Le HAC en Arkema Première Ligue samedi, le Stade Malherbe et QRM dimanche, idem pour le Régional 1... Alors que l'ensemble des championnats concernant des équipes normandes reprennent ce week-end, notre rédaction consacre une semaine spéciale au football féminin. Troisième volet de cette série avec le portrait de l'Alençonnaise Manon Ryba, qui a connu de multiples expériences sur les terrains régionaux, nationaux et internationaux.
Elle n'avait ni grand frère ni cousin pour lui transmettre le virus. C'est son amour naturel pour le ballon rond, qu'elle tapotait dans la cour d'école avec ses camardes, qui l'a guidé vers les terrains. C'est à l'âge de 10 ans que Manon Ryba franchit les portes d'un club pour la première fois, à Gacé. "C'était la seule offre de sport autour de chez moi. Mon papy et mon papa m'ont poussé à m'inscrire et je me suis dit : « Pourquoi pas »", rembobine l'Ornaise. Jusqu'en U15, elle s'amuse avec les garçons avant d'être confrontée à l'un des dilemmes les plus difficiles de son existence. Ayant atteint l'âge limite pour évoluer en mixité et devant le manque d'équipe 100% féminine autour de son domicile, l'actuelle joueuse de l'US Alençon est obligée de partir pour assouvir sa passion. La ville de Condé-sur-Noireau, à 1 H 30 du domicile familial, se positionne comme une option. "J'avais un oncle qui connaissait Jean Elisabeth (président emblématique du FCF Condéen, décédé au mois d'avril). Il est venu me voir à un match et m'a proposé de rejoindre son club".
Changement de cap, changement de vie. Mais ce tournant implique de s'éloigner de sa famille, avec qui elle est très fusionnelle, pour dormir à l'internat. Les débuts sont très douloureux. "J'ai été chahutée de quitter mes proches. J'appelais mes parents tous les soirs pour leur dire que ça n'allait pas. J'avais quitté un collège de 80 gamins pour venir dans un établissement de 700 élèves et dormir dans un lycée qui en compte le double. Je ne connaissais personne. Ce fut très dur de me faire à cette nouvelle vie". Soutenue par ses parents, convaincue qu'elle peut aller plus loin dans le foot, Manon Ryba décide de persévérer. La jeune femme se concentre sur le football, et l'école. "Bizarrement, c'est l'année où j'ai eu les meilleurs résultats scolaires", sourit-elle, des années plus tard. A l'époque, elle découvre aussi les joies d'un vestiaire féminin, où tout juste adolescente, elle pose son sac à côté de joueuses trentenaires. Elle y restera cinq années, de 2010 à 2015. Au départ avec quelques matchs en U18 puis un passage par la réserve avant d'enchaîner par quatre saisons en D2, dont la première dès l'âge de 17 ans ! "Pourtant, quand j'avais 15 ans, je pensais cette équipe inaccessible. J'avais envie de progresser mais je me disais que ce n'était pas pour moi".
"Les premières primes sont apparues. Pour tous les efforts accomplis, on avait le droit de gagner un peu de sous"
A Condé, la native d'Argentan a donc découvert l'antichambre de l'élite nationale, la joie des déplacements à l'autre bout de la France, les mises au vert, et aussi les prémices de l'argent dans le football féminin, à une époque où les clubs professionnels se font rares. "Les premières primes sont apparues. Pour tous les efforts accomplis, on avait le droit de gagner un peu de sous", glisse-t-elle. 40 € le match gagné, si les souvenirs sont exacts. Arrivée sur la pointe des pieds, Manon Ryba regarde également la façon de manager un club avec de grands yeux. "Jean Elisabeth faisait tout. Il se tuait pour chercher un appartement ou un boulot pour les joueuses. Il gérait le club comme sa petite entreprise. Je trouvais ça fou !" Parmi les plus jeunes de l'effectif, Manon Ryba engrange durant cette période de l'expérience et avale aussi quelques déceptions inhérentes au sport de haut niveau. "Après avoir fait six heures de route pour jouer à Bordeaux, je n'étais pas entrée en jeu. J'ai appris que dans le foot, rien n'était acquis, et qu'il fallait savoir être patiente". Une bonne leçon qui l'a endurcie pour la suite de sa carrière.
Dans un coin de sa tête, le Canada
En 2015, Manon Ryba quitte la Suisse Normande pour poser ses crampons à l'Avant-Garde. Etudiante en STAPS à Caen, elle signe tout d'abord dans ce club pour des raisons logistiques. Fini le niveau national, place au haut de tableau de Régional 1. Aux côtés d'anciennes joueuses de Cormelles-le-Royal qui ont connu la D2 de leur côté (Ysaline Hureau, Mélina Mohammadi, Cindy Lefèvre...), elle décroche Le Graal en 2016. Après avoir pris part aux Championnats d'Europe universitaires de foot à 8, en Croatie (avec une 6e place sur 12 participants à la clé), la Normande contribue grandement à la montée de l'AGC en D2. En finale retour des barrages d'accession face à Orvault, Caen s'impose 1-0 grâce à un but de… Manon Ryba ! Un moment gravé dans sa mémoire. Ou presque. "On avait une équipe de fou furieux ! Ça fait partie de mes meilleurs moments et pourtant, je ne me souviens pas de tout. J'étais sur une autre planète. Une joie dingue avec les copines".
"Pour le foot, j'ai laissé de côté trop de moments précieux avec les amis (...) J'avais envie d'en profiter une fois"
Avec l'Avant-Garde, Manon Ryba goûte de nouveau au niveau national. Au bout de quatre saisons à Caen, elle s'engage au Mans. Mais le Covid bouscule tout son programme. L'Ornaise dit stop au ballon rond pendant un an et demi. "Je me suis posée sur ma vie. Pour le foot, j'ai laissé de côté trop de moments précieux avec les amis. Et avec le Covid, j'ai aussi vu que les amis n'étaient pas éternels, qu'on pouvait perdre des proches. J'avais envie d'en profiter cette fois". Comme si elle voulait rattraper le temps perdu. Fini les déplacements tout un week-end, les samedis à quitter les soirées entre potes, marre de rater les repas de famille.... L'ex-joueuse de Condé croque la vie à pleines dents mais le naturel revient au galop. Alors qu'elle est affectée à un poste d'enseignante dans une école primaire à Alençon, l'appel du terrain devient trop pressant. Elle reprend une licence à l'USA, le club local pensionnaire de R1. Désormais directrice à l'école du Sacré-Cœur à Carouges, elle continue de jouer au foot en parallèle.
"C'est un moyen de rester en forme physiquement. J'en ai aussi besoin dans mon travail car je cours partout !", plaisante la trentenaire. Que ce soit sur le rectangle vert ou entre les murs de l'école, elle a désormais le rôle de maîtresse. Le parallèle est vite fait. "Dans les deux cas, je fais partie des plus vieilles. Désormais, c'est à moi de transmettre". Si le plaisir qu'elle prend balle au pied aujourd'hui est bien différent de ce qu'elle a pu connaître en D2, Manon Ryba se laisse encore la place pour d'autres opportunités. Comme l'impression qu'une case reste à cocher dans sa carrière footballistique. "J'aimerais découvrir à quoi ressemble la D3 d'aujourd'hui. Il y a le futsal aussi. J'aimerais voir ce que je vaux encore (lire ci-dessous)". A plus long terme, elle envisage même de quitter l'Hexagone. "Aller au Canada pour jouer et enseigner ! Je suis persuadée que j'ai un truc à faire là-bas". Pourquoi pas ? Manon Ryba a déjà prouvé que la vie réserve parfois de belles surprises...
Léa QUINIO
Mondiaux universitaires de futsal : "J'ai pris un risque mais j'ai été remerciée par la vie"
En 2018, Manon Ryba a participé aux Mondiaux de futsal universitaires. Et le cheminement pour en arriver à ce tournoi vaut le détour. Après avoir obtenu son master pour être professeure des écoles, la jeune diplômée s'était engagée dans un nouveau cursus universitaire. Un message de Christian Hestin, prof de foot de la fac, a tout changé. "En plein examen, il me dit qu'il a besoin de moi pour se rendre au Mans, pour jouer les qualifications pour les Championnats de France de futsal. Mais pour être présente au début du match, il fallait que je quitte l'exam' une heure plus tôt". Ni une, ni deux, son grand-père la prend la route, frôlant quelques excès de vitesse. Elle enfile son short dans la voiture puis arrive au moment du coup d'envoi. A peine échauffée, elle entre sur le terrain. Son équipe termine deuxième et composte son billet pour les « France » à Nice.
"Mon papy avait pris l'avion avec nous, le scénario était dingue ! Christian Hestin m'annonce que les sélectionneurs de l'équipe de France universitaires sont là. Je me suis encore plus donnée sur le terrain. Ils m'ont dit qu'ils étaient intéressés par mon profil pour faire les pré-sélections pour les Mondiaux au Kazakhstan. Je n'y croyais pas ! Pour moi, c'était impossible de rivaliser avec les filles de Paris ou Rouen. Je n'avais aucune expérience en futsal". Après avoir fait un passeport en un temps record, la voilà qui s'envole en Asie, où, avec le maillot Bleu, elle termine, avec ses coéquipières, au pied du podium. Assurément, le moment le plus marquant de sa carrière. "J'en parle tout le temps à mes élèves. J'ai pris un risque mais j'ai été remerciée par la vie. Je n'ai jamais eu envie d'être Messi ! Mon rêve n'était pas d'être en équipe de France. J'ai pris tout cela comme du bonus !"