Cela n'est presque plus original, mais Inès Brahmia Erhel, originaire de région parisienne, a découvert le football aux côtés de son papa, Frédéric, à l'âge de six ans. "Quand il faisait beau, on allait au city avec les gars de ma cité. Je jouais aussi dans la cour d'école". La jeune femme enregistre sa première licence à Survilliers (Val-d'Oise), avant de déménager, en 2014, à la pointe du Cotentin, à Cherbourg, ville d'origine de ses parents. "Mon père a cherché les meilleurs clubs du coin", explique-t-elle. Elle se retrouve à pousser les portes du FC Equeurdreville-Hainneville, fier de sa devise : « Plus qu'une équipe, un club ». La footballeuse n'est pas déçue, au contraire.
Elle "kiffe" évoluer avec les garçons, qui deviendront plus tard ses meilleurs amis. Elle prend tellement de plaisir qu'elle reste huit ans au sein des rangs du FCEH, jusqu'à ce que la réglementation l'oblige à évoluer dans des formation 100% féminine. "J'étais un peu la chouchoute de l'équipe. Mes entraîneurs étaient top, dans un club familial. Ce sont mes meilleures années foot". Elle y crée d'ailleurs l'un de ses souvenirs le plus marquants au bord des pelouses, lors d'un dernier tournoi à Deauville. "On n'était pas du tout favori. On a perdu en finale contre Bois-Guillaume", rembobine-t-elle. "Les gars m'ont offert un maillot et un stylo en me disant que je pourrais signer des autographes dans mes futurs clubs (rires). J'ai lâché ma larme. J'avais un pincement au cœur de partir".
"J'étais un peu la chouchoute de l'équipe (au FCEH). Ce sont mes meilleures années foot"
Inès Brahmia Erhel
Au moment d'intégrer une section féminine, deux choix s'offrent à elle : le SMC ou le HAC. Elle jette son dévolu sur les « Rouge et Bleu », pour plusieurs raisons. Très attachée à sa famille, la proximité avec la ville de Guillaume le Conquérant a pesé dans la balance. Sportivement, elle avait aussi les idées bien claires. "A Caen, il y avait le projet de faire monter l'équipe U18 en U19 national. Je voulais faire partie de cette aventure. Au HAC, tout était déjà installé". Sans regrets. Dès sa première saison malherbiste, Inès Brahmia Erhel a réussi son pari. Pour la première fois de sa jeune carrière, la milieu de terrain a vécu des barrages d'accession à l'occasion d'une double confrontation accrochée face à Sochaux (victoires 3-2 à l'aller puis 2-1 au retour). "Il y avait tellement de pression et d'émotion. Si je devais choisir mon match préféré entre les deux, je n'y arriverais pas", témoigne-t-elle. "Je n'ai jamais ressenti à nouveau de telles émotions au cours d'un match". Choisir le SMC plutôt que Le Havre relevait aussi d'une stratégie dans son évolution de jeune joueuse. "Je préfère prendre mon temps et ne pas griller d'étapes. Je n'avais pas envie d'aller jouer un match en D1 à 17 ans et que ça soit un flop. Je préfère prendre de l'expérience en D3".
Un bizutage sur du Aya Nakamura
La D3, elle y a goutté pour la première fois cette saison. Pour continuer à la faire grandir, l'entraîneure Chloé Charlot et son staff ont souhaité l'intégrer dans le groupe senior dès la préparation estivale. "On l'avait ciblé comme un potentiel chez les U19 avec Maïwenn Olivier (qui a signé à Lyon à l'été 2024)", évoque Thomas Pouliquen, le préparateur physique. Arrivée dans l'effectif sur la pointe des pieds, il lui a fallu un temps d'adaptation. Les premiers pas ont été difficiles. "Je me suis retrouvée face à des femmes alors que moi, je suis encore une ado", plaisante-t-elle. Confrontée à des joueuses plus grandes, plus expérimentées et plus costauds, Inès Brahmia Erhel a découvert l'exigence du troisième échelon national. "Joueuse aux trois poumons", selon sa coach, la petite nouvelle a dû prendre de l'épaisseur pour résister aux duels physiques. "Je suis endurante. Mais dans l'impact, je n'avais pas les épaules pour concurrencer. Je me faisais bouger". Six mois ont été nécessaires pour que son corps encaisse la charge de travail. Exigeante et assidue, la milieu de terrain a véritablement passé un cap depuis le début de l'année 2025. "Elle encaisse le travail physique qu'on lui demande. C'est une bosseuse", assure Thomas Pouliquen.
"Pour moi, c'est une future cadre, elle est capable de porter le brassard"
Chloé Charlot, sa coach
Balle au pied, Inès Brahmia Erhel a toujours eu un temps d'avance sur sa génération. Repérée pour sa vision du jeu et ses qualités techniques, la jeune Normande a l'avantage d'être polyvalente dans le cœur du jeu. Habituée à évoluer en milieu défensif, juste devant la charnière centrale, elle est aussi utilisée sur les côtés par Chloé Charlot. Un double-rôle qui lui sied. "Je suis un peu plus libre. J'ai le temps de dribbler alors que dans l'axe, il y a beaucoup de densité, on se fait rentrer dedans", analyse-t-elle. Si l'avenir de la section féminine du Stade Malherbe est encore incertaine depuis la relégation des garçons en National, la jeune femme se veut optimiste. Pour l'heure, elle voit son avenir à Caen. "Je veux surtout consolider cette place de titulaire pour un jour, penser à aller plus haut", déclare-t-elle, d'une maturité déconcertante. Six fois titulaire sur les huit dernières rencontres toutes compétitions confondues, elle aspire à grappiller encore de l'expérience, avec le maintien en D3 en ligne de mire.
Il faut dire qu'à 17 ans, Inès Brahmia Erhel n'en est qu'aux prémices de sa carrière. Mais ce qui l'anime, c'est le plaisir de jouer et la beauté du foot. Admirative d'une certaine Alexia Putellas du FC Barcelone, double vainqueur du ballon d'or, on comprend tout de suite le type de joueuse qu'elle souhaite devenir. Hors terrain, la benjamine du groupe caennais n'a pas froid aux yeux. Rien ne semble l'arrêter. Ni même son bizutage de début de saison. Devant ses coéquipières, dont certaines sont deux fois plus âgées qu'elle, l'ex du FC Equeurdreville-Haineville a fait le show lors à l'occasion du déplacement à Auxerre. "Sur une musique d'Aya Nakamura, j'ai fait un spectacle devant tout le monde. J'ai dansé et chanté. Je voulais marquer le coup". Du haut de ses 17 printemps, la milieu de terrain prend du plaisir à animer la galerie. Elle sait aussi se faire discrète quand il le faut. Son atout majeur : son ouverture sur le monde. "Je suis quelqu'un de sociable. Je peux avoir des discussions drôles et sérieuses avec chaque fille de l'équipe". Intégration confirmée par sa propre coach, qui y voit un potentiel à polir dans les mois à venir. "On a l'impression que ça fait dix ans qu'elle est dans le groupe. Pour moi, c'est une future cadre, elle est capable de porter le brassard".
> D3F. J20 - SM Caen (8e - 21 points) / Brest (11e - 19 points), dimanche 11 mai à 15 heures au Stade de Venoix - Claude-Mercier.
Léa Quinio