Trois. Le Stade Malherbe a donc réussi la performance de consommer trois entraîneurs différents en l'espace d'une saison, sans que ses résultats s'améliorent. Tout l'inverse. Forcément, une telle instabilité sur le banc interpelle, surtout dans un club réputé, dans une autre vie bien qu'elle ne paraisse pas si lointaine, pour la confiance accordée à ses techniciens. Entre 2005 et 2018, en dépit des aléas sportifs avec deux relégations en Ligue 2 (2009 et 2012), seuls deux hommes, Franck Dumas et Patrice Garande, ont occupé cette fonction. Au regard de son passé de joueur (recordman du nombre d'apparitions sous le maillot « Rouge et Bleu » avec 520 matchs) et de sa reconversion entamée à la formation où il avait fini par diriger le centre, quand Nicolas Seube est promu aux commandes de l'équipe « pro » en novembre 2023, beaucoup l'imaginent accomplir un mandat aussi long. Mais comme le répète Kylian Mbappé, le propriétaire du SMC : "Le football, il a changé".
Bien que Fayza Lamari ait suggéré lors de sa récente interview à nos confrères d'Ici Normandie que sa famille soit à l'origine de sa nomination, avant même son arrivée, à partir de l'instant où Coalition Capital, le fonds d'investissement du capitaine des Bleus, prend le contrôle de la structure caennaise, on se doute que l'emblématique n°2 du Stade Malherbe ne terminera pas cet exercice 2024-2025. A peine le nouvel actionnaire principal en place que les premières rumeurs, fondées ou non, se répandent sur les réseaux sociaux. Bien qu'il s'en soit toujours défendu publiquement, le board a eu la volonté de « switcher » de coach dès le début. Mais par peur des réactions de l'environnement normand, et notamment des supporters, l'Etat-major n'a pas été au bout de son idée. Et ce n'est pas le soutien de façade des dirigeants à destination de Nicolas Seube, à l'image des déclarations guère convaincantes du président Ziad Hammoud, qui nous persuadera du contraire.
Malgré une phase aller de piètre qualité sur le plan des résultats, Nicolas Seube possède la moins mauvaise moyenne des points par match des trois entraîneurs caennais cette saison (0,94). ©Damien Deslandes
Altercation entre Gérard Prêcheur et Bruno Baltazar
C'est donc avec cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête que Nicolas Seube traverse ses six derniers mois comme responsable de l'équipe avant que son siège ne devienne éjectable. Cela ne constitue en rien une excuse aux mauvais résultats, mais vous avouerez qu'on a connu climat plus serein pour performer. Bien sûr, compte des déconvenues à la pelle des partenaires de Romain Thomas sur la phase aller (16e et barragiste, à égalité avec le premier relégable, au soir de la 16e journée), l'éviction du jeune technicien caennais s'entend parfaitement, surtout dans un football moderne où la patience est un luxe que peu de personnes ne prennent le temps de s'offrir. Plus que le fond, c'est la forme qui dérange le peuple « Rouge et Bleu » avec un renvoi au cœur de la trêve de Noël, la veille de la reprise de l'entraînement, par un communiqué lapidaire de quatre lignes, alors que la précédente rencontre de championnat remonte à une dizaine de jours auparavant !
Pour les fans malherbistes, le coup de grâce intervient trois heures plus tard quand l'identité de son successeur est révélée. Alors que les composantes dans et autour du club ont besoin d'être rassuré, le board désigne un illustre inconnu (ce qui au demeurant n'est pas un défaut) : Bruno Baltazar, un coach portugais avec un CV suscitant, a minima, la curiosité avec 13 postes différents en 12 ans (!), aucun dans un championnat dit majeur. Si l'ombre de son compatriote Luis Campos, le conseiller stratégique du PSG, plane au-dessus de ce choix selon certaines sources, une chose est acquise, Reda Hammache n'y est pas étranger, lui qui a déjà souhaité faire venir Bruno Baltazar au Red Star quelques mois plus tôt. Le plus curieux dans cette histoire, c'est que l'actuel directeur du recrutement du SMC n'était pas encore officiellement en fonction au moment de la nomination de l'ex-entraîneur des Polonais du Radomiak Radom ; ce qui interroge d'ailleurs sur le début de sa collaboration avec son futur employeur.
Bruno baltazar, un choix de Reda Hammache qui suscite, a minima, la curiosité
Un choix qui n'est pas du goût de tout le monde dans les couloirs « Rouge et Bleu », à commencer par Gérard Prêcheur. Pas spécialement favorable au départ de Nicolas Seube, le directeur technique de l'époque n'apprécie pas de ne pas être associé pleinement à la désignation de son remplaçant. Progressivement, il se sent mis à l'écart des décisions liées au secteur professionnel. Rapidement, entre Gérard Prêcheur et Bruno Baltazar, le ton monte. La semaine suivant le baptême du feu du Lusitanien sur le banc normand, à l'occasion de la réception de Clermont (le 3 janvier), ils en viennent même aux mains ! Une poignée de jours plus tard, l'ancien responsable de l'INF Clairefontaine pliera définitivement bagage. Du coup, difficile d'accorder du crédit à la version livrée par Fayza Lamari, "Il est parti pour raisons personnelles", pour justifier la fin d'aventure prématurée de celui qui s'apparentait à la première « recrue » du clan Mbappé.
Quelques jours avant le départ du directeur technique, début janvier, Gérard Prêcheur et Bruno Baltazar ont eu une altercation assez musclée. ©Damien Deslandes
Quand les cadres du vestiaire soutiennent Bruno Baltazar
Ce départ en précède un autre, à la mi-février, celui de Bruno Baltazar. Son expérience à la tête du Stade Malherbe se révèle catastrophique sur le plan comptable : sept défaites en autant de sorties ; ce qui constitue un record à l'échelle du club caennais. Pourtant, durant son intervention à la radio, Fayza Lamari minimise le poids du passage du Portugais dans la relégation en National. "C'est un faux débat. C'est un bon technicien. En plus, il n'a fait que sept matchs sur les 34". Oui, certes, mais pas n'importe lesquels ni à n'importe quelle période. "Des échéances très importantes nous attendent en janvier contre des concurrents directs pour inverser la tendance". Ce n'est pas nous qui le déclarons, mais le président Ziad Hammoud lors de la présentation de son nouvel entraîneur.
En ne renvoyant pas Bruno Baltazar plus tôt, les dirigeants ont planté le dernier clou dans le cercueil du SMC
Un entraîneur qui aurait pu être congédié bien avant. "On s'est rapidement rendu compte que ce n'était pas l'homme de la situation", reconnaît Fayza Lamari. "On a souhaité le retirer très vite, mais les joueurs ont voulu le garder car ils travaillent plus avec lui". Travailler plus, pourquoi pas, travailler mieux, cela reste à démontrer. Selon nos informations, les cadres du vestiaire ont effectivement été sondés après le revers à Troyes (J21. 3-0, le 1er février), le cinquième de rang en 2025, maintenant leur confiance dans ce coach. Preuve que solliciter l'avis de son groupe pour prendre des décisions aussi vitales comporte parfois des limites. Car en ne renvoyant pas Bruno Baltazar, début février, les dirigeants plantent le dernier clou dans le cercueil du SMC. Quand le board se résout finalement à mettre un terme au contrat du Lusitanien deux semaines plus tard, le mal est trop profondément ancré au sein d'un collectif qui ne décollera plus de la place de lanterne rouge.
"Quand j'ai dit oui, je n'avais pas vu qu'il y avait dix points de retard (sur le barragiste)", confessait Michel Der Zakarian il y a quelques jours à l'heure de dresser le bilan de son passage en Normandie. Malgré une embellie à son arrivée avec quatre unités engrangées en deux journées, l'ex-technicien de Montpellier s'aperçoit très vite que la tâche qui lui incombe s'apparente à une mission impossible. Alors qu'il n'a visiblement jamais été dans les projets des dirigeants caennais de prolonger l'aventure avec lui au-delà de cette saison ; "Il n'était là que pour une mission sauvetage", dixit Fayza Lamari, un nouvel entraîneur, maîtrisant le National, sera donc officialisé dans les prochains jours. Deux noms circulent, au profil radicalement opposé : Maxime d'Ornano, l'ancien coach du FCR, et son successeur chez le voisin rouennais, Régis Brouard, ancien milieu de terrain de la maison « Rouge et Bleu » dans les années 1990 (1997-1999). Quelle que soit l'identité de l'heureux élu, cette décision s'avère capitale pour l'avenir du Stade Malherbe. Car il est question de la reconstruction du club normand. Tout sauf une mince affaire.