamba (sept buts, une passe décisive), de Belkacem Dali-Amar (six buts, six passes décisives) et dernièrement de Yassin Fortuné (cinq buts, deux passes décisives), trois joueurs qui pesaient près de 60 % de vos buts marqués la saison dernière, votre attaque est complètement à reconstruire...
"Durant la prépa, l'animation offensive a été un problème un peu récurrent pour déséquilibreR l'adversaire et être bon dans la finition"
"C'est clair. En plus, pour débuter le championnat, Yankuba Jarju est encore suspendu trois matchs (sur un total de sept qu'il avait écopé). Et puis par rapport aux restrictions budgétaires qui touchent le club, il fait partie des joueurs qui pourraient partir. Si on prend en compte le temps de jeu, il arrivait plutôt en troisième position dans la hiérarchie de nos attaquants, derrière Yassin Fortuné et Isaac Tshipamba. Noah Adekalom était quatrième. Belkacem Dali-Amar, lui, jouait n° 10. Si Yankuba Jarju est là, on va compter sur lui. De toute façon, aujourd'hui, on a peu de monde dans ce domaine. Durant nos matchs de préparation, l’animation offensive a été un problème un peu récurrent. Pas forcément dans le fait de se créer des occasions, mais plus pour déséquilibrer l'adversaire dans le dernier tiers du terrain et être bon dans la finition. On cherche des solutions. Avec mon adjoint Grégory Scaffa, la saison passée, tous les week-ends, on était à Lozai pour observer les équipes de jeunes (U17-U19) et la réserve (R1). D'ailleurs, on a fait monter dix jeunes au début de la prépa. Il en reste sept actuellement. Dedans, il y a l'attaquant des moins de 17 ans, Warren Cédille. Il n'a que 16 ans, il fêtera ses 17 ans le mois prochain. Il a fait quatre matchs de prépa avec nous, alors qu’il n’a jamais joué avec les moins de 19 ans. Le gap est énorme, mais aujourd’hui, sur le papier, c’est notre troisième attaquant, peut-être même le deuxième".
Est-ce qu’au niveau du mercato, vous vous attendez à une fin aussi mouvementée que l’an dernier, où quatre joueurs étaient partis la dernière semaine d’août ?
"Oui, parce que le président m’y a préparé. Il y a toujours un côté frustrant pour l’entraîneur, je ne parle pas forcément de moi, mais en général. L’année dernière, il y a eu 18 arrivées sur 21 joueurs. C'était énorme. Il restait Kayne Bonnevie, Nadjib Cissé et Théo Pionnier de la saison précédente. Là, en défense, on perd Nadjib Cissé et Ahmed Soihili. Ce dernier est remplacé par Yasser Baldé. Par rapport au caractère (dans le sens leadership), il le remplace de manière positive. Et puis, encore une fois notre attaque… Quand vous mettez un projet de jeu en place avec des principes bien définis, et que vous vous dites que vous partez avec tant de recrues la première année, après il suffira d'un ou deux réajustements. Aujourd'hui, ce n’est pas propre à QRM, c’est notre métier et cette division-là où le championnat et les effectifs sont illisibles, même au cours d'une saison. Le Mans a montré l'année dernière que la stabilité était la recette de la réussite. Il avait cette stabilité et ça a fini par payer".
David Carré n'a pas d'alternative, il va devoir intégrer des jeunes
Du haut de ses 16 ans, Warren Cédille est le deuxième attaquant disponible dans l'effectif de David Carré. ©Raphaël Forgues / QRM
À l'image de Warren Cédille qui, à 16 ans, est avec Noah Adekalom le seul attaquant "de métier" disponible pour la première journée de championnat, David Carré va devoir faire de la place aux jeunes en ce début de saison. Alors qu'il en avait convoqué une dizaine à la reprise de l'entraînement le 1er juillet, le technicien en comptait encore sept dans son groupe ces derniers jours. "Affirmer aujourd’hui « ce jeune est prêt », je ne peux pas le faire. On ne peut pas demander à un gamin qui vient de R1, ou des U19 d’être tout de suite opérationnel pour jouer National 1. L'année dernière, quand on était en manque d’effectif, il y a des garçons qui s'entraînaient régulièrement avec nous et qui sont entrés en championnat. Ruben Rosa en début de saison, puis Sékou Traoré sur le dernier match qui a joué un quart d’heure. Il est clair que cette année, ça ne va pas se limiter à un quart d'heure".
Alors que son effectif est encore loin d'afficher complet, l'ex-formateur à l'AJ Auxerre n'a pas d'autres choix que de les intégrer rapidement. "Cette saison, ils vont pouvoir montrer ce qu'ils savent faire. Ça va venir naturellement. Souvent, les meilleurs jeunes donnent tout sur la prépa et après, ils s’essoufflent. Et ensuite, on dit qu'ils ne sont pas prêts. Non, il faut qu'ils digèrent tout ça". Idem pour les recrues qui arrivent de divisions inférieures et qui vont devoir se mettre au niveau très rapidement. "Ibrahima Samoura montre qu'il peut tenir une heure sur les matchs amicaux, mais après, c'est plus difficile pour lui. Les jeunes, le problème n’est pas forcément sur la partie course ou agressivité, c'est plus la technique. On parle d'émotions aussi. Ce n'est pas facile d’entrer en jeu à ce niveau".
"Entre la R1 et la N1, vous avez presque 160 clubs, environ 4 000 joueurs qui, sur le papier, sont plus forts que vous"
Le passé d'éducateur de David Carré facilite l'intégration des jeunes générations au sein de son groupe. "C'est une partie que j'aime bien, j'ai cette vocation. Les joueurs le savent, s’ils sont bons, ils jouent. Quand je suis arrivé à QRM, Kayne Bonnevie devait partir. Après quelques semaines d'entraînement, je m'y suis opposé. J’ai vu rapidement ses qualités". Le gardien est désormais titulaire dans les cages. Mais le coach souligne le gap très important pour des joueurs qui arrivent de la réserve, soit trois divisions en dessous. "Entre la R1 et la N1, vous avez presque 160 clubs. Ça veut dire environ 4 000 joueurs qui, sur le papier, sont plus forts que vous. Il faut avoir confiance dans leurs progrès. Il suffit de bien entrer une fois 20 minutes, pour qu’ils prennent confiance. On a l’objectif de les faire progresser, pas pour leur faire plaisir, mais parce qu'on a besoin qu’ils soient performants". Et si possible très vite.
Le mercato de Quevilly-Rouen Métropole
- Arrivées : Youssouf Kanouté (AS Beauvais-Oise, N2), Medhi Moujetsky (FC Bourgoin-Jallieu, N3), Ibrahima Samoura (CMS Oissel, N3), Yasser Baldé (Raja Casablanca, MAR), Jérémy Mounsesse (Olympique Lyonnais « B », N3)
- Départs : Nadjib Cissé (Girondins de Bordeaux, N2), Alane Bedfian (Gazélec Ajaccio, N3), Isaac Tshipamba (NK Maribor, Slovénie), Beres Owusu (AS Saint-Etienne, L2, rp), Belkacem Dali-Amar (SM Caen, N1), Nohim Chibani (Aubagne FC, N1, p), Yassin Fortuné (FC Vizela, Portugal, D2), Ahmed Soilihi (SC Toulon, N2), Benjamin Capron-Littique
L'effectif de QRM :
- Gardiens : Pierre Patron, Kayne Bonnevie, Eliot Boudet
- Défenseurs : Yanis Dédé-Lhomme, Théo Pionnier, Namakoro Diallo, Youssouf Kanouté, Yasser Baldé, Jason Tré, Jérémy Mounsesse
- Milieux : Tony Njiké, Kapo Sylva, Noah Vandenbosshe, Jordan Leborgne, Natanaël Bouekou, Lény Pirringuel, Ibrahima Samoura, Medhi Moujetsky
- Attaquants : Noah Adekalom, Yankuba Jarku