Petit Poucet normand de la Coupe de France, le Bayeux FC (R1) accueillera Blois, pensionnaire de N2, dans un Stade Henry-Jeanne qui s'annonce, une nouvelle fois, à guichets fermés (environ 2 500 spectateurs). Avant ce grand rendez-vous, samedi (15 H 30), la rédaction de Foot Normand consacre une semaine spéciale au club du Bessin et à son épopée dans cette « Vieille Dame ». Premier volet de cette série avec un retour sur le parcours lors de la saison 2000-2001 ; des des « Jaune et Bleu » qui avaient également atteint les 32e de finale.
« MAGISTRAL ! » Voici le titre des pages sport de « La Renaissance du Bessin », le « canard » local. Nous sommes le 19 décembre 2000. Trois jours plus tôt, le BFC, né d'une fusion en 1998 entre la SL Bayeux, l'AS Bayeux et le FC Rives de l'Aure, avait accompli l'immense exploit d'éliminer le Stade Brestois, tout juste relégué de Ligue 2. Sur une « pelouse en mauvais état », comme le rapporte l'article de presse de nos confrères, et devant 1 300 spectateurs, les hommes de Christophe Point, entraîneur-joueur, s'étaient imposés 2-1 pour s'offrir une qualification en 32e de finale ; une première dans le Bessin. "Il y a tellement de parallèles à faire avec la génération actuelle", souligne Samuel Tesson, latéral droit des « Jaune et Bleu » lors de la saison 2000-2001. "Elle a battu le Stade Malherbe, club professionnel qui se trouve dans la même situation que Brest à l'époque. Comme nous, c'est une bande de potes qui se connaît sur le terrain et en dehors". Son coéquipier, Christophe Vingtrois renchérit : "Tous les samedis soir, on sortait ensemble avec nos femmes. Aujourd'hui, c'est pareil. Les proches des joueurs se connaissent. C'est une famille. Avoir un groupe soudé peut vous emmener loin".
Ce que les principaux protagonistes retiennent, ce sont les émotions procurées par cette compétition à élimination directe. Ce n'est pas Gérald Moreau qui affirmera le contraire. "Ce sont les meilleurs souvenirs pour un joueur amateur", rembobine le troisième larron de la bande interrogé, qui garde en mémoire deux grands moments dans sa carrière : le 7e tour contre Guingamp avec Courseulles-sur-Mer, dans un scénario dingue*, et l'épopée en 2001 avec le BFC. "On avait rempli le Stade Henry-Jeanne, tous les spectateurs étaient sous la flotte pendant 90 minutes. C'est la magie de la Coupe de France. On se transcende pour le public et les bénévoles qui donnent beaucoup. Ça mobilise aussi des frères et sœurs qui ne viennent jamais au stade habituellement". En se replongeant dans les souvenirs de cette épopée, Christophe Vingtrois laisse parler son cœur. "Le côté fête, les scènes de joie partagées avec les potes et le club, ça reste gravé. Ça m'avait aussi marqué de voir les enfants maquillés de jaune et bleu".
"On avait récupéré un minibus et à l'aide d'un mégaphone, on demandait aux gens dans la rue de venir nous soutenir"
Christophe Vingtrois
De magnifiques souvenirs partagés ensemble ; Samuel Tesson, Gérald Moreau et Christophe Vingtrois étant tous les trois alignés sur la ligne défensive. Le Petit Poucet de l'époque avait réussi également à fidéliser toute une ville et ses habitants. Le charme du sport. "Tout le monde était au diapason. On ne pouvait pas se promener dans Bayeux sans qu'un commerçant ne vienne nous en parler, ça faisait plaisir", se rappelle Samuel Tesson, désormais directeur sportif, bénévole, comme aime à le qualifier le président Luis Ferreira-Pavesi. Les joueurs prenaient même les choses en main pour assurer leur propre publicité. "On collait les affiches du 32e de finale chez les commerçants. On avait aussi récupéré un minibus et à l'aide d'un mégaphone, on demandait aux gens dans la rue de venir nous soutenir. Ça a bien changé !", plaisante Christophe Vingtrois, emploi jeune au club au début des années 2000.
Un siège customisé avec un maillot de l'époque
Une autre époque, assurément. Les réseaux sociaux et les outils de communication modernes rendent la tâche nettement plus facile aujourd'hui. Mais pour cette génération née dans les années 1970, chacun vit avec son temps. Ce n'est pas une histoire que ça soit mieux ou moins bien, bien que certains envient un peu la bande à Eric Fouda sur certains aspects. "J'aimerais avoir plus de photos et de vidéos. Nous, on n'a plus que les coupures de journaux un peu jaunies", sourit Christophe Vingtrois qui a ensuite coaché l'équipe première du BFC pendant une demi-douzaine d'années (2012-2018). Pour Gérald Moreau, la frustration est moindre. Pour lui, ses souvenirs, ils sont dans sa tête, indélébiles. "Je ne suis pas très matérialiste, je n'ai rien gardé de l'épopée. Par contre, on a un coéquipier (Frank Lefevre, dit « Coco ») qui a customisé un siège avec son maillot, le n°10 (voir photo ci-dessous). On n'avait pas la force des réseaux sociaux, il fallait attendre le dimanche soir pour voir les images sur France 3". Un autre temps, où il fallait "suivre le tirage au sort sur minitel", se marre Christophe Vingtrois.
"Notre record est fait pour être battu ! S'ils peuvent aller en 16e, 8e ou en quart de finale, on signe de suite"
Gérald Moreau
Il y a 24 ans, le football amateur n'avait rien à voir avec celui d'aujourd'hui : moins d'argent, moins de sponsors, moins de business... Désormais, même le niveau régional se professionnalise. Bon, pas encore au Bayeux FC où les coéquipiers de Grégoire Delain, hormis quelques primes de match, ne touchent pas un « kopeck ». "On avait eu une prime de 5 000 francs par joueur (soit environ 760 €) après le match contre Brest", en rigole encore Samuel Tesson. "Mais on s'en foutait, on jouait au foot pour la gloire". Leur aventure s'est arrêtée le 20 janvier 2001 après un non-match contre Vannes, pensionnaire de CFA, l'actuel N2 (2-0). Les leaders de DH avaient complètement manqué leur rendez-vous devant 2 600 spectateurs à Henry-Jeanne. Les Bayeusains gardent un goût amer de ce 32e de finale. "On n'a pas fait le match qu'on voulait", regrette Samuel Tesson, qui évoluait sur le flanc droit de la défense. "On a été pris par l'enjeu, je ne sais pas pourquoi, on est passé à côté alors qu'il y avait de la place pour passer", assure Gérald Moreau. "Mais on reste fiers de notre parcours". Ils peuvent. Car au Panthéon du BFC, la génération des Tesson, Vingtrois et Moreau a écrit l'histoire.
Leurs successeurs, les Benjamin Renaux, Paul Aubel, Anthonin Cathrine, sont en train de suivre leurs pas. Les trois mousquetaires de l'époque ne manquent pas une miette de l'épopée de Théo Le Calvé et des siens. "Je suis très respectueux et fier de leur parcours. On vit des émotions à travers eux", les remercie Samuel Tesson. Légitime pour leur conseiller "de profiter et savourer" de cette aventure et du 32e de finale qui les attend contre Blois (N2), Christophe Vingtrois a coaché un gros noyau de l'effectif actuel dans les catégories jeunes. "Je suis persuadé qu'ils peuvent encore passer. Ce sont de bons gars. Vu la façon dont ils se sont qualifiés tour après tour, ils peuvent le faire. Le cerveau enregistre les exploits. C'est ancré", témoigne l'ancien défenseur, qui rêve de voir son club de cœur affronter une Ligue 1 à d'Ornano au prochain tour. L'occasion de revivre l'ambiance de l'US Granville face à l'Olympique de Marseille en 2016, ou encore l'US Avranches contre le Paris Saint-Germain l'année suivante. Gérald Moreau n'attend qu'une chose : "Notre record est fait pour être battu ! S'ils peuvent aller en 16e, 8e ou quart de finale, on signe de suite". Quoi qu'il arrive, aucun des trois héros de 2001 ne ratera le rendez-vous contre Blois, que ce soit au stade ou devant son écran de télévision. En espérant que ça porte chance à leurs cadets...
> Coupe de France. 32e de finale - Bayeux FC (R1) / Blois (N2), samedi 20 décembre à 15 H 30 au Stade Henry-Jeanne.
Léa QUINIO
*Au 7e tour de la Coupe de France, le RSG Courseulles (DH) avait été éliminé par Guingamp (L2) 4-3 après prolongation alors qu'il menait 2-1 en seconde période.

Avec son maillot de l'époque, floqué du n°10, Frank Lefevre, dit « Coco », a customisé un fauteuil, afin de garder toujours au près de lui un souvenir de l'épopée d'il y a 25 ans.






